Yellen jette de l’huile sur le feu des marchés obligataires

Le diable est toujours dans le détail, surtout lorsqu’il s’agit des banques centrales.

Si, sur le papier, les prévisions de croissance et d’inflation de la FED sont très peu modifiées, reflet d’une volonté de ne pas prendre pour argent comptant les promesses d’un programme de D. Trump encore largement incertain, Janet Yellen s’est, toutefois, incontestablement montrée confiante, sans doute trop confiante pour que la révision à la hausse, même modique, de ses prévisions monétaires passent inaperçues.

La question ici n’est pas celle du relèvement largement attendu, d’un quart de point de son objectif de Fed funds, à 0,50%-0,75%, mais bien celle du changement apporté aux prévisions des membres du board qui intègrent dorénavant 3 hausses supplémentaires des taux directeurs d’ici fin 2017 plutôt que deux jusqu’alors.

Pour que les répercussions de ce changement soient étouffées, sans doute aurait-il fallu, en effet, non pas seulement un scénario de croissance et d’inflation très conservateur, mais également une Présidente plus réservée qu’elle ne l’a été. Or, si Janet Yellen est apparue très hésitante sur les perspectives de l’économie américaine, elle a toutefois clairement donné l’impression d’être moins inquiète que ces derniers temps et peu ouverte à l’idée de laisser filer l’inflation au-dessus de son objectif de 2%.

Le résultat ne s’est donc pas fait attendre. A l’opposé de ce que nous avions envisagé et présenté plus tôt dans la journée :

  • les taux des emprunts d’Etat se sont sensiblement tendus sur l’ensemble des échéances, les taux à 10 ans gagnant 10 points de base, à 2,57%, malgré un aplatissement de la courbe des taux 2-10 ans ;
  • le dollar s’est envolé, propulsé au-delà de 117 yen et à quasiment 0,95 euro ;
  • enfin, les cours du pétrole ont flanché de plus de 4%, signe de la perception d’une FED en position de réel durcissement de sa politique monétaire.

En d’autres termes, qu’elle le veuille ou non, la FED a mis un peu plus d’huile sur le feu des marchés obligataires, plutôt que l’inverse. Cette stratégie est périlleuse, à plus d’un titre :

  1. elle risque de créer les conditions d’une montée trop violente des taux longs, au moment où les données d’inflation vont être tirées à la hausse par les effets de base pétroliers ;
  2. elle risque d’alimenter une montée des anticipations de fin de cycle aux conséquences potentiellement dommageables pour les marchés financiers ;
  3. elle avale le scénario vertueux d’une reflation progressive de l’économie américaine.

Que peut-il se passer maintenant ? A chaud, nous sommes tentés de dire, de deux choses l’une :

  • soit les données économiques poursuivent sur la voie de l’embellie de ces dernières semaines et le risque d’une envolée des taux longs s’en verra nettement accru, les taux à dix ans pouvant s’approcher sans tarder des 3 % ;
  • soit les données économiques se détériorent suffisamment pour éteindre les braises attisées par le FOMC, ce qui tendra à conclure que la FED a commis une erreur de casting, aux conséquences à ce stade assez largement imprévisibles.

La messe est donc loin d’être dite et l’on peut raisonnablement craindre d’une telle situation un retour de volatilité sur les marchés boursiers.

La FED n’est pas entendue par les marchés

Les observateurs sont d’accord, les micro modifications apportées au communiqué de la FED après son comité des deux derniers jours, confirment sa volonté de relever le niveau de ses taux d’intérêt. Mise à part le changement de qualificatif sur l’évolution de la consommation, en « hausse modérée » plutôt qu’en « forte croissance », tous les changements apportés à sa rhétorique sont là pour rouvrir la porte d’une possible action en décembre, parmi lesquels :

  • le retrait de la proposition relative à la persistance d’anticipations d’une inflation faible à court terme
  • et le remplacement de « davantage » (further) par « certains » (some) au sujet des éléments nécessaires à son passage à l’acte.

La Fed prépare ainsi le terrain pour une éventuelle remontée de ses taux lors de sa prochaine réunion, sous réserve, toutefois, que les développements sur le front de la croissance, de l’inflation et des marchés financiers l’autorisent. Avec cette dernière condition, elle conserve encore une fois toute latitude, ce qui dans le contexte actuel de regain d’instabilité sur les marchés financiers internationaux laisse encore beaucoup d’incertitude sur ce qu’elle fera ou non le 14 décembre.

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Les marchés ne s’y sont pas trompés, qui ne semblent avoir vu dans ce communiqué aucune garantie d’un passage à l’acte. Il est intéressant à ce titre de revenir sur leur réaction au communiqué d’octobre l’an dernier pour prendre la mesure de ce qui ressemble bien à une sorte de capitulation, en dépit de la remontée récente des taux futures.

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Mieux vaut dans un tel contexte patienter pour voir les réactions aux résultats des élections de la semaine prochaine, la tournure économique et celle des marchés boursiers, avant de parier sur une remontée effective des Fed Funds le 14 décembre prochain

De l’emploi américain aux bancaires européennes et aux émergents…

I- Le rapport sur l’emploi américain, un mauvais signal pour les bancaires européennes

Si le lien entre l’emploi américain et la performance de valeurs bancaires mondiales ne coule pas de source à première vue, il est pourtant bien réel, ceci peut-être plus encore pour les valeurs européennes.
Il y a trois éléments d’explication a cette conclusion :
  1. L’évacuation des anticipations de hausse de taux de la Fed que suggèrent les chiffres de l’emploi a tout lieu de pousser les taux longs à la baisse dans l’ensemble du monde développé ; un mouvement malvenu pour le secteur bancaire européen encore largement convalescent.
  2. En faisant refluer le cours du dollar, cette évolution des taux d’intérêt risque de faire remonter la probabilité de baisse des taux en Europe et au Japon, M. Draghi n’a pas hésité à mentionner la possibilité de baisser davantage les taux de dépôts lors de sa conférence du 2 juin et la BoJ s’était déjà clairement positionnée sur cette voie ces derniers mois. Une telle éventualité, on le sait, serait très négative pour les établissements financiers.
  3. Les effets négatifs de la détérioration des perspectives économiques américaines et leur impact sur les marchés financiers mondiaux constituent un facteur additionnel susceptible d’être accentué par le reflux des cours du pétrole.
A l’heure où nombre d’observateurs étaient tentés d’accroître leur exposition aux valeurs bancaires européennes, ces arguments méritent d’être considérés comme d’importants facteurs de risques. Face à celui-ci, l’Italie, le Portugal sont sans aucun doute très exposés, leur performance n’ayant même pas réussi à se redresser ces derniers jours en dépit du regain de confiance observé à l’égard du secteur. Il serait sans doute erroné de considérer que seuls ces deux pays soient exposés. Les couleurs reprises du côté allemand ou français risquent fort de ne pas faire le poids dans un environnement redevenu menaçant sur le front de la croissance et des marchés de capitaux.
II- S’il ne s’agissait que de l’emploi pour pourrions escompter un appel d’air pour les émergents, mais tel n’est pas le cas.
La baisse du dollar qu’implique le changement d’anticipations sur la politique monétaire américaine n’est pas en soi un facteur négatif pour le monde émergent. A l’instar de ce qui s’est passé en mars-avril, le reflux du billet vert peut même être considéré comme un facteur positif ces marchés.
  • en premier lieu parce qu’un dollar plus faible allège d’autant le coût des dettes en dollar de pays et entreprises, tous fortement endettés en devise americaine,
  • en second lieu parce que la baisse du dollar permet mécaniquement au yuan de se déprécier, ce qui retire une épine du pied de la banque de Chine dont on pouvait redouter que le renchérissement malvenu de sa devise à l’egard de l’euro et du yen ces derniers temps ne conduise à une nouvelle dévaluation.
Nous avions expliqué les enchainements d’un scénario vertueux sur ce sujet qui, bien que difficilement cohérent sur la durée, pouvait justifier, à brève échéance, un regain d’appetit pour les actifs du monde émergent et, par voie de conséquence, les matières premieres (voir Y croire ? et Dollar).
Toutefois, comme nous l’avions conclu à ce moment là, ce schéma n’est guère compatible avec celui d’une détérioration marquée des perspectives americaines, de l’ampleur aujourd’hui suggérée par les indicateurs récents, emploi et autres.
En d’autres termes la réaction positive des palces emergentes à la publication des chiffres de l’emploi américains dans la journée de vendredi nous semble des plus precaires.

Scénario macro-économique et allocation d’actifs – juin 2015

Le meilleur des marchés actions semble bel et bien derrière nous. Le cycle mondial est mature et soumis à des risques significatifs de correction à la baisse dans un contexte économique mondial toujours très compliqué. Malgré les turbulences de ces dernières semaines, les taux d’intérêt à long terme conservent une marge significative de détente. Une surexposition aux marchés obligataires semble, par conséquent, la meilleure stratégie à adopter pour le futur proche. Sauf issue extrême sur le dossier grec, l’absence de remontée des taux directeurs de la Fed suggère, par ailleurs, une remontée persistante de l’euro, jusqu’à 1,20 USD d’ici décembre.

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La FED joue son va-tout

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Avec treize sur seize de ses membres estimant qu’un resserrement monétaire sera approprié dès 2015 et dix de ceux-ci prévoyant que le niveau des Fed Funds sera supérieur ou égal à 1 % à la fin de l’année prochaine, le message délivré par la Fed à la suite de sa réunion des 18 et 19 mars rompt avec sa communication antérieure. Incompatible avec les anticipations actuelles des marchés de taux, cette réorientation est susceptible d’entrainer des réactions significatives, préoccupantes à plus d’un titre :

  • pour les marchés financiers, tout d’abord, le risque d’une sur réaction des taux d’intérêt et des marchés d’actions à ce changement de discours étant particulièrement élevé, aux États-Unis comme dans le reste du monde,
  • pour l’économie américaine, ensuite, dont l’état de santé est sujet à caution et l’incertitude sur sa capacité à faire face à un renchérissement du coût du crédit, encore très grande,
  • pour le monde émergent et les pays du sud de l’Europe, enfin, exposés à un risque accru de sorties de capitaux.

Nous continuons à penser que la Fed fait fausse route. La marche accélérée vers un arrêt du QE et une hausse des taux à horizon 2015 ne paraissant guère compatible avec la réalité de la situation économique américaine ou mondiale présente. Nous maintenons notre prévision d’un retour de bâton avant l’été et d’un repli des taux longs après une vraisemblable remontée temporaire.

L’Humeur du Vendredi 3 janvier : Strong Buy Latvia!

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6 %, l’écart de taux d’intérêt avec les 17 théoriquement nécessaire à la Lettonie pour accompagner sa convergence économique au cours du prochain quart de siècle….

+ 6 : le nombre de nouveaux membres de l’union monétaire depuis 2007. À ce rythme-là l’UEM pourrait compter jusqu’à 25 membres dans 10 ans… à moins qu’elle ne soit, tout simplement, plus, ou qu’elle soit 18 moins quelques-uns… Qui sait, et comment savoir, tant les dysfonctionnements de l’union monétaire sont profonds ? 

On aimerait participer à l’enthousiasme, au moins de circonstance, qui accompagne l’adhésion d’un nouveau membre à la monnaie unique plutôt que de déplorer cette fuite en avant consistant à réunir dans un même panier un nombre toujours plus important de pays dont les chances de pouvoir s’accommoder d’un même taux d’intérêt -celui de la BCE- sont à peu près nulles. Comment ne pas redouter en effet que la Lettonie connaisse, à terme, le même sort que la Grèce, l’Irlande ou l’Espagne ? Non pas, comme certains pourraient le craindre, par négligence mais parce que, même avec la meilleure volonté, les Lettons n’auront aucun moyen de compenser les effets d’une politique monétaire durablement inappropriée à leur propre situation.

Profitons de l’actualité du moment pour revenir sur ce sujet de fond sur lequel trop peu d’économistes s’arrêtent, à savoir : l’irresponsabilité économique consistant à intégrer trop précocement à l’union monétaire des pays au développement économique insuffisant (sujet que nous avions déjà traité sous un angle un peu différent dans « L’Europe monétaire, de l’ambition à la décadence : le critère manquant », juillet 2012).

La sévérité de notre appréciation vient pour l’essentiel du constat selon lequel la convergence ne peut se faire une fois dans l’UEM mais avant de la rejoindre.

États-Unis : tout va donc pour le mieux ?

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La pression des marchés et l’amélioration des données économiques de ces derniers mois ont finalement eu raison de la politique de la Fed. Cette dernière abaissera de 10 milliards de dollars ses achats d’actifs à partir du mois de janvier, pour ne plus injecter que 75 milliards de dollars par mois. La perfusion reste de taille mais peu importe, le message délivré par la Fed est celui du début d’une normalisation de la situation. Le changement tant redouté de sa politique devient dès lors une bonne nouvelle, saluée par les marchés : l’indice Dow Jones réagit positivement à l’annonce, de même que le dollar.

Reste que cette normalisation ne pourra échapper à un changement d’anticipations du niveau des taux d’intérêt directeurs de la Reserve Fédérale. Les taux longs devraient donc poursuivre leur tendance à la hausse et ceci d’autant plus que la Fed a maintenu son objectif de changement plus radical de ses conditions monétaires dès lors que le taux de chômage franchirait le seuil de 6,5 %. L’économie américaine a-t-elle les moyens de faire face à une remontée supplémentaire des taux longs ? Là est toute la question.

Scénario 2013-2014 : Crise financière, Acte III…et épilogue (?)

Malgré la reprise européenne et le léger mieux enregistré sur le front du climat de confiance à l’échelle mondiale durant l’été, c’est à une révision à la baisse qu’aboutit l’actualisation de notre scénario de croissance mondiale 2013-2014.

Il y a principalement deux origines à ce résultat :

  • La première tient à notre analyse de la situation américaine, à savoir, celle d’une économie toujours affaiblie par les ruptures apparues avec la crise financière.
  • La seconde tient à la montée des risques des économies émergentes, en particulier des plus grandes d’entre elles.

De ce scénario, découlent cinq conclusions majeures :

  1. Un nouveau round mondial d’injections de liquidités.
  2. Le maintien de taux à long terme sur de très faibles niveaux.
  3. Une dépréciation du taux billet vert vis-à-vis des grandes devises.
  4. Un risque d’instabilité croissant sur les marchés émergents.
  5. Le coût de la politique de changes de la Chine risque de devenir de moins en moins supportable.

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