Leçons de la semaine écoulée : la récession au coin de la rue, les taux ne monteront pas au ciel

Cette semaine était un peu celle de tous les dangers et le pronostic n’a, pour le coup, pas été démenti. Dans un contexte des plus instables, quelques traits se dégagent, parmi lesquels :

  • Le durcissement des conditions monétaires internationales s’accélère. Depuis le début du mois, pas moins de 16 des 35 principales banques centrales ont procédé à des hausses de leurs taux directeurs, après 24 le mois dernier.
  • Malgré tout, force est de constater que les effets de ces actions tardent à se faire sentir. En dépit d’une détérioration rapide des perspectives, les prix des matières premières caracolent toujours à deux doigts de leurs plus hauts récents.
  • Il faut dire que les liquidités mondiales ont continué à affluer jusqu’au début du mois et que la seule amorce du resserrement quantitatif de la FED en juin ne sera pas suffisante pour inverser cette tendance avant quelques mois. Prises au piège qu’elles se sont elles-mêmes tendues ces dernières années, les banques centrales sont contraintes d’aller d’autant plus loin pour que leur politique anti-inflationniste porte, éventuellement, ses fruits.

  • Les dégâts occasionnés par cet ajustement commencent néanmoins à se faire sentir : dislocation financière et dégradation des perspectives économiques vont bon train et le scénario de récession gagne subitement du terrain, notamment là où le consensus l’attendait le moins, aux Etats-Unis. Les perspectives globales s’en trouvent de facto exposées et l’hypothèse d’une récession mondiale est de moins en moins fantaisiste.
  • Succès ou non sur le front de l’inflation, il est peu probable que les responsables monétaires puissent faire fi de cette réalité et les marchés, comme les banques centrales bien que de manière plus ou moins déguisée, commencent à l’intégrer. A partir de là, le temps est compté:
  • Soit les banques centrales font écho aux rappels à l’ordre du stress financier et de la détérioration des indicateurs économiques avancés et mettent sans tarder un peu d’eau dans leur vin. Elles pourront le cas échéant renouer avec un resserrement monétaire encore nécessaire et possible plus tardivement, aux alentours du second semestre 2023.
  • Soit elles se cabrent encore quelques semaines et, après un dernier coup de collier, elles devront gérer les crises et, possiblement, faire marche arrière.

Nous avons développé ces deux scénarios mi-mai et malgré une probabilité mouvante entre ces deux hypothèses, l’une de nos principales conclusions reste de mise : si ni l’économie ni les marchés ne peuvent supporter l’ajustement en cours sur le front des taux d’intérêt, ces derniers cèderont même s’il est bien difficile de dire aujourd’hui de combien ni pendant combien de temps.

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Le vent de panique sur la dette italienne est-il justifié ?

La menace d’un arrêt des achats d’actifs et de remontées des taux d’intérêt de la BCE est finalement passée à exécution cette semaine avec une communication de Mme Lagarde nettement plus agressive que jusqu’alors sur ses intentions en matière de lutte contre l’inflation. La hausse des taux ne s’arrêterait pas à zéro pourcent mais pourrait aller nettement plus haut et plus vite qu’anticipé, dès septembre si les perspectives d’inflation continuent à se détériorer, ce qui est à peu près certain d’ici là.

Au-delà de l’impact immédiat de ce changement de braquet sur les taux futurs allemands, c’est par le creusement des écarts de taux entre les pays dits « périphériques » et l’Allemagne que les marchés y ont répondu. La dette italienne en ligne de mire depuis plusieurs semaines déjà a, ainsi ,vu son rendement à 10 ans s’envoler jusqu’à 3,75 %, plus de 230 points de base au-dessus de celui du Bund de même échéance, à deux doigts de la région des 250 pb généralement considérés comme seuil de crise. Réminiscence d’un passé pas si lointain, le taux de change de l’euro s’est également effrité contrairement à ce qu’il aurait dû faire vu de la remontée des taux allemands.

Les marchés semblent donc bel et bien avoir commencé à se positionner dans la perspective d’une nouvelle crise qui aurait comme point de départ le caractère insoutenable de la remontée des taux pour les pays les plus endettés de la région. Il y a pourtant une différence de taille avec le passé qui tient, précisément, au retour de l’inflation…

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Premiers effets d’un choc de pouvoir d’achat sans pareil

Les immédiats lendemains de l’entrée en guerre n’ont pas eu les effets patents redoutés sur l’activité et la consommation. Entreprises et ménages ont stocké par craintes de pénuries ou devancé certains achats pour se prémunir contre les risques de ruptures d’approvisionnement et de hausses de prix anticipées. Ainsi, malgré un choc de confiance quasi-instantané, les ventes automobiles ont rebondi dans plusieurs pays et l’activité industrielle en a retiré quelques bénéfices inattendus, bien que très irréguliers. Après s’être retournés, les indicateurs de climat des affaires ont montré une résilience bienvenue en Europe, laissant, un temps, penser que le pire était peut-être dépassé. Alors que dans le reste du monde l’économie américaine semblait en mesure de tirer profit de la guerre en Europe et que les restrictions chinoises semblaient être amenées à se réduire, l’idée que le mouvement de baisse des perspectives pouvait approcher son terme a progressivement émergé.

Les retours les plus récents n’ont pas permis d’aller beaucoup plus loin dans cette voie. Les indicateurs avancés, quels qu’ils soient, se détériorent rapidement, l’activité immobilière donne de plus en plus de signes de retournement, les ventes de détail décrochent et celles d’automobiles ont connu de nouveaux revers en avril et mai.

Les consommateurs ont le moral dans les chaussettes -comment pourrait-il en être autrement face au pire choc de pouvoir d’achat depuis quarante ans ?- et sont contraints d’ajuster leur comportement. Après une phase très brève d’achats anticipés, la gestion de budgets amputés impose des contraintes : alors que les dépenses alimentaires et énergétiques, bien peu compressibles, absorbent le plus souvent entre un et deux cinquièmes de la consommation, la flambée des prix ne laisse plus beaucoup d’espace pour les moins indispensables : équipements et services de confort, loisirs, restauration, soins en pâtissent. Les entreprises, qui jusqu’alors ont réussi, bon an mal an, à répercuter la hausse de leurs coûts dans leurs prix de vente, ont en conséquence de moins en moins cette possibilité. L’inflation cyclique finira par en retirer les bénéfices mais, dans l’attente, le choc conjoncturel qui se profile est de plus en plus préoccupant.

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50 %, 75 %… Les enchères sur le potentiel de baisse des marchés sont ouvertes

Nombreux de ceux qui nous promettaient le ciel pour les actifs les plus à risque se révèlent les pires cassandres ces derniers jours. Est-ce la bérézina des valeurs technologiques et des cryptomonnaies ou une stratégie d’épouvantail à destination des politiques monétaires ? Toujours est-il que les enchères vont bon train. 50 % de baisse des indices actions nous promet-on, au mieux. L’estimation n’a, en réalité, rien d’extravagant. Elle correspond au retour des indices mondiaux dans leur tendance de long terme, pas en haut de cette borne, mais en bas. Elle est, de même, cohérente avec ce que suggèrerait une normalisation de la plupart des indicateurs de valorisation fondamentaux, Q de Tobin, ou autre Hussman ou Buffet, dans un environnement monétaire moins porteur…

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Au milieu du gué : risques et complexité des perspectives

Signe des temps, les choses vont vite. A peine publié fin mars, notre scénario trimestriel était déjà malmené. Si le temps écoulé depuis permet d’ajuster notre diagnostic sur certains éléments-clés, les perspectives ont néanmoins gagné en complexité, incertitudes et facteurs de risques. Où en est-on ?

Conséquence d’un premier trimestre décevant, de l’envolée des taux d’intérêt, de la paralysie chinoise et d’une guerre prolongée, notre scénario 2022 subit un nouvel ajustement à la baisse : la croissance mondiale que nous avions chiffrée à 3 % ne dépasserait pas 2,5 %, malgré un acquis de 1,7 % à fin 2021. C’est surtout, néanmoins, sur la capacité de rebond en 2023 que se multiplient les questionnements. À ce titre, le scénario de stagnation-récession développé par la Banque d’Angleterre pour le Royaume-Uni ne laisse pas d’interpeller tant il pourrait s’appliquer pour le plus grand nombre…

Sur le front de l’inflation, comme la plupart des économistes, nous courrons après le point haut, sans cesse réévalué et décalé dans le temps. Pour autant et malgré des interrogations persistantes sur le niveau d’atterrissage, la probabilité d’un repli de l’inflation au second semestre reste dominante.

Cette combinaison suffira-t-elle pour stopper le resserrement monétaire en cours ? La détermination affichée par les banques centrales n’incite pas à le penser mais le changement de contexte financier est une variable importante de cette équation. Or, manifestement, ces dernières auront besoin de prétextes pour atténuer le degré de contrainte financière que leur politique engendre. Le plus probable reste que ni la Fed, ni la BoE ou la BCE ne pourront aller jusqu’où elle l’envisagent en matière de normalisation monétaire.

Notre prévision d’un repli des anticipations de hausse des taux reste donc de mise mais soulève bien des questions sur ses conséquences pour la partie longue des courbes de taux. Trois conditions permettraient que les banques centrales ne perdent pas la face en donnant l’impression de capituler face à des perspectives d’inflation durablement supérieures à leur objectif : un risque accru de récession, un profond ajustement des marchés financiers, un effondrement des prix des matières premières, chacun étant en mesure de raviver, à un moment donné, le spectre de la déflation.

Autant dire que la visibilité n’est pas sur le point de s’améliorer et que l’instabilité et les risques de volteface des marchés ont tout lieu de durer.

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Si les banques centrales perdent la main, d’où viendra le coup d’arrêt à la hausse des taux ?

Qui se souvient de ce que provoque l’inflation et à quel point son retour change la donne des rouages économiques et financiers ? Même les pays plus récemment touchés par des crises inflationnistes l’ont été dans un environnement mondial duquel elle avait disparu et n’ont qu’une expérience relative de ce qu’elle signifie. L’inflation de ces derniers mois a bien peu à voir avec celle des épisodes cycliques traversés depuis le milieu des années quatre-vingt, que l’on pouvait dominer à coup de règle de Taylor. Elle provient d’une succession de chocs d’offre inédits qui, ajoutés à la perspective d’une saturation des ressources globales, prennent, à tort ou à raison, une connotation prémonitoire. Les enjeux ne se résument, à l’évidence, pas aux effets escomptés de l’envolée des prix des matières premières consécutive à la guerre russo-ukrainienne, ni à l’empêchement des usines chinoises à approvisionner le monde en produits indispensables. Ils englobent des questions beaucoup plus fondamentales inhérentes au vieillissement démographique, aux menaces climatiques grandissantes et à une géopolitique en mutation fulgurante, dont une des conséquences est d’accélérer la fin d’un cycle de mondialisation dont les excès ont conduit les politiques monétaires dans les retranchements dont on comprend mieux, aujourd’hui, l’hérésie.

Le diagnostic conjoncturel de l’inflation, qui conduit la plupart des économistes, nous y compris, et banques centrales à privilégier le repli de celle-ci, au moins de manière temporaire, à partir du second semestre, s’en trouve de jour en jour plus discrédité. C’est ce que nous renvoie la remontée persistante des taux d’intérêt que les anticipations de politique monétaire ne parviennent plus à expliquer : les annonces de la FED cette semaine ont bien stoppé l’ascension des taux à 3 mois et freiné celle des deux ans mais ont échoué à limiter la casse sur les échéances à plus long terme, au contraire de ce qu’elles auraient dû faire si elles avaient été crédibles. Les banques centrales ne parviennent plus à convaincre de leur capacité à stopper l’inflation et perdent en conséquence la main sur le processus de formation des taux d’intérêt longs. Comment, dès lors, envisager la suite ?

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Quand le dollar progresse contre tous les autres actifs

La guerre en Ukraine, le covid en Chine, l’envolée de l’inflation et l’escalade des taux d’intérêt ont joué de concert en défaveur des actifs en avril, y compris à l’égard de ceux qui, traditionnellement, servent de refuge face à l’aversion au risque, en l’occurrence, l’or et les obligations souveraines, sévèrement impactés par les perspectives de remontée des taux d’intérêt. Avril 2022 fait ainsi partie de ces épisodes, relativement rares, au cours desquels les actifs en progression se comptent, à peine, sur les doigts d’une main. La monnaie américaine a ainsi ce privilège d’être la seule à profiter d’un contexte éminemment négatif pour toutes les autres catégories d’actifs. Miroir, tout à la fois, de son statut de valeur refuge et de la croisade de la FED contre l’inflation, son appréciation n’est pas le moindre des paradoxes pour une économie dont le PIB s’est contracté de 1,4 % au premier trimestre et dont les déséquilibres fondamentaux justifieraient aisément une baisse de 20 % de sa valeur. La FED en a cependant décidé autrement et l’indice ICE a renoué avec un plus haut depuis 2000 ; un signal de bien mauvais augure tandis que sévissent déjà des cours exubérants sur le marché mondial de matières premières.

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Le rattrapage domestique chinois en question

Première à avoir publié ses comptes trimestriels pour ce début d’année, la Chine a plutôt fait bonne figure. À 4,8 %, la croissance annuelle de la deuxième économie mondiale a dépassé les espoirs. Comme dans plusieurs pays, les exportations ont brièvement sauvé la donne avant que n’éclate la guerre en Ukraine. La production manufacturière s’est ressaisie et l’activité minière a fait le reste dans un contexte de remontée fulgurante des prix mondiaux de l’énergie et de progrès vers un nouveau mixte énergétique. Pour autant, Omicron et la stratégie zéro-Covid du gouvernement constituent une menace grandissante. En mars, les ventes de détail sont ressorties en baisse de 3,5 % l’an. Au cours du même mois, la croissance cumulée de la production de services n’était plus que de 2,5 % par rapport à la même période de 2021, au lieu de 13 % en janvier ; des données qui confirment une vraisemblable récession, comme signalé par la plupart des enquêtes.

Manifestement, le consommateur chinois n’est pas à la fête. Sauf que cette situation, qui dure depuis au moins deux ans, finit par questionner. A y regarder de plus près, c’est à se demander si la stratégie de recentrage mise en place par le gouvernement après la crise de 2008 a encore les moyens de porter ses fruits, malgré le retard toujours considérable au regard des standards des pays de son rang.

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