Moniteur de la croissance mondiale

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Chacun pour soi.

Les tendances de l’économie mondiale s’améliorent. Toutefois, contrairement aux autres phases de reprise, cette amélioration provient d’abord des consommateurs. Si le fait est remarquable en Europe, avec l’arrêt des politiques d’austérité, il l’est aussi aux Etats-Unis, une fois les effets du choc fiscal de début d’année dépassés, ainsi qu’au Japon où les premiers temps du gouvernement Abe redonnent un peu de baume au cœur des consommateurs locaux. La situation est assez comparable en Chine, où la résistance de la consommation permet de sauver le pays des effets  négatifs de la disparition du soutien à l’exportation. L’ensemble crée un environnement plus encourageant. Manque toutefois à ce tableau, ce qui depuis le milieu des années 90 a constitué l’un des principaux moteurs de la croissance mondiale, à savoir le commerce mondial. Il en résulte principalement deux conséquences :

  1. des perspectives de croissance durablement plus faibles que par le passé à l’échelle planétaire,
  2. une élévation du risque pour les pays encore trop largement dépendants de leurs exportations que sont les pays émergents dans leur globalité et, plus spécifiquement, les économies en situation de déséquilibres structurels : Brésil, Inde et Afrique du Sud pour lesquels le creusement des déficits extérieurs constitue une contrainte de plus en plus prégnante.

L’enjeu de la prochaine réunion de la Fed : temporiser

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« La question n’est plus celle de savoir si la Fed s’apprête à réduire ses injections de liquidités mais de combien ?». C’est en ces termes que la plupart des observateurs analysent aujourd’hui la situation, à un mois tout juste de la prochaine réunion du FOMC. Le fait est qu’une marche arrière semble dorénavant difficilement envisageable. La Fed a en effet probablement obtenu ce qu’elle souhaitait, à savoir, l’amorce d’une normalisation du niveau de taux d’intérêt à long terme et un début de ré-allocation des flux d’investissement que de nombreux responsables monétaires appelaient de leurs souhaits. Invalider les anticipations aujourd’hui à l’œuvre provoquerait dès lors plus de désordre qu’autre chose. Il n’en reste pas moins, qu’aucune des statistiques économiques à partir desquelles les marchés ont consolidé leurs anticipations ces dernières semaines n’est véritablement convaincante d’une meilleure santé retrouvée de l’économie américaine. Les signes de fragilité sont ainsi bien trop nombreux pour assurer que l’économie ait la capacité à faire face à une normalisation de ses conditions de financement.

Les artifices peu convaincants des «Abenomics»

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Aussi impressionnants soient-ils, les efforts de reflation du Japon ont peu de chances de porter leurs fruits.

La stratégie d’injections massives de liquidités par la BoJ a, certes, occasionné une dépréciation exceptionnelle du yen dont les conséquences sur les marges des entreprises sont, à certains égards, spectaculaires depuis le début de l’année. Mais les effets dépressifs de ce choc compétitif sur les autres pays de la région sont tels qu’ils ternissent, en retour, les perspectives à l’exportation du Japon. Le risque que le Japon exporte sa propre déflation en dehors de ses frontières est, ainsi, au moins aussi élevé que l’objectif d’inflation recherché par les autorités.

Or, sans la capacité d’impulser un renouveau à l’exportation, que peut-on espérer de la stratégie du gouvernement Abe ? L’inflation ne viendra assurément pas de l’intérieur du pays tant le potentiel de croissance est endommagé par les effets du vieillissement de la population quand, le seul changement à même de contrer ces effets démographiques, à savoir l’ouverture du Japon à une immigration massive, ne figure pas au programme du gouvernement.

Les autres mesures promises pour restaurer la croissance potentielle du pays s’apparentent dès lors à un cataplasme sur une jambe de bois. Assise sur le développement de l’offre, la stratégie mise en place par la nouvelle équipe au pouvoir ne pourra avoir aucun effet durable sur la croissance si elle échoue à restaurer la demande.

Difficile dès lors d’acheter l’enthousiasme des marchés financiers. L’envolée du Nikkei depuis le mois de décembre n’est guère compatible avec les perspectives toujours très détériorées de l’économie japonaise. Nous publions aujourd’hui une nouvelle analyse de Frank Benzimra sur ce sujet dont la conclusion sans appel est de vendre le marché japonais.

La zone euro, dorénavant, face à elle-même, devra redoubler d’efforts

Alors que la fin de la récession en zone euro est aujourd’hui quasiment actée, la normalisation de la situation économique est, elle, loin de l’être. En l’absence de politique de croissance structurelle, les perspectives de la zone euro restent désespérément affaiblies et la capacité des pays de la région à tenir leurs engagements budgétaires, toujours très réduite. Dans de telles conditions, de deux choses, l’une : soit l’austérité fait son retour et la reprise flanchera pour déboucher sur une nouvelle crise aux effets largement imprévisibles, soit la BCE modifie plus radicalement sa politique. La tournure récente de l’environnement international accroît la probabilité de cette dernière option.  Lire la suite…

Bernanke et le piège d’un taux de chômage à deux visages

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La dernière fois où l’économie américaine a franchi le seuil d’un taux de chômage de 6,5 % à la baisse, les États-Unis connaissaient une croissance de l’ordre de 3 %, les dépenses réelles des ménages progressaient à un rythme proche de 4% par an, les créations mensuelles d’emploi frisaient les 300 000 et la croissance annuelle des salaires était légèrement supérieure à 2,5 %. C’était en mars 1994, ou, dans des conditions semblables, en mars 1987, voire en décembre 1977. Dans chacun de ces cas, le degré d’utilisation des ressources en main d’œuvre et en capital était proche de son potentiel et justifiait un durcissement plus ou moins marqué des conditions monétaires, qui chaque fois s’est traduit par un cycle de hausse des taux. L’épisode 2003-04 est assez différent. Non seulement le taux de chômage s’était installé sous la barre des 6,5 % depuis une dizaine d’années mais les signes avant-coureurs d’un risque de surchauffe étaient totalement absents du panorama conjoncturel. C’est ainsi, à la mi-2004 seulement, alors que le taux de chômage oscillait à un niveau moyen de 5,5 % que la Fed entama son cycle de hausse des taux. A posteriori, cet ajustement tardif fut considéré par beaucoup comme une erreur, en partie à l’origine de la formation de la bulle immobilière, dont on connaît aujourd’hui l’issue.

Ainsi, lorsqu’il y a quelques mois, la Fed dut donner des indications sur ce qui guiderait l’orientation future de sa politique monétaire, il ne fait aucun doute que ce niveau de 6.5% du taux de chômage est apparu suffisamment pertinent pour occuper une place de choix dans la gestion du dispositif de sortie de sa politique quantitative.

Les interrogations sur la justesse de ce choix n’en restent pas moins entières, car derrière un même taux de chômage pourrait bien se cacher, aujourd’hui, une situation beaucoup plus fragile que celles habituellement observées dans des circonstances passées, apparemment semblables. 

Scénario 2013-14 : pas d’effet ketchup

Si l’amélioration des perspectives en zone euro est bien venue, les freins structurels à la croissance mondiale sont trop nombreux pour envisager une véritable embellie des conditions économiques internationales à horizon 2014. A respectivement 3,1% et 3,3%, nos prévisions de  croissance pour cette année et l’an prochain sont dans la lignée de 2012 et ne laissent aucune place pour un retour de l’inflation ou un crash obligataire. 

Du côté des bonnes nouvelles : les inquiétudes majeures du début d’année sont écartées

  • En zone euro : le climat de confiance des ménages s’améliore au fur et à mesure de l’atténuation des politiques d’austérité ; les échanges intra régionaux devraient prendre le relai, sous peu ; la zone euro sort de récession avant la fin de l’été.
  • L’économie américaine surmonte les effets du fiscal cliff : la reprise immobilière n’est plus contestable, richesse des ménages et profits des entreprises culminent sur des records historiques, le chômage reflue.

Du côté des moins bonnes : les freins structurels à la croissance se multiplient  

  • L’Europe se stabilise mais ne redémarre pas. Le changement de cap de la politique économique est beaucoup trop tardif et trop timoré, les questions clés sur l’avenir de la zone euro restent entières.
  • Les perspectives américaines sont pénalisées par les faibles gains de productivité et le bas niveau du taux d’épargne. Le haut niveau des profits des sociétés ne suffit pas à envisager d’accélération suffisante des créations d’emplois, les effets richesse sont contraints par le bas niveau du taux d’épargne des ménages. Nos prévisions sont revues à la baisse à 2,2 % pour 2014.
  • L’impulsion de politique économique dont aurait besoin l’économie mondiale n’aura pas lieu. Les actions désordonnées ont réduit leur portée des initiatives monétaires. La force de frappe est dorénavant très limitée.
  • Les insuffisances structurelles des pays émergents sont de plus en plus handicapantes. La transition chinoise est compliquée par la perte trop rapide du soutien à l’exportation ; l’inflation endémique refait surface dans les autres grands pays émergents.

Un scénario mondial en demi-teinte : l’horizon se dégage trop peu pour évacuer les risques 

  • Peu de changements à notre scénario 2013 mais une nette révision à la baisse pour 2014
  • La croissance mondiale revue à 2,9 % pour 2013 et 3,3 % pour 2014, contre respectivement 3,1 % et 4,1 % en janvier
  • Nettes révisions à la baisse de nos prévisions  2014 sur la Chine et le Brésil, à respectivement 7 % et 3 % au lieu de 7,5 % et 4 % en janvier
  • Crash obligataire ? Pas pour tout de suite
  • Le coup de mou de la croissance américaine au second semestre prévient un retrait trop rapide du soutien monétaire de la Fed
  • Les taux longs américains se stabilisent sous les 2,5% jusqu’à la fin de l’année. L’instabilité s’accroît l’an prochain alors que le taux de chômage américain reflue vers 6,5 %
  • Devises : l’euro reste ferme, à 1,35 USD d’ici la fin de l’année. Notre prévision est revue à la hausse pour 2014
  • Des marchés d’actions plus vulnérables à la faible croissance structurelle

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« Effets richesse », de quoi parle-t-on exactement ?

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L’idée que les effets richesse liés à la hausse des prix des actifs financiers et immobiliers devraient soutenir la croissance de la consommation aux États-Unis est fréquemment citée comme l’un des éléments majeurs de la confiance retrouvée dans l’économie américaine. Cet espoir est largement contestable dans le cas présent, rappelons pourquoi.

Ce que les économistes qualifient d’effet richesse correspond à une réalité très précise, à savoir : une modification du comportement d’épargne des ménages consécutive à un changement de valorisation de leur patrimoine. Dans le cas d’une hausse de la valeur de ce dernier, pouvant résulter d’une évolution favorable des prix immobiliers ou des actifs financiers, l’effort consenti à l’accumulation de richesse, que mesure le taux d’épargne, a généralement tendance à diminuer et à libérer ainsi davantage de place pour les dépenses de consommation. Ce surcroît de consommation correspond à ce que l’on appelle l’effet richesse.

Ces effets richesse ont été particulièrement importants dans les années 2000. On peut, par exemple, démontrer que la hausse des prix de l’immobilier a expliqué à elle seule, jusqu’à un point de baisse du taux d’épargne des ménages américains chaque année entre 1998 et 2007, ce qui a permis d’alimenter une croissance des dépenses de consommation à un rythme supérieur à ce qu’aurait autorisé la seule progression du pouvoir d’achat, alors ralentie par la mollesse des créations d’emploi. Le sentiment de richesse provenant de la hausse de la valeur des actifs est, en outre, un facteur rassurant dont les effets peuvent également être notables sur la confiance des ménages, ce qui constitue un socle favorable à la consommation. Enfin, dans les pays où le marché de l’hypothèque est fortement développé, une meilleure valorisation du patrimoine permet de re-solvabiliser les ménages et, ainsi, de redonner un plus large accès au crédit. Ces mécanismes sont, au total, susceptibles d’avoir des conséquences majeures sur la conjoncture économique qui seraient particulièrement bienvenus dans le contexte actuel où la politique de la Fed a plus d’effets positifs sur les prix des actifs que sur l’activité réelle.

Il existe toutefois un certain nombre de limites à l’enclenchement de ces effets richesse :

  • La première, de loin la plus importante, est celle du taux d’épargne. Les enchaînements décrits ci-dessus ne créant pas directement de revenu, leur impact sur la croissance passe nécessairement par une baisse du taux d’épargne. La place pour les effets richesse dépend donc dans une large mesure du niveau du taux d’épargne. Or, celui-ci étant d’ores et déjà très faible aux États-Unis, à 2,5 % du revenu disponible en avril, sa marge de baisse supplémentaire est extrêmement réduite, pour ne pas dire inexistante.
  • La seconde, est relative au niveau d’endettement et aux effets bénéfiques de la hausse des actifs sur la capacité d’emprunt des ménages, ceux-ci ne pouvant s’exercer que lorsque le taux d’endettement a encore une marge de hausse, ce qui n’est vraisemblablement pas le cas aujourd’hui aux États-Unis. Il est important ici de ne pas faire d’amalgame entre l’allègement du coût de la dette des ménages et le taux d’endettement. Le premier s’est effondré dans le sillage de la baisse des taux d’intérêt et des renégociations de prêts qui s’en sont suivies, ainsi que des annulations de dettes consécutives aux nombreuses saisies immobilières de ces dernières années. Cet allègement du coût de la dette a permis de libérer des revenus qui ont considérablement soutenu la croissance du pouvoir d’achat depuis deux ans et ont largement participé à la reprise de la consommation. Toutefois, il ne s’agit pas là d’effet richesse à proprement parler et ce mouvement étant déjà derrière nous, il n’a pas lieu de jouer un rôle stimulant pour la consommation future. Le taux d’endettement, qui mesure le stock de dette en proportion des revenus, est le seul véritable déterminant de la capacité d’emprunt des ménages. Or, ce dernier reste très élevé, à peine inférieur de 20 % aux niveaux extrêmes atteints avant la crise, c’est-à-dire encore très supérieur à sa moyenne de long terme. Cette situation laisse probablement très peu d’espace à une remontée substantielle du taux d’endettement, qui serait d’ailleurs contre nature après une crise de la dette telle que nous venons de traverser.

Cette lecture explique dans une large mesure notre plus grande réserve sur les perspectives de consommation américaine dans un contexte de faible création d’emploi.

taux d'endettement US

Etats-Unis, ne nous emballons pas !

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Après un début d’année marqué par un regain d’incertitude, un vent d’optimisme souffle à nouveau sur les perspectives américaines. Celui-ci est assez légitime au regard de la bonne résistance de la croissance au durcissement de la politique budgétaire et fiscale, de la poursuite de la reprise immobilière et du caractère toujours très accommodant de la politique monétaire de la Fed. Mais ne nous emballons pas ! Les données économiques récentes ne sont pas plus encourageantes qu’elles ne l’étaient à la fin de l’année derniere. Le ralentissement des gains de productivité et ce qu’il augure en matière de croissance des profits, d’investissement et d’emploi pour les prochains trimestres pourrait, en particulier, se traduire par un nouveau coup de mou de la croissance au second semestre. Avec un policy-mix dorénavant moins accommodant, les conditions pour une impulsion digne d’une véritable reprise ne sont toujours pas en place. Ceci a plusieurs conséquences sur notre sentiment :

  • une certaine réserve quant aux perspectives de changement imminent de politique monétaire, associée à la crainte d’un retrait trop rapide du soutien de la Fed,
  • un faible degré d’inquiétude sur l’évolution du marché obligataire américain et le cours de l’euro mais une relative prudence quant aux développements des marchés d’actions, susceptibles d’être plus vulnérables à des déceptions sur la croissance,
  • une confiance très faible dans la capacité de l’économie américaine à retrouver son rôle de locomotive à l’échelle mondiale d’ici la fin de l’année.