« Cliff », « sequestre » et autres « shutdown »… et maintenant ?

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L’épisode que nous venons de traverser ces dernières semaines aux États-Unis inspire bien des réflexions et interrogations sur ce qui peut suivre l’adoption de l’accord obtenu au Sénat dans la journée d’hier. Nous revenons ici sur les points les plus importants.

De la farce politique à l’instabilité économique

Si reléguer le « shutdown » au rang de farce politique a pu servir d’antidote à l’anxiété provoquée par la réalité des risques que faisait encourir la situation américaine à l’économie mondiale ces deux dernières semaines, il y a dans cet épisode la révélation d’un nouvel état de fait : l’exposition croissante de l’économique au combat politique dans sa plus vile expression ; autant dire, l’exposition de l’économique à ce qui peut devenir, dans certains cas extrêmes, grotesque. Loin d’être un privilège américain, cette tendance, inhérente à la situation de crise trop durable que traverse le monde développé depuis plus de cinq ans, introduit un nouveau type de risques, du domaine de l’imprévisible et de l’incontrôlable, source, indéniable, d’instabilité. Dès lors, si le « too big to fail » semble encore pouvoir être considéré comme un bouclier protecteur du scénario du pire, à savoir celui du défaut de l’État américain, la période qui s’ouvre a tout lieu d’être celle de rebondissements à répétition sur la question de la dette et de la politique budgétaire américaine.

Débat politique : encore du grain à moudre.

À combien s’élèvera la restriction en 2014 ?

À quand l’abaissement de la note souveraine ?

Quel taux de financement, qu’attendre de la Fed ?

Impact sur la croissance ?

2014 : nouveau round d’interventions des banques centrales

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Si comme nous le pensons, la Fed n’est pas sur le point de pouvoir initier une réduction de ses achats d’actifs, l’année prochaine devrait marquer un nouveau record d’injections de liquidités à l’échelle mondiale. Au contraire du premier semestre 2013 au cours duquel le bilan agrégé des quatre principales BC -la FED, la BoE, la BoJ et la BCE- a globalement stagné, les trimestres à venir cumuleraient en effet :

  • les 85 mds de dollars mensuels d’achats d’actifs de la Fed, soit 1020 mds par an,
  • les 600 à 718 milliards de dollars de la BoJ, conformes à son objectif d’élever la base monétaire japonaise de 60 000 à 70 000 milliards de yens par an (un gonflement de l’ordre de 40 % par rapport au début 2013),
  • l’achat pour 610 milliards de dollars de Gilts de la Banque d’Angleterre, associé au renouvellement de son stock d’actifs de 375 milliards de livres au fur et à mesure de l’arrivée à maturité des titres détenus dans le cadre de son programme de facilités d’achats (Asset Purchase Facility),
  • et, vraisemblablement, les effets d’une probable LTRO de la BCE, susceptible, selon nos hypothèses, de drainer de 250 mds à 500 mds d’euros, soit encore 350 à 750 mds de dollars.

Les « quatre » injecteraient ainsi la bagatelle de 1600 à 2500 milliards de dollars annuels (135 à 208 milliards mensuels), si ce n’est sur l’ensemble de l’année 2014, du moins à ses débuts, soit, dans l’hypothèse basse, l’équivalent de 10 % du PIB américain ou, dans l’hypothèse haute, quasiment l’équivalent du PIB français de 2012 ! Avec ou sans passage à l’acte de la BCE, le flux annuel de ces injections retrouvera donc en tout état de cause les hauts niveaux connus en 2011-2012 et pourrait franchir des records jamais égalés depuis la crise de 2008 en cas de LTRO de la BCE.

Que penser de telles perspectives ?

Et maintenant, jusqu’où le dollar peut-il baisser?

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Notre analyse de la situation économique américaine nous a conduits ces dernières années à conserver un scénario résolument baissier sur le dollar, au contraire du consensus. Ceci pour trois raisons essentielles :

  • L’anticipation d’une croissance américaine durablement affaiblie par la disparition, avec la crise de 2008, du soutien que représentait auparavant l’endettement du secteur privé -un manque à gagner que nous estimons à 1,8 % par an, ramenant la croissance potentielle de 3,0 %-3,2 % avant la crise, à 1,5 %-2 % aujourd’hui.
  • Celle d’une politique monétaire américaine non-conventionnelle prolongée et donc durablement dévalorisante pour le billet vert, face à un policy-mix européen structurellement déflationniste, servant de bouclier de protection de la valeur de l’euro, au grand dam de l’industrie de la région.
  • L’anticipation, enfin, d’une issue in fine inflationniste de la crise financière de 2008, à laquelle l’économie américaine devrait être, le temps voulu, beaucoup plus rapidement exposée que la zone euro.

Mis à mal depuis le début de l’été, notre scénario reprend tout son sens au lendemain de la réunion du FOMC. Jusqu’où le dollar risque-il, dès lors, de tomber ? 

La Fed temporise, sans surprise !

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« The first rate hike will not come until the unemployment rate is considerably below 6,5 % » ! B. Bernanke, 18 septembre 2013

La Fed a osé aller à l’encontre des anticipations, elle a eu raison. Assumer cette décision n’était pas facile tant les marchés s’étaient auto-convaincus d’un changement imminent de sa stratégie depuis le début de l’été. Les raisons qui sont à l’origine de sa décision sont pourtant claires :

  1. La situation économique américaine demeure extrêmement fragile : la croissance ne décolle pas, la croissance de l’emploi reste anémique, le pouvoir d’achat est trop faible pour assurer une reprise pérenne de la consommation et les entreprises n’investissent pas.
  2. La remontée des taux d’intérêt depuis le début de l’été a été trop rapide et constitue un danger pour la croissance, d’ores et déjà illustré par l’arrêt brutal de la reprise immobilière depuis le printemps.
  3. La baisse du taux de chômage n’est pas le fruit d’une amélioration de la situation du marché de l’emploi mais au contraire l’illustration de sa détérioration persistante que révèle la chute du taux de participation de la population, en d’autres termes, le découragement de la population en âge de travailler à chercher un emploi.
  4. La politique budgétaire est significativement restrictive et le restera quand par ailleurs la mise en place de la réforme de la santé, avant la fin de l’année, risque d’impacter significativement les revenus des particuliers.

L’annonce de ce jour est considérable d’implications.

Etats-Unis : vigilance oblige

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Si la tendance à l’optimisme quant à la situation américaine est coutumière, rares sont toutefois les périodes au cours desquelles le sentiment dominant est tellement éloigné de ce que révèlent les chiffres. Ainsi, au contraire des affirmations les plus fréquentes :

  • L’économie américaine ne va pas mieux mais plutôt moins bien qu’il y a quelques mois : la croissance de la production industrielle s’effrite, la productivité évolue dorénavant en territoire négatif et les indicateurs du marché de l’emploi se dégradent à nouveau.
  • Sa capacité à faire face à la remontée des coûts de financement est par ailleurs loin d’être démontrée. Non seulement la consommation ne décolle pas mais le marché de l’immobilier a très mal réagi à la remontée des taux d’intérêt depuis le début de l’été.
  • Alors que la question d’un changement de politique de la Fed est assez légitime après cinq années de politique non-conventionnelle, celui-ci ne trouve pas de justification économique. Le risque que la Fed aille trop vite en besogne est donc bel et bien réel.

Menue-monnaie, stigmates de l’inflation passée et… de celle à venir.

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Les voyages à l’étranger laissent toujours s’entasser au fond des porte-monnaie une certaine quantité de menue monnaie dont l’un des premiers gestes consiste à se débarrasser dès la fin des vacances. Ainsi en était-il à mon retour des Etats-Unis, quand, par hasard, mon regard s’est porté sur un cent frappé de 1964. J’ai alors observé plus attentivement le contenu de ce tas de cents, dimes et autres quarters drainés durant mon voyage, augmenté de celui d’une de mes filles que la démarche commençait à intriguer. Prises à ce jeu de remonter l’histoire et stimulées par de nouvelles trouvailles, nous en sommes arrivées à trier ces pièces par décennie pour aboutir à ce résultat inattendu : sur une quantité de 107 pièces de un cent recueillies dans le courant de l’été 2013, trois dataient des années soixante, douze des années soixante-dix et onze des années quatre-vingts. Autrement dit, 24 % de nos fonds de poches provenaient encore des années d’une inflation à deux chiffres durant lesquelles la machine à frapper ne s’était, à l’évidence, guère relâchée.

Mais qu’en était-il de la suite ? Pourrions-nous observer les effets de la désinflation alors que notre échantillon était forcément biaisé par la moindre érosion d’un stock de monnaie plus récent ? Nous avions respectivement 13 et 18 pièces marquées des années 1990 et 2000. Difficile de convaincre que ces quantités, une fois pris en compte le facteur temps, correspondaient selon toute vraisemblance, à une proportion bien plus faible que celle des deux décennies antérieures. La démonstration paraîtrait, à coup sûr, tirée par les cheveux. Sur le point d’abandonner, réapparut un tas de pièces laissées de côté, celui de la période la plus récente, allant de 2010 à 2013. Celles-là étaient naturellement beaucoup plus nombreuses, 50 pièces au total, pour une période de trois ans et demi seulement, soit, en équivalent décennal, 142 pièces !

Les décomptes précédents apparurent dès lors sous un jour nouveau. Le taux d’érosion du stock de monnaie n’ayant pas de raison de fluctuer sauvagement d’une décennie à l’autre, nous pourrions avoir une idée de la taille actualisée de ces différents échantillons en les corrigeant d’un facteur d’érosion. Nous effectuons alors quelques calculs de coin de table. Un premier sur la base d’un taux annuel d’érosion de 5,5 %, correspondant à la croissance de l’agrégat M1 de la masse monétaire américaine au cours de la période, le second, de 6,7 %, correspondant à la croissance annuelle moyenne du PIB nominal des Etats-Unis, ce dernier étant plus proche de ce que suggérait notre propre échantillon. Nous obtenons ainsi, en théorie, des masses ajustées et donc comparables dans le temps qui, exprimées en base 100 en début de période, font ressortir les résultats suivants :

  • La quantité actualisée de notre échantillon enregistre un pic durant la décennie soixante-dix, avec un indice 234 pour un taux d’érosion de 5,5%, ou de 209 pour un taux d’érosion de 6,7%,
  • elle décline ensuite de manière constante, touchant un point bas dans les années deux mille, à respectivement 70 et 45,
  • elle s’inverse ensuite brutalement au cours de la dernière période correspondant aux millésimes 2010 à 2013 de nos piécettes, pour s’établir dans le premier cas à un niveau jamais égalé de 318 et, dans le second, à un niveau à peine inférieur à celui des années soixante-dix.

La tentation est bien évidemment très grande de comparer ces données avec celles de l’inflation des différentes périodes. La démonstration est, sans réelle surprise, plutôt convaincante.

Porte-monnaie

La suite ne surprendra guère : au rythme auquel évolue la quantité de monnaie en circulation depuis 2010, un aboutissement inflationniste de la crise reste de loin le plus vraisemblable. Que le processus prenne à l’évidence plus de temps qu’anticipé ne modifie pas cette conclusion,  que nous pouvons tous déjà palper dans nos fonds de poches. 

L’essentiel de la rentrée 2013

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Après une période estivale globalement calme, la rentrée se présente sous un jour beaucoup plus instable pour les marchés financiers. Les incertitudes relatives à un changement possible de la politique de la Fed se sont intensifiées dans le sillage de statistiques américaines décevantes et de la crise des devises des pays émergents, quand s’ajoutent maintenant à la nervosité ambiante, les craintes d’une possible intervention armée en Syrie. Nous passons ici en revue les principaux sujets d’importance pour cette rentrée. 

  • Risque de frappes aériennes en Syrie. L’éventualité d’une intervention imminente a reculé durant le week-end avec la décision du Président Obama de porter le débat devant le Congrès américain, dont les travaux ne reprendront pas avant 9 septembre. Le sujet, vu son importance, ne quittera pas pour autant le devant de la scène internationale. Pétrole, croissance, devises, taux… Nous revenons sur les risques économiques et financiers associés, à ce stade, à une éventuelle intervention.
  • Pays émergents : situation de plus en plus critique. Les mesures d’urgence adoptées par les pays en crise peuvent calmer les tensions un temps. Elles ne constituent pas, néanmoins, des réponses durables aux problèmes rencontrés par les pays en déséquilibre. Le risque de change est particulièrement élevé au Brésil, où l’appréciation de 100 % du taux de change réel en 10 ans, est un handicap aujourd’hui insupportable. La Chine, protégée des turbulences actuelles, n’est pas à l’abri des conséquences défavorables, à terme, de cette crise sur ses exportations.
  • Etats-Unis : un ensemble bien fragile pour envisager un « exit ». Frilosité des consommateurs, retournement immobilier, manque de visibilité du côté des entreprises… L’ensemble semble bien fragile à la veille de nouvelles tractations budgétaires, de la mise en place de la réforme de la santé et d’une possible intervention en Syrie, pour ne pas influencer la décision de la Fed. Nous continuons à privilégier la voie de la temporisation lors du prochain FOMC des 17 et 18 septembre.
  • Zone euro : place aux bonnes nouvelles, pour un temps. L’amélioration de la situation conjoncturelle prend le pas sur les inquiétudes structurelles. Sous l’impulsion domestique, 2013 est bien partie pour donner des résultats meilleurs qu’attendu. L’absence de relais international pose cependant question. Sans reprise de la demande mondiale, la croissance de la zone euro s’essoufflera rapidement.

Les pochettes surprises d’une reprise, sans conviction

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1-L’automobile     2-L’investissement en France     3-La consommation en Espagne

Malgré les préoccupations légitimes sur l’avenir de la zone euro, la fin de la récession est actée. Comme tout épisode de ce type, la situation présente offre d’ores et déjà un certain nombre de bonnes surprises. Nous en avons répertorié trois principales : 

  • la première, la plus significative du point de vue d’un investisseur, est relative à l’amélioration des perspectives du marché automobile européen et aux conséquences qui en découlent pour la performance boursière du secteur,
  • la deuxième, beaucoup plus largement inattendue, concerne l’amélioration des perspectives d’investissement productif en France, que suggèrent les indicateurs que nous suivons sur l’économie française,
  • la dernière, peut-être la plus importante au vu du risque qu’a fait planer la situation espagnole sur les perspectives européennes, a trait à la sensible amélioration des tendances sur le front de la consommation en Espagne.

Bien qu’aucune de ces surprises ne soit suffisante, à ce stade, pour nous conduire à des révisions substantielles de notre scénario de croissance, chacune est susceptible d’insuffler un certain regain de confiance, aux répercussions potentiellement inattendues.