Abe aux abois… même après la surprise du PIB du premier trimestre

Les « Abenomics » ont fait leur temps et le Premier Ministre Shinzo Abe commence à compter le sien. Reflet de la faiblesse de la demande domestique et d’une contraction de 2,4 % de l’activité exportatrice au premier trimestre, les importations ont chuté de 4,6 %, autorisant une hausse inattendue du PIB réel de 0,5 %, qui ne doit cependant pas tromper. À moins de six mois d’une nouvelle hausse programmée des taxes à la consommation, la tournure de la conjoncture nippone est des plus en plus préoccupante. Alors que les tensions commerciales sino-américaines fragilisent davantage les perspectives à l’exportation et que le yen menace une nouvelle fois de s’apprécier, Shinzo Abe est aux abois et la spéculation va bon train sur d’éventuelles mesures « radicales » pour tenter de redonner des couleurs à la demande domestique. Ses marges de manœuvre manquent cependant bougrement.

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Deux ans et demi après son arrivée à la tête du pays, le Premier Ministre japonais Shinzo Abe a usé une bonne partie des flèches prévues à son arc. Les résultats ne sont pourtant guère au rendez-vous : après un sursaut de croissance du premier trimestre, les données publiées ces derniers jours décrivent une fragilité persistante de la situation économique, tandis qu’une fois dépassé l’effet de la hausse des taxes de l’an dernier, l’inflation retombe lourdement en avril. Or, les réformes structurelles sur lesquelles repose l’intégralité de la confiance restaurée dans ce pays auront du mal à porter leurs fruits sans un retour durable de la croissance de l’inflation. M. Abe a-t-il dès lors d’autres moyens que la fuite en avant pour tenter de parvenir à ses fins et éviter de décevoir le haut niveau d’attentes des marchés ?

Nikkei

Les artifices peu convaincants des «Abenomics»

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Aussi impressionnants soient-ils, les efforts de reflation du Japon ont peu de chances de porter leurs fruits.

La stratégie d’injections massives de liquidités par la BoJ a, certes, occasionné une dépréciation exceptionnelle du yen dont les conséquences sur les marges des entreprises sont, à certains égards, spectaculaires depuis le début de l’année. Mais les effets dépressifs de ce choc compétitif sur les autres pays de la région sont tels qu’ils ternissent, en retour, les perspectives à l’exportation du Japon. Le risque que le Japon exporte sa propre déflation en dehors de ses frontières est, ainsi, au moins aussi élevé que l’objectif d’inflation recherché par les autorités.

Or, sans la capacité d’impulser un renouveau à l’exportation, que peut-on espérer de la stratégie du gouvernement Abe ? L’inflation ne viendra assurément pas de l’intérieur du pays tant le potentiel de croissance est endommagé par les effets du vieillissement de la population quand, le seul changement à même de contrer ces effets démographiques, à savoir l’ouverture du Japon à une immigration massive, ne figure pas au programme du gouvernement.

Les autres mesures promises pour restaurer la croissance potentielle du pays s’apparentent dès lors à un cataplasme sur une jambe de bois. Assise sur le développement de l’offre, la stratégie mise en place par la nouvelle équipe au pouvoir ne pourra avoir aucun effet durable sur la croissance si elle échoue à restaurer la demande.

Difficile dès lors d’acheter l’enthousiasme des marchés financiers. L’envolée du Nikkei depuis le mois de décembre n’est guère compatible avec les perspectives toujours très détériorées de l’économie japonaise. Nous publions aujourd’hui une nouvelle analyse de Frank Benzimra sur ce sujet dont la conclusion sans appel est de vendre le marché japonais.

Tenkan !

« Tenkan : terme utilisé dans plusieurs arts martiaux pour désigner un mouvement rapide de pivotement du corps à 180 degrés et repris, par analogie, par Jacques Gravereau, économiste et spécialiste de l’Asie, pour illustrer la capacité de la population japonaise à effectuer des volte-face collectifs de manière flexible et vigoureuse ».

L’histoire dira si le changement de cap effectué par les autorités japonaises ces derniers mois est à ranger du côté de ces exploits ou non. Mais l’épisode japonais constitue déjà un fait marquant de la crise que traverse le monde développé.

Nous publions à titre exceptionnel deux papiers sur le sujet. Le premier est une courte mise en perspective de l’épisode de déflation de l’économie japonaise destinée à mieux comprendre les raisons à l’origine de la complaisance nippone à l’égard de ce fléau et celles imposant aujourd’hui l’adoption d’une nouvelle voie. Télécharger le 1er article

Le second est une contribution de Frank Benzimra, spécialiste de l’économie japonaise et des marchés financiers basé en Asie depuis une dizaine d’année, qui nous fait l’honneur de partager ses réflexions sur le sujet. Dans ce texte, l’auteur revient dans un premier temps sur les raisons qui ont permis au Japon de traverser sans chaos quinze années d’une situation extrême en matière d’endettement public. En deuxième partie, il traite du caractère innovant de la nouvelle politique de M. Abe. Enfin, Frank Benzimra nous propose trois scénarios possibles sur l’issue de ce changement radical de gestion de la politique économique et trois stratégies d’investissement associées. Nous publions à titre exceptionnel cette contribution en anglais. Télécharger l’article de Frank Benzimra.