ReArm Europe : what a call !

Le temps viendra, peut-être sans tarder, de possibles désillusions, erreurs, ou issues regrettables, mais les occasions sont suffisamment rares pour ne pas s’autoriser, pour l’instant, un certain satisfécit à l’égard des initiatives européennes. Jamais, exception faite de l’été 2012, l’idée que l’Europe se construit dans l’adversité n’aura été mieux vérifiée qu’en ce mois de mars 2025. Le pari n’était pas gagné, ne serait-ce qu’il y a quelques semaines, avant que nul n’imagine la tournure extrême que prendrait la politique américaine à partir du 20 janvier et, encore moins, que l’Europe en serait une des premières cibles. F. Merz, déjà dans les livres d’histoire avant d’être à la chancellerie, n’avait pas, non plus, dévoilé son nouveau visage.
La brutalité américaine a provoqué un effet boomerang. Sous le choc, les Européens sont parvenus à se souder pour apporter une réponse collective aux attaques en provenance de la nouvelle administration américaine et aux menaces de la Russie, au point, même, de renouer les liens avec les Britanniques, qui avaient quitté le navire de l’UE en 2020. Au-delà des moyens mobilisés – non le moindre des sujets…-, cette capacité retrouvée des membres de l’UE à reparler d’une même voix, moins une, de facto désuète, et à se fixer des objectifs communs et les moyens d’y parvenir, ont déclenché un regain d’espoir comme l’UE n’en avait pas connu depuis, sans doute, l’ouverture du marché unique.
Face à une population en perte de repères, trop souvent convaincue d’être dans le clan des perdants immobiles, plus occupés à multiplier les réglementations qu’à offrir une vision d’avenir, ces changements sont primordiaux pour redonner du sens à l’Union européenne, rassurer sur la réalité de son existence et sur sa puissance et tenter de rebâtir la confiance nécessaire pour déployer des moyens inédits dont elle a aujourd’hui besoin.
Les retombées économiques potentielles de ce qui est en cours sont inédites et, sur les marchés financiers, les changements sont déjà en train de s’opérer : surperformance sans précédent des bourses européennes par rapport aux américaines et du marché du crédit, réévaluation de la monnaie unique, que nombreux ne pouvaient qu’envisager ruinée au lendemain de la réélection de D. Trump ; remontée du niveau d’équilibre des taux d’intérêt, en phase avec l’amélioration du potentiel de croissance qui pourrait découler du bon déroulé de ces initiatives.

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Le fol engrenage protectionniste s’emballe

Depuis le 20 janvier, les semaines s’enchaînent à un rythme effréné dans une course folle vers l’abîme, sans que l’on puisse prédire la forme que prendra ce dernier, ni ses conséquences, surmontables ou… cataclysmiques.
Les provocations de l’administration américaine ont fini par déboucher sur ce que l’on redoutait : la loi du Talion. C’est, donc, « œil pour œil, dent pour dent ». L’issue ne pouvait pas être différente face aux agressions unilatérales répétées qui ne laissent aucune porte ouverte au dialogue. Le jeu risque néanmoins d’embarquer les uns et les autres vers des terrains extrêmes qu’aucun, ni même son principal protagoniste, n’avait imaginés. A la logique du « je remonte mes droits de douanes, tu répliques, je frappe encore plus fort », les choses vont vite et la montée du mercure s’affole en territoires de moins en moins prévisibles.
L’engrenage protectionniste enclenché débouchera, c’est quasiment acquis, sur plus d’inflation. De quelle ampleur et avec quelles conséquences ? La réponse est encore inconnue, entre les mains des décisions politiques, à bien des égards imprévisibles, et, sans doute dans une moindre mesure, des banques centrales. A la seconde question : « Le choc de demande qui en résultera, suffira-t-il à éteindre le feu ? », nul ne peut, davantage, répondre, notamment parce qu’on ne sait prédire si une récession américaine permettrait de retrouver un cadre de gouvernance plus serein, ou l’inverse.
L’ensemble crée un environnement de rare imprévisibilité. Les chocs à venir de l’empilement des droits de douane et des changements tectoniques de la géopolitique mondiale, impliquent une remise à plat de la plupart des logiques productives et commerciales issues de trois décennies de mondialisation « heureuse », durant lesquelles l’accès aux marchés mondiaux des biens, des services, des matières premières et du capital n’a connu que les entraves ponctuelles de frictions passagères. Les ruptures en cours, on l’a bien compris, ne sont pas seulement tarifaires, elles vont bien au-delà, sans indiquer précisément dans quelle direction et jusqu’où.

Alors, les risques financiers montent en puissance. Comment pourrait-il en être autrement ? Au cours du mois écoulé, les indices américains ont enchainé les corrections avec à leur passif, une perte de plus de 7 % du Dow Jones et de 11 % du Nasdaq. Si les espoirs suscités par les initiatives européennes inespérées de ce début de mois ont efficacement mis à l’abri les valeurs européennes, on aurait tort de penser que les choses seront faciles. Les bouleversements à venir sont incommensurables. Il va falloir parvenir à se projeter dans un monde nouveau, au sujet duquel nous ne savons rien ou presque.

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Face au changement de braquet des marchés américains, les atouts européens

Parmi les interventions les plus remarquées du nouveau secrétaire d’État américain au Trésor, celle du 6 février a marqué les esprits. Les taux d’intérêt à long terme américains pourraient-ils être durablement influencés par l’ambition de Scott Bissent d’en faire baisser le niveau, au détriment des facteurs qui président normalement à leur formation ? C’était peu crédible. C’est, pourtant, ce qu’a réussi l’administration américaine dont les réformes en cours commencent à instiller de sérieux doutes sur leurs effets sur la santé de l’économie américaine !
Conséquence, la réception par les marchés des annonces de l’équipe au pouvoir a changé de nature. Les menaces de droits de douanes, perçues comme inflationnistes tant que dominait le consensus d’une croissance infaillible, ont l’effet inverse dès lors que ce dernier vacille. Sans matelas de protection d’une croissance robuste, pas de place, en effet, pour des chocs de prix sans impact négatif immédiat sur la demande, ni, de facto, pour une préservation des marges des entreprises, qui se verront contraintes d’absorber une proportion plus importante des hausses de taxes à l’importation. Les enchaînements n’ont, ainsi, plus grand-chose à voir avec ceux qui prévalaient en tout début d’année : les taux d’intérêt refluent plutôt qu’ils ne remontent à l’annonce de hausses imminentes des droits de douanes et les actions trébuchent.
Après être nettement retombé depuis l’été, le risque de récession pourrait-il réapparaître ? C’est l’éventualité contre laquelle les investisseurs commencent à se couvrir, avec pour conséquence des ruptures de tendances de la plupart des classes d’actifs : repli du dollar, aplatissement de la courbe des taux, surperformance des valeurs défensives, regain de volatilité…
L’Europe a plutôt tiré son parti de cette configuration ces dernières semaines. De ce côté-ci de l’Atlantique, l’humeur des marchés est apparue -presque- au beau fixe en dépit des menaces en présence. Pour la première fois depuis longtemps les indicateurs de surprise économique y étaient mieux orientés qu’aux Etats-Unis. Les anticipations d’inflation se repliaient et les courbes de taux se repentifiaient.Les valeurs cycliques européennes ont de fait mieux résisté que les américaines, notamment portées par le déploiement d’un effort militaire sans précédent et les résultats de législatives allemandes qui augmentent les chances que le futur chancelier puisse former une coalition agileDans un tel contexte, les annonces de D. Trump sont tombées comme un couperet. La mise à exécution de droits de douanes à 25 % sur les importations européennes à partir du 1er avril est une nouvelle déclaration de guerre économique face à laquelle le Vieux continent est mal loti. Si la BCE peut parvenir à temporiser les effets en cascade de ces annonces, c’est du côté politique que se jouera la partie dans les toutes prochaines semaines.
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F. Merz, prochain Chancelier allemand, sera-t-il à la hauteur des enjeux en présence?

Selon tous les sondages, la CDU arrivera en tête de l’élection allemande de ce dimanche 23 février, au terme de laquelle Friedrich Merz devrait donc devenir le prochain chancelier. L’issue fait jusque-là peu débat. La véritable question est celle de l’ampleur de la poussée de l’AfD et de l’éventualité qu’elle apparaisse comme une force, sinon incontournable, du moins suffisante pour envenimer le climat politique et contraindre à une coalition trop large pour adresser les difficultés d’un pays, passé de locomotive à wagon de queue européen. Alors que son PIB peine à conserver son niveau d’il y a cinq ans, référence d’avant covid souvent mise en avant, le décrochage de l’économie allemande est plus ancien, marqué dès 2017 par le point haut de son industrie automobile, période depuis laquelle son déficit de croissance est de plus de 8 % relativement au reste de l’UEM, de 5,5 % par rapport à la France et de quasiment 4 % par rapport à l’Italie.

L’Allemagne, première économie de l’UE, fait ainsi figure d’homme malade dont l’avenir dictera sans aucun doute celui de la monnaie unique et de l’union européenne dans son ensemble.
Les enjeux du scrutin de dimanche vont bien au-delà des problématiques habituelles, en effet, dans un contexte international requérant une Europe plus forte que jamais qui ne peut être envisagée sans l’engagement plein et entier de la future coalition allemande. Les marchés jusqu’alors bien confiants dans sa capacité à faire le job voient-ils juste ?

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Les perspectives du monde émergent, sous le joug de la politique américaine

Après quatre années de chahut et de déconvenues récurrentes, à quelle sauce les pays émergents pourraient-ils être mangés par la nouvelle administration américaine : victimes attitrées ou, possiblement, rescapés ?
Plusieurs cas de figure aux conséquences très différentes, en même temps que très disparates selon les pays, se présentent, auxquels s’ajoutent depuis peu la perspective possible d’un terme à la guerre qui oppose la Russie à l’Ukraine depuis 2022. De quoi changer la donne ?

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Après le modèle allemand, un nouvel équilibre pourrait se dessiner en Europe

Perdante sur tous les fronts, tétanisée par les menaces de D. Trump, de la Russie et de la Chine, incapable de prendre son destin technologique en main et en proie à ses crises politiques nationales et à ses différends de plus en plus profonds, l’Europe peine à inspirer d’autre sentiment que celui de la désolation ces derniers temps. Les dés bougent, pourtant.

Loin de nous l’idée de nous contenter de ressasser que l’UE s’est régulièrement renforcée face à l’adversité ou de refuser de prendre la mesure des défis et des risques auxquels le Vieux continent, qui n’a jamais aussi bien porté son nom, fait face aujourd’hui. Il s’agit de prendre acte des nouvelles perspectives que pourrait offrir le rééquilibrage que les circonstances de ces dernières années accélèrent. La chute du modèle allemand, jusqu’alors perçu comme le plus efficient et la seule voie à suivre, est pour beaucoup dans ces changements. Doublé de la montée en puissance des pays du groupe de Visegrad, des impératifs énergétiques, militaires et technologiques qui s’imposent aux Européens aujourd’hui, l’évanescence de l’industrie allemande du passé ouvre la voie à une redistribution des cartes à la faveur d’un meilleur équilibre possible des spécialisations et des enjeux de pouvoir ou d’influence. Nous n’y sommes pas, à l’évidence, et la concurrence destructrice que se livrent les grandes Nations européennes peut encore savonner la planche, mais l’issue, à ce jour la seule susceptible de renforcer l’ambition d’une Europe souveraine et pérenne, n’a jamais semblé autant à portée de main.

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Europe du nord-sud, le fossé se creuse, l’Espagne en pole position… mais fragile

Les comptes nationaux publiés cette semaine offrent des enseignements souvent passés inaperçus en première lecture. Parmi ceux-ci, le creusement des distorsions entre les pays du nord et du sud de l’Europe interpelle. Si la croissance de l’ensemble des vingt pays de la zone euro a pu ressortir un cran au-dessus de celle de 2023, à 0,7 % après 0,4 %, ce n’est pas, en effet, grâce à ses principaux pays dont les résultats sont, au mieux, restés inchangés (-0,2 % après -0,1 % en Allemagne, 1,1 % inchangé en France, 0,5 % après 0,8 % en Italie) mais grâce aux plus petits, parmi lesquels l’Espagne, le Portugal, la Grèce ou encore nombre de plus petites économies du sud européen.

Habituels, les écarts de croissance intra-zone euro ont néanmoins pris une dimension particulière l’an dernier, dont tout laisse penser qu’ils ont plus de chance de perdurer que l’inverse, ne serait-ce que par l’avantage que procure aux pays les plus dynamiques leur performance passée. Fin 2024, les acquis de croissance pour 2025 sont déjà de 1,3 % au Portugal et en Lituanie et de plus de 1 % en Espagne. Sans doute sera-ce le cas de la plupart des économies pour lesquelles les comptes de la fin 2024 ne sont pas encore disponibles mais qui se situent dans le haut du classement européen.
De tels écarts persistants sont loin d’être anodins. Si la performance du sud de l’Europe rassure, les conséquences de distorsions durables entre les pays d’un même bloc monétaire peuvent rapidement devenir déstabilisantes, à bien des titres. Après être remonté à 50 % du PIB régional en début de décennie, le poids de l’Allemagne et de la France réunies s’est effrité à 47,7 % l’an dernier. Inhérent au processus d’élargissement, ce phénomène n’est pas un sujet en soi mais pourrait le devenir s’il s’accompagne de déséquilibres croissants que des politiques unifiées amplifient plutôt que l’inverse, créant d’un côté des effets dépressifs additionnels et de l’autre des effets d’aubaine qui ne s’accompagnent pas forcément de progrès structurels proportionnels. C’est en particulier le défi de l’Espagne, quatrième économie de la zone euro qui, bien qu’ayant une nouvelle fois épaté par ses performances en fin d’année dernière pour clore une année de croissance de 3,2 %, peine à transformer ses succès conjoncturels en atouts de plus long terme.
Le risque dans un tel cas de figure est, non seulement, la formation de déséquilibres, à terme, très coûteux, mais que les écarts de croissance finissent par rendre caduque la politique monétaire de la BCE, comme déjà vécu pendant les années qui ont précédé la crise de 2008. Lointaine problématique ? Pas si sûr, si, comme l’a martelé Mme Lagarde cette semaine, la croissance revient en force en zone euro cette année.

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Trump 2.0 : J+4, démonstrations de toute puissance

D.. Trump a été fidèle ses promesses le jour de son investiture. Il a signé une multitude de décrets et tenu des propos dignes de sa posture. C’est, pourtant, par ses absences que cette journée a, un temps, interpellé, en particulier sur le front économique. Si les hausses de tarifs douaniers étaient au rendez-vous, elles ne concernaient que le Canada et le Mexique ; on était loin des menaces jusqu’alors formulées. Absentes également, les références à la politique budgétaire et fiscale. Il est vrai que cette dernière ne se décrète pas mais se négocie au Congrès. On s’étonnait, néanmoins, que les promesses de baisses d’impôts n’aient été évoquées que pour mentionner la proposition de revenir sur la taxation minimum de 15 % des bénéfices des multinationales. Au total, de grandes absences que l’on cherchait à expliquer ou dont on se réjouissait. Sur les marchés, la mise à l’écart du risque inflationniste assorti à la perspective de tarifs douaniers généralisés, accentuait la correction à la baisse des taux d’intérêt des jours précédents, provoquant une chute immédiate du dollar, qui ouvrait la porte à de plus amples marges de détente monétaire au-delà des frontières américaines ; un plus, salué par les bourses.
Il aura néanmoins fallu moins de quarante-huit heures pour que ce calme relatif soit balayé, avec un retour en force des menaces protectionnistes contre la Chine et l’Europe et les premiers couacs au sein de la garde rapprochée du président. E. Musk s’est débarrassé de Vivek Ramaswamy et dirigera seul le DOGE, tandis que le programme Stargate déclenchait une guerre à coup de centaines de milliards de dollars entre les Techbros. Mais cela n’était rien en comparaison de la démonstration de toute puissance livrée par le président américain au sommet de Davos et aux diktats qu’il a adressés aux producteurs de pétrole et aux banques centrales. D. Trump nous avait habitués aux démonstrations tempétueuses, sans grandes conséquences entre 2017 et 2020. Les choses prennent une tout autre tournure aujourd’hui. Au-delà du seul président, les égos démesurés de sa garde rapprochée et la puissance que leur confère leur position de force constituent des menaces systémiques sans précédent.

Pendant ce temps, la Californie brûle toujours, les marchés se bercent de PMI et les banques centrales profitent de la dernière occasion qui leur est donnée d’ajuster leur politique comme elles l’entendent. La BoJ, a pu relever son taux directeur sans redouter de trop sanctionner ses entreprises face à la Chine, la BCE devrait profiter de cet entre-deux pour baisser les siens la semaine prochaine, quant à la Fed, elle pourra se contenter d’un statu quo sans trop d’états d’âme à ce stade, quoi qu’en dise D. Trump. Si ce n’était les signaux envoyés par l’envolée des cours de l’or, la vie des marchés semblerait des plus normales. La diversion semble bien partie pour durer.

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