Surendettement, vieillissement, climat : une et une seule préconisation

La crise provoquée par l’épidémie de Covid-19 soulève une multitude d’interrogations sur ses effets et ses conséquences à court et moyen-long terme, au point parfois de donner l’impression de ne rien pouvoir anticiper ni prévoir. Ce n’est pas faux. Dire de quoi sera fait demain est à peu près impossible dans la situation présente et il faudra vraisemblablement un temps relativement long avant d’être en mesure de se faire une idée plus précise de la trajectoire de l’économie mondiale post-pandémie. Il serait néanmoins erroné de penser que les caractéristiques essentielles de ce qui façonnait les projections économiques de moyen-long terme avant la crise du covid-19 se soient évaporées avec cette dernière. En l’occurrence, tout l’inverse s’observe : le surendettement généralisé de ces deux dernières décennies va connaître une expansion considérable ; le vieillissement démographique ne va pas s’arrêter et ses conséquences seront d’autant plus ressenties que l’endettement sera élevé et la croissance rabotée par les conséquences de la crise sanitaire ; le processus de démondialisation, déjà largement amorcé, va s’accélérer ; les enjeux climatiques, qui posent depuis longtemps la question de la soutenabilité de notre modèle de croissance, n’ont pas fini de se rappeler à nous comme ils viennent de le faire à travers la pandémie de Covid-19 ; enfin, le creusement des inégalités, violemment accentué par la crise sanitaire, risque de l’être plus encore par chacun des phénomènes mentionnés ci-dessus. Les principales caractéristiques du monde de l’après pandémie sont effectivement les mêmes que celles du monde d’avant, en pire, et c’est en partant de ces constats que se précisent les pourtours des réponses les plus appropriées à la situation présente.

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« Effets richesse », de quoi parle-t-on exactement ?

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L’idée que les effets richesse liés à la hausse des prix des actifs financiers et immobiliers devraient soutenir la croissance de la consommation aux États-Unis est fréquemment citée comme l’un des éléments majeurs de la confiance retrouvée dans l’économie américaine. Cet espoir est largement contestable dans le cas présent, rappelons pourquoi.

Ce que les économistes qualifient d’effet richesse correspond à une réalité très précise, à savoir : une modification du comportement d’épargne des ménages consécutive à un changement de valorisation de leur patrimoine. Dans le cas d’une hausse de la valeur de ce dernier, pouvant résulter d’une évolution favorable des prix immobiliers ou des actifs financiers, l’effort consenti à l’accumulation de richesse, que mesure le taux d’épargne, a généralement tendance à diminuer et à libérer ainsi davantage de place pour les dépenses de consommation. Ce surcroît de consommation correspond à ce que l’on appelle l’effet richesse.

Ces effets richesse ont été particulièrement importants dans les années 2000. On peut, par exemple, démontrer que la hausse des prix de l’immobilier a expliqué à elle seule, jusqu’à un point de baisse du taux d’épargne des ménages américains chaque année entre 1998 et 2007, ce qui a permis d’alimenter une croissance des dépenses de consommation à un rythme supérieur à ce qu’aurait autorisé la seule progression du pouvoir d’achat, alors ralentie par la mollesse des créations d’emploi. Le sentiment de richesse provenant de la hausse de la valeur des actifs est, en outre, un facteur rassurant dont les effets peuvent également être notables sur la confiance des ménages, ce qui constitue un socle favorable à la consommation. Enfin, dans les pays où le marché de l’hypothèque est fortement développé, une meilleure valorisation du patrimoine permet de re-solvabiliser les ménages et, ainsi, de redonner un plus large accès au crédit. Ces mécanismes sont, au total, susceptibles d’avoir des conséquences majeures sur la conjoncture économique qui seraient particulièrement bienvenus dans le contexte actuel où la politique de la Fed a plus d’effets positifs sur les prix des actifs que sur l’activité réelle.

Il existe toutefois un certain nombre de limites à l’enclenchement de ces effets richesse :

  • La première, de loin la plus importante, est celle du taux d’épargne. Les enchaînements décrits ci-dessus ne créant pas directement de revenu, leur impact sur la croissance passe nécessairement par une baisse du taux d’épargne. La place pour les effets richesse dépend donc dans une large mesure du niveau du taux d’épargne. Or, celui-ci étant d’ores et déjà très faible aux États-Unis, à 2,5 % du revenu disponible en avril, sa marge de baisse supplémentaire est extrêmement réduite, pour ne pas dire inexistante.
  • La seconde, est relative au niveau d’endettement et aux effets bénéfiques de la hausse des actifs sur la capacité d’emprunt des ménages, ceux-ci ne pouvant s’exercer que lorsque le taux d’endettement a encore une marge de hausse, ce qui n’est vraisemblablement pas le cas aujourd’hui aux États-Unis. Il est important ici de ne pas faire d’amalgame entre l’allègement du coût de la dette des ménages et le taux d’endettement. Le premier s’est effondré dans le sillage de la baisse des taux d’intérêt et des renégociations de prêts qui s’en sont suivies, ainsi que des annulations de dettes consécutives aux nombreuses saisies immobilières de ces dernières années. Cet allègement du coût de la dette a permis de libérer des revenus qui ont considérablement soutenu la croissance du pouvoir d’achat depuis deux ans et ont largement participé à la reprise de la consommation. Toutefois, il ne s’agit pas là d’effet richesse à proprement parler et ce mouvement étant déjà derrière nous, il n’a pas lieu de jouer un rôle stimulant pour la consommation future. Le taux d’endettement, qui mesure le stock de dette en proportion des revenus, est le seul véritable déterminant de la capacité d’emprunt des ménages. Or, ce dernier reste très élevé, à peine inférieur de 20 % aux niveaux extrêmes atteints avant la crise, c’est-à-dire encore très supérieur à sa moyenne de long terme. Cette situation laisse probablement très peu d’espace à une remontée substantielle du taux d’endettement, qui serait d’ailleurs contre nature après une crise de la dette telle que nous venons de traverser.

Cette lecture explique dans une large mesure notre plus grande réserve sur les perspectives de consommation américaine dans un contexte de faible création d’emploi.

taux d'endettement US

France – Allemagne : 20 ans d’histoire économique comparée

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UneComme toutes les crises, celle que nous traversons est propice aux dogmes, jugements à l’emporte-pièces ou autres idées reçues, souvent difficilement réconciliables avec la réalité. S’assurer que nous ne faisons pas fausse route dans les choix décisifs que nous prenons aujourd’hui passe par l’assurance d’une bonne connaissance de notre passé. C’est la raison pour laquelle nous publions aujourd’hui ce cahier de graphiques, résumé de vingt ans d’histoire économique comparée de la France et de l’Allemagne. 

Croissance, consommation, emploi, immobilier, endettement, démographie, commerce extérieur, autant de thèmes passés en revue dans ce document, pour s’assurer de mieux comprendre la réalité économique des deux premières économies de la zone euro.

 

 

 

Politiques monétaires : trop de disparités pour être efficaces

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À la UneLes politiques de reflation menées par les grandes banques centrales peinent à porter leurs fruits. Malgré des taux directeurs partout historiquement bas et la multiplication des mesures non conventionnelles le crédit ne décolle pas, la croissance économique reste bridée et les niveaux d’inflation, jusqu’à récemment soutenus par l’évolution des cours des matières premières et des hausses de taxes, s’affaissent aujourd’hui dangereusement. L’absence de coordination des politiques monétaires, l’incapacité des banques centrales à compenser les effets de la restriction budgétaire et un processus de désendettement toujours très handicapant pour la croissance sont simultanément à l’origine de cet échec collectif. Ces conditions sont préoccupantes. Elles alimentent le risque d’une crise beaucoup plus longue que généralement anticipé et celui d’une déflation rampante susceptible de pousser certaines réactions de politique économique dans leurs retranchements. Mais ne nous y trompons pas, ce n’est pas la légitimité de l’action des banques centrales qui est aujourd’hui en cause mais le fait que leur action combinée ne soit pas allée assez loin.