L’environnement économique mondial demeure profondément incertain. Si le scénario de reflation privilégié par les marchés est largement poussé par la perspective de la fin de l’épidémie, les mesures de relance et les politiques de verdissement potentiellement très favorables à l’industrie, la digitalisation accélérée post-Covid inquiète. Les pertes d’emplois structurelles qu’elle laisse entrevoir ne font assurément pas bon ménage avec l’optimisme en présence sur le renouveau industriel et la remontée des anticipations d’inflation qui l’accompagne. Le chemin de la croissance verte est loin d’être tout tracé. Un épais brouillard plane toujours sur les perspectives de croissance structurelles malgré des prévisions de fort rebond, dopées aux effets de base historiques provoqués par une crise inédite. Le risque d’erreur d’interprétation et de faux pas des marchés et des banques centrales est assurément élevé.
Tag Archives: Inflation
Ambigus messages de la BCE
Comment se fait-il que la BCE ait attendu son comité de politique monétaire du 11 mars pour décider d’user des moyens déjà à sa disposition pour contrer la hausse des taux entamée début février ? Si Mme Lagarde semble avoir satisfait les marchés par son annonce d’une amplification à venir des achats dans le cadre du programme d’urgence face à la pandémie (PEPP), sa communication étonne à plus d’un titre. Rien n’empêchait la BCE d’être plus active ces dernières semaines tandis que les taux d’intérêt prenaient leur envol puisqu’elle dispose encore de 1 000 milliards qu’elle peut débourser d’ici mars 2022. Dès lors, pourquoi a-t-elle précisément fait l’inverse, réduisant significativement ses achats de titres ? Prise de conscience trop tardive ou opposition de certains membres face à la montée des craintes d’inflation ? La question taraude tant sa réponse pourrait éclairer sur sa lecture et sa stratégie future. Mais précisément nous n’avons pas de réponse à apporter.
BMG février 2021 – Au bout du tunnel ?
Notre baromètre économique global se redresse pour la première fois depuis juillet, à 0,2, son niveau initial de janvier avant révision à 0,1. Les composantes varient peu cependant, pour la plupart encore en zone neutre/légèrement positive. Le changement de contexte observé sur le front de l’inflation le mois dernier se confirme avec un indicateur de momentum à 0,2 points qui suffit à en faire le plus haut depuis avril 2019.
La reflation sans hausse des taux, « ça n’existe pas »… dirait la comptine
Les marchés pris à leur propre piège ? Après avoir poussé comme ils l’ont fait le bouchon de la reflation depuis la fin de l’année dernière, les voilà inquiets de voir le niveau des taux d’intérêt prendre le chemin de la normalisation malgré les conditions hyper-accommodantes des banques centrales. Il fallait avoir bien peu d’égards sur la perspicacité des marchés de taux pour penser qu’il puisse en être différemment. Jusqu’à présent absents du jeu de la politique économique, les gouvernements s’en mêlent aujourd’hui et, leur action combinée à celle des banques centrales, ça finit par faire beaucoup.
Promesses de politiques keynésiennes à vocation de verdissement schumpétérien sur tombereaux de liquidités des banques centrales, le cocktail s’est révélé détonnant sur les marchés de matières premières et de facto sur les anticipations d’inflation. L’ensemble, à première vue, vertueux après dix années de déflation latente, l’est beaucoup moins au regard du risque que représente une remontée des taux d’intérêt face au surendettement généralisé des agents et à des valorisations d’actifs financiers et immobiliers gonflées aux politiques quantitatives et de taux zéro depuis près de dix ans. Le réveil a pris un certain temps à se faire mais commence à se manifester sur les bourses, parmi lesquelles les valeurs technologiques dont la politique quantitative a fait l’essentiel de la surperformance de ces dix dernières années mais sans laquelle les lendemains boursiers pourraient être nettement plus incertains… Face à ce changement deux questions prédominent.
La première concerne la réalité du risque inflationniste, or force est de constater que celle-ci est encore très incertaine.
La seconde est relative à la menace que constituerait un changement des politiques des banques centrales sur les marchés financiers. Celle-ci semble particulièrement élevée.
Déprime dans les services, espoir dans l’industrie, l’économie française piétine
L’indice de climat des affaires de l’INSEE recule d’un point, à 90, sous l’effet d’une baisse de 3 points de l’indicateur des services. Des chiffres qui reflètent toujours une situation sanitaire incertaine et l’impact des restrictions, rien de très nouveau de ce point de vue, donc, à ceci près que la place prépondérante du tertiaire dans l’économie française, plus importante notamment qu’en Allemagne, constitue un frein à la reprise. La situation est différente dans l’industrie, puisque, malgré un niveau toujours inférieur à sa moyenne de long terme, l’indicateur manufacturier poursuit son rattrapage et gagne un point, à un niveau proche de ceux d’avant crise, de 97. Reste que cette amélioration repose pour une bonne part sur des hypothèses très optimistes des industriels sur leur activité et leurs prix futurs. Mieux vaudrait pour cela que leurs commandes s’alignent sur ces attentes. Ce n’est pas encore le cas…
L’incontournable tapering des politiques monétaires
L’exubérance des marchés financiers questionne de plus en plus la pertinence des pratiques monétaires. La Banque Populaire de Chine a mis les pieds dans le plat et initié un premier resserrement de ses conditions monétaires depuis le début de l’année. La Banque du Japon s’interroge et promet plus de souplesse à l’occasion de sa revue du mois de mars. Si les minutes des comités de politique monétaire de la FED et de la BCE décrivent encore une relative inflexibilité, leur position pourrait rapidement apparaître intenable. Les premiers mois de l’année seront marqués par une envolée des taux d’inflation qui, bien que principalement liée aux effets de base, pourrait être accentuée par le reflux de la pandémie. Dans le même temps devrait se concrétiser l’adoption du plan de soutien américain tandis qu’approchera l’échéance des premiers versements de fonds européens, prévue à partir de l’été. Difficile dès lors d’imaginer que les banques centrales échappent longtemps aux pressions qui devraient les pousser à acter la nécessité de changer le braquet de leur politique monétaire. Les gouvernements à la manœuvre, ces dernières devront s’estomper. Une bascule assurément « plus facile à dire qu’à faire !».
Changement de prix relatifs ; pour l’inflation on verra plus tard…
Depuis ses débuts, la crise sanitaire n’a cessé d’entretenir les interrogations sur ses conséquences en matière d’inflation. Dans un tout premier temps, les risques de ruptures d’approvisionnement ont fait redouter une possible envolée des prix des produits de base ; mais les pénuries n’ont pas eu lieu. Dans un second temps, le choc de demande a agité le spectre d’une nouvelle jambe de déflation conforté par la décrue de l’inflation sous-jacente dans de nombreux pays. La vigueur de la reprise économique mondiale au troisième trimestre a néanmoins éloigné ces craintes et, avec l’amorce des vaccinations, l’hypothèse d’une escalade inflationniste a fini par les supplanter. Sur les marchés, les annonces de dispositifs inédits de relance budgétaire ont dopé les anticipations d’inflation tandis que l’envolée des cours des matières premières et la meilleure résistance de l’activité industrielle au regain de crise sanitaire ont fait le reste : ces deux derniers mois, l’indicateur Citi de surprise inflationniste est repassé en territoire positif pour la première fois depuis janvier 2019 et atteint aujourd’hui un plus haut depuis 2017.
Quel diagnostic porter sur ces observations ? L’accélération des prix aujourd’hui observée est-elle frictionnelle ou plus fondamentale et, à ce titre, prémonitoire ? C’est plus à une question de prix relatifs entre industrie et services que nous conduit notre diagnostic à ce stade.
Surchauffe industrielle ?
Les indicateurs de confiance en provenance de l’industrie manufacturière sont unanimes : malgré quelques messages discordants, la confiance résiste incontestablement mieux que ne laissaient présager les développements sanitaires récents. Comment interpréter ces indicateurs ? Les résultats sur le front de la production effective sont loin d’être époustouflants. Si l’industrie s’en tire indiscutablement mieux que les services, rares sont les cas où les indices de production ont pu renouer avec leurs niveaux d’avant crise en dehors de la Chine et de certains pays asiatiques, bien positionnés pour profiter du surcroît de demande de produits électroniques. Pourtant, à en juger par certains commentaires, la situation serait presque celle d’une surchauffe à l’origine d’une extension des délais de production, généralement synonyme d’inflation. Que dire de ces informations a priori contradictoires ?