« Nous devons être prêts à l’imprévisibilité »… et pour cause. Rarement la présidente de la BCE n’est apparue aussi incertaine, qu’il s’agisse, bien sûr, des développements possibles sur le front de la guerre commerciale, de leurs conséquences en matière de croissance et d’inflation ou, encore, des effets à terme des initiatives européennes en faveur de la défense et des infrastructures. Préoccupée, Mme Lagarde l’est indiscutablement, au point d’avoir fait dévisser les taux à deux ans allemands de quelques sept points de bases supplémentaires malgré l’annonce largement anticipée d’une baisse d’un quart de point de ses taux directeurs, à 2,25 % concernant le taux de facilités de dépôts. La suite ? Nul ne sait pourtant, car si la BCE se satisfait des résultats obtenus sur le front de l’inflation, « y compris des services », et anticipe une révision à la baisse des perspectives de croissance, rien ne lui permet de s’engager sur ce que sera sa politique future, qui sera décidée au cas par cas, en fonction des éléments à disposition.
Qu’attendre de plus dans le contexte en présence ? D. Trump tient les banques centrales et les perspectives internationales dans un étau dont il semble le seul maître. Si l’action de la BCE permet de préserver une pentification de la courbe des taux d’intérêt, cette protection se révèle aujourd’hui de bien peu d’effets pour protéger les bourses face aux menaces en présence. Il faut espérer que l’offre de crédit résiste davantage, c’est sans doute sur ce point que la vigilance de la BCE porte déjà et, sauf volte-face, a priori peu probable, de la politique américaine, ce qui l’incitera à aller plus loin dans le processus de baisse des taux dans les mois à venir.
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Service minimum pour la Fed qui ralentit, un peu, le rythme de réduction de son bilan
Comme prévu, la Fed n’a pas changé le niveau objectif des Fed Funds, ni ses projections pour ces derniers, restées inchangées à court comme à moyen terme par rapport à celles du mois de décembre. La révision à la baisse de son scénario de croissance pour 2025, 2026 et 2027, de respectivement quatre, deux et un dixièmes est loin d’être négligeable mais le chemin parcouru en sens inverse sur ses projections d’inflation PCE l’empêche d’envisager d’ajuster sa politique monétaire comme elle aurait sans doute pu le faire en l’absence de ces dernières. En cause, J. Powell est on ne peut plus clair sur le sujet : l’impact des tarifs douaniers. Si les changements apportés aux projections de prix concernent uniquement l’année 2025, la perspective d’une inflation core PCE à 2,8 % fin 2025 au lieu des 2,5 % envisagés en décembre impose une évidente limite à son action. Le résultat du FOMC est donc conforme à ce notre preview.
Si la Fed a, malgré tout, sauvé la donne pour les marchés,
Pourquoi la Fed se précipiterait-elle à changer d’option ?
Lors de sa dernière prise de parole, J. Powell s’est montré confiant, soulignant la solidité du marché du travail et le fait que la Fed était en bonne position pour attendre d’avoir plus de visibilité avant de faire évoluer le niveau de ses taux d’intérêt. Les marchés ont mal réagi à ces déclarations du 7 mars qui coïncidaient avec la publication par la Fed d’Atlanta de son estimation d’une contraction de 2,8 % r. a. du PIB américain du premier trimestre. Depuis, de nombreux indicateurs ont déçu, entretenant l’idée que la posture de la Fed pourrait avoir évolué dans une direction plus accommodante, susceptible d’ouvrir plus nettement la porte à de possibles baisses de ses taux à partir de l’été, conformément aux attentes des marchés.
La probabilité d’une baisse des Fed Funds cette semaine est proche de zéro, en effet, c’est donc sur la suite que l’attendent les marchés, après la révision à la baisse des Dots qui n’envisagent plus qu’un demi-point de baisse des Fed Funds cette année depuis le FOMC de décembre. Les marchés verraient d’un bon œil un changement de ces projections, en faveur de perspectives de de 75 points de baisse des Fed Funds que pourrait justifier une révision à la baisse des perspectives de croissance dès lors que la Fed peut encore se permettre de conserver sa prévision d’inflation inchangée. En des temps normaux, une telle éventualité lèverait peu de doutes. Sauf que le temps présent n’a rien de bien normal et que de nombreux éléments suggèrent que la Fed a bien peu d’incitations à aller dans ce sens.
Vers une baisse des taux de la BoE, sans grande conviction sur la suite
La Banque d’Angleterre est restée très prudente jusqu’à présent et n’a abaissé ses taux directeurs qu’à deux reprises depuis août, contre cinq pour la BCE. Chaque baisse a, par ailleurs, été assortie d’une certaine retenue quant à la poursuite de l’assouplissement, tandis que chaque pause a été accompagnée d’une porte ouverte à une reprise des baisses. En décembre, la BoE avait laissé ses taux inchangés, face à une légère accélération de l’inflation, dont la composante sous-jacente s’est néanmoins repliée trois dixièmes le même mois, à 3,2 %, un plus bas (avec septembre) depuis l’embardée des prix post-covid. Les taux d’intérêt réels sont, par ailleurs, repassés au-dessus de ceux des Etats-Unis et les anticipations implicites d’inflation campent sur de bas niveaux depuis l’automne. L’ensemble devrait permettre à la BoE d’abaisser ses taux directeurs une nouvelle fois jeudi, de 4,75 % à 4,50 %, pour limiter une atonie prolongée de l’activité et, peut-être, prévenir une réappréciation trop rapide de la livre sterling. La BoE a tout lieu néanmoins de conserver un discours prudent sur la suite qu’elle donnera à sa politique monétaire, avant les mesures du budget 2025 qui seront introduites en avril, parmi lesquelles la revalorisation du salaire minimum.
Les ailes de colombe de Mme Lagarde bel et bien ligotées par les faucons de la BCE
Super cool sur l’inflation dans son communiqué initial, la BCE apparaît, in fine, beaucoup plus réservée sur les perspectives, en particulier sur le front des services. Après avoir confirmé la baisse de ses taux directeurs d’un quart de point, à 2,75 % pour le taux de dépôt, Mme Lagarde a quasiment mis à l’écart la probabilité d’une nouvelle baisse de ses taux au mois de mars dès sa réponse à la première question qui lui a été posée. La présidente de la BCE a souligné la nécessité d’avoir plus d’informations sur les tendances en cours avant d’aller plus loin dans le processus de baisse des taux, quand bien même ce dernier n’est probablement pas terminé : les conditions monétaires sont, en effet, jugées toujours restrictives et les taux encore supérieurs à ce qui serait la neutralité … même si ce diagnostic peut encore évoluer dans le futur ! En bref, les chances que la BCE aille là où les marchés l’attendent, sont malmenées.
D. Trump devrait féliciter la Fed dont la prudence fait refluer les taux, non l’inverse !
Le meilleur moyen de faire refluer les taux d’intérêt auxquels se financent les entreprises, les ménages et l’Etat américains n’est pas de baisser les taux directeurs de manière injustifiée mais, souvent, l’inverse. D. Trump gagnerait bien du temps et de l’énergie s’il acceptait cette vérité, on ne peut mieux illustrée par les développements monétaires des derniers mois. Rappel : le 18 septembre, la Fed surprend en versant d’un côté démesurément accommodant. Pour prévenir un risque conjoncturel qu’elle est à peu près la seule à redouter, elle baisse d’un demi-point ses taux directeurs de 5,50% à 5 % et annonce envisager de les ramener à 3,5 % d’ici fin 2025. Perçue comme trop conciliante à l’égard de l’inflation, son action pousse les taux longs en sens inverse de celui des Fed Funds : le rendement des T-Notes à 10 ans grimpe de 3,60 % le 18 septembre à 4,40 % à la veille du FOMC suivant. La Fed a fait un faux pas qui lui à couté sa crédibilité et les primes de terme se tendent d’autant plus que les menaces inflationnistes s’exacerbent à l’approche de la réélection de D. Trump. Son erreur la menace de perdre la main sur la formation des taux d’intérêt à terme, une issue hautement inconfortable qu’il lui faut corriger. C’est ce qu’elle a fait en décembre par un changement de discours complété de perspectives de baisses des Fed Funds drastiquement rabotées et ce qu’elle a réitéré cette semaine en fermant la porte à de nouvelles baisses de ses taux directeurs jusqu’à nouvel ordre, sans exclure la possibilité d’un nouveau resserrement : les taux à deux ans se sont, de fait, légèrement tendus, mais les taux à plus long terme, qui avaient stoppé leur ascension après le FOMC de décembre, se sont, à l’inverse, légèrement détendus, aidés par la dissipation des craintes relatives au protectionnisme de D. Trump depuis le 6 janvier.
Profil bas pour un président de la Fed sur un siège éjectable…
Le maintien des taux de la Fed à 4,25/4,5 % au terme du FOMC de cette semaine ne fait guère de doute. Dans un contexte de croissance soutenue, de récent raffermissement des créations d’emplois et d’incertitude persistante sur l’inflation future, le mini-cycle de baisses des taux directeurs de la Fed devrait prendre fin, tout au moins marquer une pause jusqu’à nouvel ordre. J. Powell en dira-t-il davantage sur la suite ?
Quasi-clap de fin de la baisse des taux de la Fed : un brutal retour à la réalité
Le verdict semblait, pourtant, acquis : dans une position intenable depuis le FOMC du 18 septembre, la Fed accompagnerait l’annonce d’une baisse d’un quart de point des Fed Funds, que les derniers chiffres d’inflation lui permettaient de sauver, d’une révision significative de ses perspectives. C’est ce qu’elle a fait en réduisant de moitié l’ampleur de l’assouplissement monétaire pour 2025, de 100 points de base comme elle l’avait malencontreusement prévu en septembre, à 50 points. A écouter J. Powell, la Fed aurait, d’ailleurs, pu aller plus loin. L’unanimité des votes n’a pas été recueillie, en effet, pour la baisse de ce 18 décembre et certains membres considèrent bel et bien que celle-ci pourrait être la dernière. En cause, un changement majeur de perception sur les perspectives d’inflation que les membres du FOMC prévoient en hausse l’an prochain, de 2,4 % en décembre 2024 pour le PCE, à 2,5 %, au lieu des 2,1 % prévus en septembre. C’est ce changement qui semble avoir provoqué la susceptibilité des marchés, qui ont violemment réagi à la publication de ces projections et, plus encore, aux réserves exprimées par J. Powell au fur et à mesure de sa conférence de presse. Résultat, les indices boursiers américains ont perdu pieds, le Nasdaq en chute de 3,6 % et le S&P 500 de 2,95 %, tandis que le rendement des T-Notes s’est envolé de plus de 13 pb, à 4,52 % à deux doigts de son plus haut d’avril, 4,66 %. Le dollar s’est quant à lui adjugé une progression de 1,2 %, provoquant des réactions en chaîne sur les marchés des changes dont le plus remarquées sont la chute l’euro à 1,035$, celle du yuan à un plus bas depuis fin 2007, à 7,325CNY pour un dollar et celles des crypto-monnaies.