Insensible aux tergiversations sur les droits de douanes, l’indicateur des prix payés de l’ISM manufacturier campe pour le quatrième mois consécutif sur de très hauts niveaux, entre 69 et 70 (69,7 en juin). Les moratoires, accords, délais sur la mise en place des droits de douane ne changent donc pas fondamentalement la perception du contexte inflationniste des directeurs d’achats. L’équivalent S&P des PMI ne dit d’ailleurs rien d’autre, pire, il suggère une forte accélération des prix facturés au cours du mois écoulé. Le risque est, dès lors, limpide : même en cas de nouvelle reculade de D.Trump, les prix à la consommation risquent de fortement accélérer au second semestre, malgré leur surprenante inertie des derniers mois.
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Fuite en avant budgétaire aux Etats-Unis
Après l’échec du DOGE et la volte-face sur les droits de douane, voilà le troisième volet du programme de D. Trump sur le devant de la scène : le budget fédéral, en ce moment en discussion au Congrès. Il n’est pas garanti que les résultats, en termes économiques, soient bien meilleurs. Le programme des républicains qui fait de la baisse des impôts une priorité absolue est très loin d’être équilibré en dépit de coupes drastiques des prestations sociales. Dès lors, ce budget :
– Est profondément inégalitaire, promettant de creuser davantage le fossé entre les différentes couches de la population américaine.
– Est largement déficitaire et pourrait l’être davantage si certaines économies sont abandonnées : les républicains, avec une assez courte majorité à la chambre des représentants, n’ont pas forcément tous les moyens de leurs ambitions.
– Promet une envolée de la dette publique dont les marchés ont commencé à acter les conséquences, avec une envolée des taux de financement à long terme et une baisse du dollar.
Nous synthétisons ici les principaux aspects de ce programme budgétaire et les chiffrages à ce stade disponibles.
« Deux poupées au lieu de trente » les américains ont reçu le message
Plutôt qu’un emballement à la hausse des prix et à la baisse de l’activité, les droits de douane américains atteignent l’économie par petites touches., de sorte que leurs effets paraissent, à première vue, flous, parfois indolores, voire contre-intuitifs. Ainsi, les ventes de détail se sont maintenues, la production manufacturière a reculé légèrement et, surtout, les prix à la production ont baissé, dans la foulée de CPI plutôt rassurants, alors même que les droits de douane laissaient entendre une nouvelle jambe d’inflation.
Pour autant, les mouvements en présence sont loin d’être uniformes, et le tableau qui se dessine n’est pas des plus rassurants : face aux signes d’accélération des prix des biens, les ménages semblent avoir rogné sur leurs dépenses non essentielles, ce qui a contribué à la baisse des prix dans certains secteurs, notamment dans les services.
Moins de pressions inflationnistes….pauvre J.Powell
Les tarifs annoncés le 2 avril n’ont, pour l’heure, pas bouleversé l’environnement de prix américains. En effet, le CPI a augmenté de 0,2 % en avril, tout comme sa composante sous-jacente. Sur un an, l’inflation a baissé d’un dixième de point, à 2,3 %, tandis qu’elle est restée stable une fois retranchée de ses composantes « alimentaire » et « énergie », à 2,8 %.
Les détails sectoriels ne montrent pas, non plus, de distorsions imputables à la politique commerciale américaine. L’habillement ou les biens de transport ont même vu leurs prix reculer sur un mois. Idem pour les services de loisirs ou de communication, sur fond de déprime de la demande et de baisse de 0,1 % des revenus réels.
Et maintenant, c’est quoi le programme, l’Amérique renonce à se libérer ?
Après un mois d’avril sous le signe de l’escalade dans la guerre commerciale, le mois de mai est marqué par une relative détente entre les Etats-Unis et la Chine. Supérieurs à 100 % des deux côtés, les droits de douane sont, grâce à un accord conclu ce lundi matin, ramenés à 10 % pour les produits américains entrant en Chine et à 30 % pour les biens chinois entrants aux Etats-Unis. Cet accord n’est pas définitif mais marque une trêve de 90 jours, censée, donc, arriver à terme mi-août, un mois après la pause des tarifs à l’égard du reste du monde annoncée le 9 avril.
Il permet de mettre à l’écart les menaces les plus importantes induites par l’escalade de la guerre commerciale sino-américaine de ces dernières semaines et a, sans surprise, été salué par les marchés mondiaux : en Chine, avec une progression de 0,8 % de l’indice Shanghai et de 1,7 % de celui de Shenzhen et aux Etats-Unis, avec une hausse de plus de 3 % du S&P 500 et de plus de 4 % du Nasdaq composite. Le dollar, de son côté, s’est adjugé un rebond de 1,6 %, l’euro retombant sous le niveau de 1,11$ qu’il n’avait plus connu depuis le 2 avril. Si l’objectif était l’apaisement, le pari est réussi, tout au moins, ce lundi. S’il s’agissait de rendre la politique américaine plus lisible, on est encore loin du compte.
L’économie « made by D. Trump » : une première contraction du PIB américain…
… A priori pas la dernière. D.Trump veut imprimer sa marque sur les Etats-Unis, voilà qui est fait. Le PIB américain a reculé de 0,3 % en rythme annualisé (r.a.) au premier trimestre, soit une baisse minime, de 0,1 % selon la lecture communément admise en Europe. Ce que les comptes nationaux recouvrent n’est toutefois guère rassurant. les entreprises américaines ont massivement importé pour stocker et ont anticipé leurs investissements, essentiellement informatiques, en prévision des hausses de droits de douane. Les ménages n’ont pas eu ce loisir et ont finalement peu devancé l’appel, contrairement à ce que pouvaient laisser penser les ventes de détail. La consommation n’a augmenté que de 1,8 % r.a. au premier trimestre, sa plus faible hausse depuis le printemps 2023. Enfin, sous l’effet du DOGE, les dépenses publiques ont baissé pour la première fois depuis près de trois ans.
Les hausses de prix ont, par ailleurs, nettement accéléré au premier trimestre, que ce soient celles du PIB, de 3,7 % r.a., ou des dépenses de consommation, de 3,6 % r.a, après une fin d’année dernière dans la région des 2 %. Difficile, pour le coup, d’attribuer ces hausses aux droits de douane, dont les effets seront plus visibles à partir d’avril. Il sera compliqué pour la Fed de faire abstraction de cette mauvaise publication, même après les données assagies du mois de mars, au cours duquel les prix PCE ont stagné, tant que les taxes prohibitives sur les importations chinoises seront maintenues.
D. Trump : une récession américaine en moins de 100 jours !
Les données de la semaine dernière avaient plutôt rassuré. PMI, ventes de détail, production industrielle et commandes de biens durables s’étaient plus ou moins maintenus, laissant entendre que les effets des droits de douane étaient, si ce n’est négligeables, du moins reportés dans le temps, peut-être, d’ici là, édulcorés par une volte-face de D. Trump sur les mesures tarifaires, comme il le laissait entendre… Les témoignages de ces derniers jours ne sont plus du même tonneau : effondrement des flux commerciaux sino-américains, blocage de l’activité portuaire et rayons de commerces vides ont commencé à occuper les Unes des médias. En l’absence d’informations précises, le diagnostic restait, néanmoins, en suspens. Les données de ces tout derniers jours lèvent les doutes. La chute des ISM régionaux, le nouveau record de déficit commercial et l’effondrement de la confiance des ménages sont suffisamment marqués pour conclure, qu’au-delà des incertitudes relatives aux transactions exceptionnelles d’or en début d’année sur le chiffrage du PIB du premier trimestre qui sera publié demain, l’économie américaine semble bel et bien avoir entamé une récession courant avril. Le diagnostic posé, les marchés s’ajustent : chute des taux d’intérêt et des prix des matières premières sauvent les indices américains, les investisseurs semblant laisser de côté, pour l’instant, ce que signifie ce diagnostic pour les perspectives de résultats des entreprises américaines…
L’inflation seule aurait suffi pour faire baisser les taux américains…
Après un début d’année inquiétant, l’inflation américaine montre de vrais signaux de ralentissement. Elle est passée de 2,8 % en février à 2,4 % en mars. Même chose pour l’inflation sous-jacente, en recul de trois dixièmes, à 2,8 %. En termes mensuels, les prix à la consommation ont même baissé de 0,1 %, pour la première fois depuis presque trois ans, sous l’effet combiné du ralentissement du CPI « cœur », à 0,1 % et de la baisse de 2,4 % des prix de l’énergie. En résumé, à l’exception de l’alimentaire, en hausse de 0,4 % sur un mois, les données du mois de mars sont d’un cru rarement égalé depuis la fin du covid….
Dans ce contexte, la Fed aurait clairement pu envisager de reprendre ses baisses de taux… Si seulement il n’y avait pas les initiaties ravageuses de D. Trump.