Après quatre années de chahut et de déconvenues récurrentes, à quelle sauce les pays émergents pourraient-ils être mangés par la nouvelle administration américaine : victimes attitrées ou, possiblement, rescapés ?
Plusieurs cas de figure aux conséquences très différentes, en même temps que très disparates selon les pays, se présentent, auxquels s’ajoutent depuis peu la perspective possible d’un terme à la guerre qui oppose la Russie à l’Ukraine depuis 2022. De quoi changer la donne ?
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Stratégie d’investissement sur les différentes classes d’actifs
Ceinture et bretelles pour 2025 : une lecture critique du « consensus » de marché
À en juger par le consensus des analystes des grandes banques internationales, 2025 serait une année des plus prometteuses au cours de laquelle les éléments les plus favorables aux bourses mondiales, américaines en premier lieu, seraient de nouveau au rendez-vous. Sans doute le sentiment des consommateurs américains n’est-il pas totalement étranger à cette vague d’optimisme. Ces derniers n’ont jamais été aussi confiants qu’aujourd’hui sur les perspectives boursières. Selon le Conference Board, plus de 57 % d’entre eux s’attendaient à une hausse des indices pour l’année à venir en novembre, mois de la réélection de D. Trump, soit vingt points de plus que la moyenne de 36 % observée depuis près de 40 ans. Ils étaient encore plus de 52 % à le penser en décembre.
De là à entretenir le discours ambiant, il n’y a qu’un pas que nombreux franchissent sans mollir, quitte, parfois, à tirer les scénarios par les cheveux. Selon le FT, les analystes « sell side » sont très majoritairement « bearish » au sujet des cours du pétrole, donc « bullish » s’agissant des perspectives de taux d’intérêt et, performance de l’an passé oblige, sur celles l’or. Ils sont, par voie de conséquence, plutôt confiants sur les bourses européennes et quasi-unanimement « bullish » sur les actions américaines.
Si le calendrier avance, rien ne semble changer du côté du consensus. Malgré le lapin posé par le rallye de Noël, la confiance est résolument au RDV et, avec elle, un degré d’aveuglement qui laisse pantois. Il y a bien des raisons de penser, en effet, que les choses ne se dérouleront pas comme anticipé et que dans les conditions en présence, mieux vaudra être bien harnaché pour aborder cette nouvelle année.
Si, parmi les nombreuses occasions d’instabilité, de mauvaises surprises ou de coups durs, les chances qu’aucune ne vienne entraver le scénario escompté ne peuvent être considérées comme nulles, reconnaissons que tel n’est pas, a priori, le plus probable. Face à l’excès d’optimisme en présence, le contrecoup pourrait être d’autant plus dur. Sur quels points se tenir sur ses gardes ?
Les bonnes surprises du changement des anticipations sur la politique de la Fed
Rares ont été les années marquées d’autant d’instabilité en matière de perspectives monétaires, aux Etats-Unis et, de facto, à l’échelle quasi-mondiale. Les hésitations sur la profondeur du mouvement de désinflation et les tendances de la conjoncture américaine, doublées de la posture « data dépendent » de la Fed ont fait virevolter les anticipations sur la politique monétaire de 2024 d’un extrême à l’autre, presque sans discontinuer, depuis janvier. Après avoir envisagé la possibilité d’une baisse des Fed Funds jusqu’à 3,75 % en début d’année puis de quasiment renoncer à la possibilité d’une quelconque détente monétaire au printemps, les marchés sont brutalement revenus en arrière à la fin de l’été… avant d’être, une nouvelle fois, rattrapés par le regain des anticipations d’inflation attaché à la réélection de D. Trump.
Marchés obligataires, le scénario idyllique a du plomb dans l’aile. A quoi s’attendre ?
Le schéma était bien huilé : l’inflation, apparemment, maîtrisée, les banques centrales progresseraient dorénavant vers une normalisation graduelle de leur politique monétaire. La Fed, avec un point de départ plus élevé, bénéficierait de marges accrues de baisses de ses taux par rapport à la BCE, laquelle pourrait, néanmoins, s’appuyer sur la fragilité de la conjoncture européenne pour avancer à un rythme à peine moins cadencé.
J. Powell et C. Lagarde n’ont, d’ailleurs, pas contrarié le consensus, confortant, plus que l’inverse, les espoirs en place. Fin septembre, encouragés par les Dot Plots particulièrement conciliants du FOMC, les marchés anticipaient des taux à 2 ans à 3 % aux Etats-Unis et 2,2 % en Allemagne, d’ici septembre 2025 ; ni trop élevés, grâce au retour d’une inflation là où le souhaitent les banques centrales, ni trop bas, conformément au scénario d’atterrissage en douceur de l’économie américaine, qui avait supplanté les craintes de récession de l’été, et à celui d’une petite mais reprise quand même en zone euro.
En somme, le meilleur des cas de figure ; favorable à une repentification des courbes des taux, accueillie comme il se doit par les marchés, avec en sus, un vigoureux appel d’air pour les actifs du monde émergent, doublement soutenus par la perspective de baisses des taux et du dollar américains.
Seulement voilà, le scénario idyllique a du plomb dans l’aile. Non seulement, l’économie américaine se porte beaucoup mieux qu’envisagé par la Fed en septembre, triplement soutenue par le repli de l’inflation, la baisse des taux et une politique budgétaire toujours très active à la veille de la présidentielle, mais les sondages sur l’issue du scrutin ont viré de bord, pointant vers une probabilité élevée d’un retour de D. Trump aux commandes, avec dans sa hotte, un programme éminemment inflationniste.
Simultanément, le boulevard dont semblait pouvoir bénéficier la BCE après la chute de l’inflation du mois de septembre en zone euro, s’est réduit en un sentier escarpé avec la publication d’octobre, nettement moins favorable. Par ailleurs, là aussi, la conjoncture retrouve quelques couleurs, avec des consommateurs plus prompts à la dépense que jusqu’alors, notamment en Allemagne. L’urgence à baisser les taux se réduit, donc, de facto et le degré de liberté dont semblait pouvoir bénéficier la BCE par rapport à la Fed n’est plus que peau de chagrin, à la réappréciation près de l’euro, dont le regain de vigueur permettra, peut-être, à l’institution d’aller un cran plus loin, sur la pointe des pieds et sous réserve que les anticipations d’inflation ne suivent pas la direction empruntée ces dernières semaines du côté américain.
Le contexte, c’est peu de le dire, se complexifie avec, en prime, les mauvais chiffres d’emploi du mois d’octobre. Que peut-il, dès lors, se passer ?
Baisse des taux, pour le meilleur ou pour le pire ? Scénario trimestriel du 17/09
Programmer une présentation trimestrielle la veille d’un comité de politique monétaire de la Fed n’est jamais très confortable, certains diront malin. A contrario, à quoi serviraient les économistes s’ils n’étaient pas capables de se forger des convictions suffisamment solides pour affronter, y compris, les banquiers centraux ? En l’occurrence, notre vision n’a pas vraiment changé après les annonces de la Fed, sinon que la confiance de J. Powell dans sa capacité à procéder à un assouplissement monétaire de l’envergure qu’il prévoit renforce nos craintes d’un redémarrage précoce de l’inflation, inscrit en toile de fond de notre scénario pour 2025.
Dans notre exercice trimestriel de cette rentrée, bien peu de digressions sur la situation macro-économique. Cette dernière ne change guère à l’échelle internationale et nos prévisions de croissance et d’inflation sont quasiment inchangées depuis deux trimestres. Peu de développements également sur l’inflation, qui évolue peu ou prou comme prévu : l’inflation reflue bel et bien mais les facteurs de résistance sont encore largement présents, comme anticipé. C’est sur les perspectives de baisses des taux d’intérêt que nous avons mis l’accent, avec, pour le coup, un nécessaire préalable sur le diagnostic conjoncturel américain, autour de la question : vrai risque de récession ou non ? De la réponse à cette question découle, en effet, l’essentiel de nos prévisions de taux d’intérêt et les risques que le meilleur de la baisse des taux puisse se transformer en pire hypothèse, sinon à courte échéance, du moins à plus long terme, pour l’inflation et les marchés financiers du monde développé et émergent. De fait, au-delà du soutien que représente le repli en cours des taux d’intérêt pour les perspectives économiques et marchés financiers, la question de la profondeur de la reprise cyclique est difficilement contournable.
Les grands doutes de la rentrée
La saison estivale n’a pas été de tout repos sur les marchés et les turbulences de la fin juillet ont laissé des stigmates qui marqueront vraisemblablement les semaines de rentrée. Si les perspectives de baisse de taux se sont intensifiées depuis le début de l’été, leur capacité à prendre le pas sur les menaces en provenance de la conjoncture américaine interroge. Bien que l’issue d’une récession ne s’impose pas au diagnostic, les craquements immobiliers et le ralentissement des créations d’emplois préoccupent, quand le tassement de l’inflation ajoute aux risques sur les perspectives de résultats des entreprises. Jusqu’où la FED ajustera-t-elle sa politique dans un tel contexte est incertain. Si le ton devrait être donné pour un premier pas d’un demi-point dès septembre à l’occasion du symposium de Jackson Hole cette fin de semaine, ses marges de manœuvres seront-elles aussi importantes que les marchés l’escomptent en l’absence de récession ?
L’obscur paravent des scenarios de marché d’après le 7 juillet
Même pas mal ? C’est la conclusion à laquelle la plupart des économistes devraient parvenir quand il s’agit d’évaluer l’impact d’une éventuelle victoire du RN sur les marchés financiers. Son programme, édulcoré, n’a plus grand-chose pour déplaire aux investisseurs, en effet. Une bonne stratégie politique voudrait, par ailleurs, que ses défenseurs se gardent bien d’aller titiller les marchés durant cette période-test, au cours de laquelle le premier souci devrait être d’asseoir leur crédibilité en matière de gouvernance… dans la perspective de 2027. Si, comme nous le pensons, la Fed finit par baisser ses taux directeurs sans tarder, il se pourrait, même, que les taux de la dette française refluent d’ici la fin de l’année !
Pourtant, même dans ce schéma-là, les risques assortis aux résultats des élections législatives françaises sont considérables. En premier lieu parce que, dans le meilleur des cas ressortirait la pire des hypothèses, celle que s’installe durablement en France un gouvernement d’extrême droite, ouvrant de facto la porte à une multitude d’inconnues à plus ou moins long terme.
Inconnues sociales d’abord, avec un programme résolument discriminant dont souffriront, en premier lieu, ceux qui l’auront porté au pouvoir et les risques d’instabilité assortis, susceptibles de déboucher sur des situations de crises imprévisibles, peut-être inédites. L’inconnue politique, ensuite, qui ne disparaîtra pas de sitôt après les élections. L’extrême droite lâche difficilement le pouvoir quand elle le tient, comme l’a rappelé l’épisode du Capitole aux États-Unis. Inconnues européennes et géopolitiques, aussi, avec un quart du Parlement de l’UE entre les mains d’une extrême droite idéologiquement contre l’Europe, sauf quand elle sert ses ambitions politiques, en même temps que profondément divisée sur le front géopolitique, commercial et même sur celui de l’immigration. Inconnues économiques, enfin, d’une formation bien partie pour accroître plus encore les inégalités et le déclin de la France qui l’auront portée au pouvoir, ou, ce qui revient au même, pour empêcher l’avancée des chantiers d’avenir, avec le risque, qui plus est, de donner plus d’écho, encore, à la politique démago-capitaliste d’un D. Trump en lice pour un retour au pouvoir en janvier prochain aux États-Unis.
A trop se focaliser sur les scénarios de marché, le risque est grand de passer à côté de l’essentiel.
Bourses européennes : les raisons de la confiance et les éléments de surveillance
Fin mars, la mise à jour de notre scénario macroéconomique et financier trimestriel conduisait à des conclusions optimistes sur les bourses européennes, tout du moins à brève échéance. Mal nous en a pris : après cinq mois de hausse, l’indice Eurostoxx 50 a perdu 2,5 % en avril ! Quand bien même, chat échaudé craint l’eau froide, bon nombre de raisons plaident toujours en faveur des indices européens.
La perspective renforcée d’une baisse imminente des taux de la BCE n’est naturellement pas étrangère à ce diagnostic. Ce n’est toutefois pas le seul argument : évacuation des risques majeurs sur les perspectives conjoncturelles régionales, accumulation d’épargne, effets richesse, moindre mobilité des capitaux, voire crise immobilière, sont autant de soutiens potentiels à une hausse persistante des marchés de la zone euro, dans un contexte de désinflation confirmée. Sauf la retenue qu’imposent les valorisations américaines et la dégradation de la conjoncture aux États-Unis, sans doute, la confiance serait-elle d’ores et déjà plus palpable sur les indices. Alors ?