Premiers effets d’un choc de pouvoir d’achat sans pareil

Les immédiats lendemains de l’entrée en guerre n’ont pas eu les effets patents redoutés sur l’activité et la consommation. Entreprises et ménages ont stocké par craintes de pénuries ou devancé certains achats pour se prémunir contre les risques de ruptures d’approvisionnement et de hausses de prix anticipées. Ainsi, malgré un choc de confiance quasi-instantané, les ventes automobiles ont rebondi dans plusieurs pays et l’activité industrielle en a retiré quelques bénéfices inattendus, bien que très irréguliers. Après s’être retournés, les indicateurs de climat des affaires ont montré une résilience bienvenue en Europe, laissant, un temps, penser que le pire était peut-être dépassé. Alors que dans le reste du monde l’économie américaine semblait en mesure de tirer profit de la guerre en Europe et que les restrictions chinoises semblaient être amenées à se réduire, l’idée que le mouvement de baisse des perspectives pouvait approcher son terme a progressivement émergé.

Les retours les plus récents n’ont pas permis d’aller beaucoup plus loin dans cette voie. Les indicateurs avancés, quels qu’ils soient, se détériorent rapidement, l’activité immobilière donne de plus en plus de signes de retournement, les ventes de détail décrochent et celles d’automobiles ont connu de nouveaux revers en avril et mai.

Les consommateurs ont le moral dans les chaussettes -comment pourrait-il en être autrement face au pire choc de pouvoir d’achat depuis quarante ans ?- et sont contraints d’ajuster leur comportement. Après une phase très brève d’achats anticipés, la gestion de budgets amputés impose des contraintes : alors que les dépenses alimentaires et énergétiques, bien peu compressibles, absorbent le plus souvent entre un et deux cinquièmes de la consommation, la flambée des prix ne laisse plus beaucoup d’espace pour les moins indispensables : équipements et services de confort, loisirs, restauration, soins en pâtissent. Les entreprises, qui jusqu’alors ont réussi, bon an mal an, à répercuter la hausse de leurs coûts dans leurs prix de vente, ont en conséquence de moins en moins cette possibilité. L’inflation cyclique finira par en retirer les bénéfices mais, dans l’attente, le choc conjoncturel qui se profile est de plus en plus préoccupant.

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La conjoncture française franchement mal en point

Déjà peu brillante, la situation française entre la fin du premier trimestre et le début du deuxième paraît maintenant clairement inquiétante au vu de la vague de données de ce matin:

  • Le PIB du premier trimestre a été révisé à la baisse, avec, au lieu d’une croissance nulle, un reflux de 0,2 %, certes surtout dû à un changement dans le calcul des variations de stocks, dont la contribution passe de 0,4 à 0,2. L’acquis de croissance pour 2022 perd donc, lui aussi, quelques dixièmes, à 1,9 % contre 2,2 % auparavant.
  • La consommation des ménages en biens, attendue en hausse par le consensus, déçoit très franchement, à tous les niveaux, avec une baisse globale de 0,4 % …

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Si les banques centrales perdent la main, d’où viendra le coup d’arrêt à la hausse des taux ?

Qui se souvient de ce que provoque l’inflation et à quel point son retour change la donne des rouages économiques et financiers ? Même les pays plus récemment touchés par des crises inflationnistes l’ont été dans un environnement mondial duquel elle avait disparu et n’ont qu’une expérience relative de ce qu’elle signifie. L’inflation de ces derniers mois a bien peu à voir avec celle des épisodes cycliques traversés depuis le milieu des années quatre-vingt, que l’on pouvait dominer à coup de règle de Taylor. Elle provient d’une succession de chocs d’offre inédits qui, ajoutés à la perspective d’une saturation des ressources globales, prennent, à tort ou à raison, une connotation prémonitoire. Les enjeux ne se résument, à l’évidence, pas aux effets escomptés de l’envolée des prix des matières premières consécutive à la guerre russo-ukrainienne, ni à l’empêchement des usines chinoises à approvisionner le monde en produits indispensables. Ils englobent des questions beaucoup plus fondamentales inhérentes au vieillissement démographique, aux menaces climatiques grandissantes et à une géopolitique en mutation fulgurante, dont une des conséquences est d’accélérer la fin d’un cycle de mondialisation dont les excès ont conduit les politiques monétaires dans les retranchements dont on comprend mieux, aujourd’hui, l’hérésie.

Le diagnostic conjoncturel de l’inflation, qui conduit la plupart des économistes, nous y compris, et banques centrales à privilégier le repli de celle-ci, au moins de manière temporaire, à partir du second semestre, s’en trouve de jour en jour plus discrédité. C’est ce que nous renvoie la remontée persistante des taux d’intérêt que les anticipations de politique monétaire ne parviennent plus à expliquer : les annonces de la FED cette semaine ont bien stoppé l’ascension des taux à 3 mois et freiné celle des deux ans mais ont échoué à limiter la casse sur les échéances à plus long terme, au contraire de ce qu’elles auraient dû faire si elles avaient été crédibles. Les banques centrales ne parviennent plus à convaincre de leur capacité à stopper l’inflation et perdent en conséquence la main sur le processus de formation des taux d’intérêt longs. Comment, dès lors, envisager la suite ?

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Inflation, croissance, risques financiers : les banques centrales face à un choix cornélien

Si les banques centrales avaient les mains libres, sans doute la FED préfèrerait-elle d’emblée relever le niveau des Fed Funds de 100 points de base cette semaine, quand, de son côté, la BoE pourrait opter pour le maintien de ses taux directeurs actuels. La première augmenterait ainsi ses chances de casser les anticipations d’inflation une bonne fois pour toute et la seconde pourrait préserver l’économie britannique d’un choc dont elle n’a assurément pas besoin compte-tenu des nombreuses difficultés engendrées par le Brexit et autre pandémie. Sauf qu’aucune n’a véritablement ce choix. En procédant de la sorte, la FED risquerait d’expédier l’économie américaine en récession et les marchés financiers mondiaux dans un abîme aux conséquences imprévisibles, tandis que la seconde exposerait le Royaume-Uni à une chute de sa devise à même de souffler un peu plus sur les braises de l’inflation qui étouffe d’ores et déjà les Britanniques. Dans de telles conditions, l’une comme l’autre risque de surprendre, dans un sens ou dans l’autre, fonction de l’agglomération des sensibilités de leurs membres respectifs. Mais l’une et l’autre donneront aux marchés des indications précieuses sur leurs priorités face à un environnement, à bien des égards, inédit au regard de ce qu’elles ont affronté jusqu’alors.

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Quand le dollar progresse contre tous les autres actifs

La guerre en Ukraine, le covid en Chine, l’envolée de l’inflation et l’escalade des taux d’intérêt ont joué de concert en défaveur des actifs en avril, y compris à l’égard de ceux qui, traditionnellement, servent de refuge face à l’aversion au risque, en l’occurrence, l’or et les obligations souveraines, sévèrement impactés par les perspectives de remontée des taux d’intérêt. Avril 2022 fait ainsi partie de ces épisodes, relativement rares, au cours desquels les actifs en progression se comptent, à peine, sur les doigts d’une main. La monnaie américaine a ainsi ce privilège d’être la seule à profiter d’un contexte éminemment négatif pour toutes les autres catégories d’actifs. Miroir, tout à la fois, de son statut de valeur refuge et de la croisade de la FED contre l’inflation, son appréciation n’est pas le moindre des paradoxes pour une économie dont le PIB s’est contracté de 1,4 % au premier trimestre et dont les déséquilibres fondamentaux justifieraient aisément une baisse de 20 % de sa valeur. La FED en a cependant décidé autrement et l’indice ICE a renoué avec un plus haut depuis 2000 ; un signal de bien mauvais augure tandis que sévissent déjà des cours exubérants sur le marché mondial de matières premières.

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La chute du pouvoir d’achat menace la France de récession au deuxième trimestre

Les derniers points de conjoncture de l’INSEE et de la Banque de France anticipaient une légère hausse du PIB, entre 0,3 % et 0,5 % au premier trimestre. Les mauvaises données de consommation de biens des deux premiers mois ne remettent pas forcément en cause ce diagnostic, dont la véracité dépendra surtout des dépenses dans les services. Elles n’en constituent pas moins une alerte : la consommation des ménages en biens a progressé de seulement 0,8 % en février, ce qui lui permet à peine de compenser la révision à la baisse du très mauvais mois de janvier (-2 % après -1,5 %). L’acquis de consommation de biens est donc de -1,2 %, inférieur à celui des ventes de détail allemandes, -0,9 % pour une hausse mensuelle de 0,7 % en février. Au total, la consommation en biens semble donc décroître, ou du moins stagner à des niveaux inférieurs à ceux d’avant crise.

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BMG février 2022 – Situation avant la guerre

Notre baromètre économique global progresse très légèrement en février, à 0 après -0,2 en janvier, chiffre inférieur d’un dixième de point à sa première estimation. Après Omicron, les momenta de la production et de la consommation rebondissent, sans retrouver la zone positive pour ce dernier. Peu de mouvement du côté du commerce extérieur et une dégradation du contexte d’investissement. L’indicateur global d’inflation, lui, passe de 0,3 à 0,5.

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Le pic des tensions en amont de l’industrie est en voie d’être dépassé

Après les PPI américains d’hier, ceux de la Chine ce matin semblent confirmer un début d’un apaisement des tensions inflationnistes en amont du processus productif. Ces résultats corroborent le retournement du taux de croissance annuel des prix des métaux et plus généralement celui de l’ensemble des matières premières. S’il est sans doute encore tôt pour en tirer des conclusions sur les perspectives globales d’inflation, il s’agit d’un signal fort. L’industrie, qui a concentré les effets des pénuries d’approvisionnement et de la flambée des coûts du transport, a été, en effet, le déclencheur du dérapage des prix depuis le début de l’année dernière. Le retournement en cours devrait permettre de réduire sa contribution à l’inflation mondiale et redonner plus de crédibilité au scénario d’un tassement de cette dernière en 2022. Dès lors, le point haut des taux futurs ne devrait plus être très loin malgré l’emballement des perspectives de resserrement monétaire.

 

 

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