Après une semaine d’euphorie dans le sillage de la présidentielle américaine, il ne manquait plus que la bonne nouvelle infaillible d’un vaccin anti-Covid pour propulser les indices européens au-delà des résistances sous lesquelles ils plafonnaient depuis le printemps. Voilà qui est donc fait ; un mouvement d’autant plus facile à opérer que les volumes de transactions n’étaient pas franchement au rendez-vous ce lundi. Et maintenant ? L’exploit a été tellement laborieux qu’il faudrait sans doute de bien mauvaises nouvelles pour le ravaler. L’hypothèse ne peut à l’évidence être exclue mais ne s’impose pas comme la plus probable à brève échéance. De là à envisager d’aller beaucoup plus haut, c’est une autre histoire, dans un contexte toujours très fragile dans lequel, outre le risque de déceptions économiques et sanitaires, planent ceux d’un dégonflement de la bulle technologique et d’une remontée trop précoce des taux d’intérêt et des cours du pétrole… La volatilité pourrait avoir de plus beaux jours devant elle que les indices boursiers !
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Les marchés voient la reflation, le Covid répand la déflation et les défensives sont chères…
Le contraste entre les sous-jacents des marchés et la réalité sanitaire s’est singulièrement accentué ces dernières semaines. A la veille de l’annonce supposée d’un accord entre républicains et démocrates américains, la tentation reflationniste s’accroît sur les premiers et les valeurs cycliques seraient dans les starting blocks selon certains. De son côté l’épidémie connaît un nouvel élan et menace de jour en jour d’imposer plus de limitations à la vie économique mondiale. Malgré l’embellie de ces derniers mois, les entreprises n’ont guère trouvé de quoi restaurer leur pricing power, bien au contraire à en juger par les enquêtes les plus récentes. Or, la persistance de la crise sanitaire ne plaide guère en faveur d’une amélioration rapide sur ce front.
Le plan de soutien américain peut-il contrer ces tendances à lui seul ? Le pari n’est pas gagné et les déconvenues du côté des cycliques pourraient ne pas tarder. Reste que les défensives ne sont pas bon marché et que leur médiocre performance récente interroge sur leur capacité à prendre le relais…
Scénario trimestriel : Crises masquées, reprise à cloche-pied
L’économie mondiale traverse une crise sans précédent sans en afficher les symptômes, tant la mobilisation inédite des banques centrales et des gouvernements face au choc sanitaire a été efficace. Les stigmates des crises sous-jacentes ont pourtant tout lieu de réapparaître au fil de la reprise à venir. Qu’en attendre ? Principales conclusions de la mise à jour de notre scénario :
- Le rattrapage post-confinement marque le pas en fin de trimestre : en l’absence de reprise des échanges, la remise à niveau industrielle est partielle tandis que la persistance de l’épidémie entrave encore de nombreux pans des activités de services.
- Les freins à la croissance qui couvaient ces dernières années ont été exacerbés par la crise sanitaire :
- le surendettement pèse sur les perspectives d’investissement, lesquelles ne sont que partiellement soutenues par les plans de relance, aux effets trop dilués.
- La démondialisation s’accélère, ce qui sanctionne la Chine et les grands exportateurs, en particulier les émergents.
- L’une et l’autre de ces conditions ferment la porte au scénario de reflation plébiscité par les marchés.
- Déception sur la croissance, absence d’inflation cyclique et vigilance des banques centrales maintiennent de très bas niveaux de taux d’intérêt, malgré une volatilité possiblement plus élevée, en partie du fait du risque politique.
- L’exubérance des valeurs technologiques est de plus en plus menaçante. La probabilité que les bourses flanchent à brève échéance s’accroit dans la perspective de résultats décevants et d’une remise en question du scénario de reflation. 2021 devrait être plus favorable à un retour de l’appétit pour le risque sous réserve que les valeurs technologiques ne craquent pas.
Plafonds de verre
Les tentatives de franchissement des résistances à la hausse des indices mondiaux ont échoué depuis le début de l’été. Sauf le S&P500, porté par les valeurs technologiques de plus en plus influentes sur la performance indicielle, les bourses du monde développé ont essentiellement fait du sur place après leur rallye avorté de début juin. Les indices émergents, qui ont profité d’un dollar affaibli et de ses effets d’entrainement sur les cours des matières premières, n’ont pas davantage réussi à ouvrir la voie à une hausse durable et le scénario de reflation, sans cesse réarmé par la spéculation, n’est pas non plus parvenu à s’imposer, au grand dam des bancaires. En somme, hors les valeurs technologiques, les marchés d’actions n’ont pas fait grand-chose durant la période estivale.
Il faut dire que les nouvelles n’aident guère.
- Sur le front sanitaire, la persistance de l’épidémie a fini par avoir raison des espoirs d’une reprise en V. Le scénario en « UL » que nous privilégions, plus joliment dénommé en « aile d’oiseau » par le gouverneur de la Banque de France, menace déjà de flancher avant même d’avoir pris son élan, comme le confirment, après plusieurs signaux avant-coureurs, les premiers PMI du mois d’août.
- Sur le front commercial, le conflit sino-américain a repris de plus belle tandis que D. Trump remet au goût du jour ses fétiches les plus populistes en préparation d’une présidentielle sous haute tension menaçant d’improbables surprises.
- Les uns après les autres, les dossiers chauds de ces dernières années reviennent sur le devant de la scène. L’Europe politique, de plus en plus contrainte d’exister sur le front intérieur et international, peine à se définir, la renaissance du couple franco-allemand approchant vite ses limites quand il s’agit de géostratégie. L’épopée britannique promet, quant à elle, de nouveaux rebondissements, quand bien même, pour le coup, possiblement apaisants, tant B. Johnson est dans l’impasse.
La rentrée s’ouvre décidément sous le signe d’une incertitude sans égale. Entre traumas économique, sanitaire et climatique et banques centrales de plus en plus convaincues de l’insuffisance de leur action, les plafonds de verre semblent de jour en jour plus épais.
Ah, qu’il est laborieux le passage en force des résistances sur les indices boursiers !…
Jamais crise économique n’aura donné réactions aussi contrariantes des marchés financiers, sur lesquels de nombreux actifs auront connu leurs plus beaux jours depuis le point bas des bourses mondiales du 23 mars. À partir de cette date, la mise sous cloche par les FED, puis par la plupart des autres banques centrales, des poches de risques financiers ont permis une récupération exceptionnelle des actifs. 53 % à 55 % de hausse ont été enregistrés par le MSCI Brésilien, le Nasdaq, le Kospi, ou le Brent ; peu derrière, le DAX, le MSCI indien, le S&P500 ou du Nikkei ont gagné de 35 % à 45 %. Ne manquaient plus pour compléter ce tableau que les indices chinois. Cela a été fait cette semaine, avec une envolée de 9,5 % du composite de Shanghai suivi, comme il se doit, d’un élan de 3,5 % de l’indice CRB des métaux industriels. Il faut dire que l’enjeu est de taille, illustré par l’indice chinois mieux que tout autre : il s’agit de s’affranchir de la résistance, qui saute même aux yeux du béotien, de janvier 2018, pour ouvrir grande la voie à une remontada. La configuration est à peu près la même sur tous les marchés mais ces résistances sont solides et pourraient se durcir davantage. Alors, passera, passera pas ?
Emploi américain : pas de scoop, de la spec !
Chaque statistique économique semble offrir une nouvelle occasion spéculative à des marchés qui ne prennent pas la peine de remettre en perspective les données post-confinement, forcément meilleures que celles d’avril ou même de mai. Les créations d’emplois salariés ont donc atteint un niveau mirobolant de 4,8 millions aux États-Unis en juin, après avoir déjà enregistré une hausse record de 2,7 millions en mai. Qu’importe que 14 millions d’emplois manquent à l’appel depuis février, les marchés achètent la nouvelle, qui plus est, avec un chiffre meilleur qu’anticipé.
Que reste-t-il pour prévenir une accélération à la baisse du dollar ?
Chutera, chutera pas ? L’inquiétude monte au sujet d’une éventuelle correction à la baisse du dollar américain et cela n’est pas bon signe pour l’évolution des perspectives économiques mondiales. Car, avec le dollar c’est un peu comme avec le bâtiment, « quand il va, tout va » sur les marchés financiers, ce qui explique la tendance à plébisciter un dollar fort, notamment par rapport aux devises du monde développé. Sauf que plus rien ne va plus chez l’Oncle Sam et que la résistance déjà exceptionnelle du billet vert à la détérioration des fondamentaux qui habituellement président à l’évolution du taux de change a du plomb dans l’aile. Mauvaise gestion de la crise sanitaire, dislocation sociale, mise en doute des perspectives structurelles de croissance s’ajoutent à des déficits abyssaux et à une expansion monétaire de moins en moins compatibles avec un taux de change réel à ses plus hauts niveaux depuis près de vingt ans. Alors, c’est parti ? La réponse semble pour l’essentiel dans la capacité de la gouvernance européenne à rassurer sur l’avenir de la monnaie unique. Sans ce préalable, le repli du dollar se limitera sans doute à quelques rares devises peu influentes sur le front économique mondial.