L’Humeur du Vendredi 24 janvier

Télécharger l’hebdo

Erreur de casting ? 

La stratégie de sortie de crise semblait bien huilée : les pays émergents auraient de plus en plus de besoins, l’Allemagne continuerait à leur vendre quantités de machines-outils et d’automobiles et servirait de locomotive au reste de la zone euro, le temps nécessaire à la remise à niveau de leur compétitivité. Les perspectives d’une demande abondante promettaient que chacun ait sa part, sous réserve que tous soient plus compétitifs ; la zone euro retrouverait le chemin d’une croissance, à terme, vertueuse ; les excédents courants assureraient le remboursement des dettes du passé et l’euro n’en serait que renforcé.

Le schéma originel semble pourtant bien malmené. Non seulement, la locomotive allemande ne s’est toujours pas mise en marche –l’Allemagne accumule des excédents de mois en mois plus importants alors que ses importations vivotent– mais les chances qu’elle se mette rapidement en branle semblent passablement amoindries, à en juger par la tournure des développements dans le monde émergent.

La banque centrale brésilienne en mode panique

Le rapport de la banque centrale brésilienne publié à l’issue de la réunion du comité de politique monétaire des 14et 15 janvier ouvre la porte à de nouvelles hausses du SELIC, le principal taux directeur brésilien, malgré déjà sept augmentations consécutives qui l’ont porté depuis le mois d’avril de 7,5 % à 10,5 %.

Sans nul doute destinée à stopper la dépréciation du réal, cette annonce inquiète plus qu’elle ne rassure. Malgré les interventions prolongées de la banque centrale sur le marché des changes (200 millions de dollars par semaine depuis le mois de novembre) et les fortes hausses de taux d’intérêt, la devise brésilienne a retrouvé ces derniers jours les plus bas niveaux enregistrés face au dollar durant le mois d’août tandis que le spread de taux longs avec les Etats-Unis n’a cessé de s’écarter. Les tendances respectives sur le front de la devise et des taux d’intérêt ont pris l’allure d’une crise, probablement amenée à durer.

Scénario 2014-2015 : Montagnes russes…

L’année 2014 commence sur une note positive : la croissance américaine se raffermit, la zone euro en termine avec la récession, le Japon engrange les fruits de sa stratégie compétitive et le commerce mondial se ressaisit. L’ensemble devrait être suffisant pour mettre un coup d’arrêt à deux ans de décélération de l’activité mondiale et assurer le retour d’une croissance nettement supérieure à 3 % cette année. Bonne nouvelle s’il en est, ce n’est toutefois pas sur cette conclusion que reposent les enjeux présents mais sur la réponse beaucoup plus complexe à la question de savoir si 2014 amorcera une deuxième jambe du cycle de reprise mondiale susceptible d’autoriser une embellie durable des conditions économiques et de permettre de tourner la page de cinq années de convalescence. Or, à cette question nous sommes toujours tentés de répondre par la négative, ceci pour deux raisons essentielles :

  1. Les effets du deleveraging continuent à exercer d’importants dysfonctionnements sur les rouages économiques internationaux,
  2.  Cinq années de crise ont considérablement érodé le potentiel de croissance de l’économie mondiale et sa capacité à faire face à la remontée des taux d’intérêt que l’accélération en cours entraînera forcément.

Lire la suite…

Commerce mondial : une reprise sans les émergents

Télécharger le moniteur 

Les échanges mondiaux ont retrouvé un peu de vigueur depuis la fin de l’été. L’amélioration de la conjoncture européenne explique une bonne part de cette embellie. De son côté, la demande américaine se réoriente plus favorablement depuis le milieu d’année. Enfin, les importations japonaises accélèrent, affichant une croissance de 5 % l’an en volume au cours des derniers mois malgré la forte dépréciation du yen. L’amélioration est donc générale et commence à porter ses fruits en matière d’activité, tout au moins du côté des pays développés.

Manquent, en effet, à ce tableau réconfortant les pays émergents pour lesquels la situation témoigne toujours d’une anémie atypique de croissance de la demande en importations. À l’origine de cette anomalie : la faiblesse des achats chinois et ses effets de diffusion sur l’activité exportatrice des autres pays émergents, le nouveau rôle joué par le Japon et l’inertie de la demande de biens d’investissement. La locomotive du commerce intra régional asiatique et, plus largement, celle de l’ensemble des pays émergents s’en trouvent très ralenties.

Ces tendances pondèrent l’enthousiasme suscité par les signaux encourageants en provenance du monde développé.

L’Humeur du Vendredi 20 décembre : Le rétablissement de la courbe de Phillips, explique-t-il la décision de la Fed ?

Télécharger l’hebdo

S’il est un point qui nous a surpris lors de la conférence de presse de Ben Bernanke, c’est son relatif confort à l’égard de la situation inflationniste de l’économie américaine. Au cours des deux derniers mois, l’inflation américaine a oscillé entre à 0,9 % et 1,2 %, il s’agit assurément d’un très faible taux, le plus bas depuis trois ans, qui plus est, très inférieur à l’objectif que s’est fixé la Fed. Celui-ci s’explique en particulier par l’évolution négative des prix des biens durables, un taux d’inflation hors énergie et logement proche de zéro et, plus généralement, une baisse du taux d’inflation dans les services depuis la crise de 2008.

Alors que la faiblesse de l’inflation a souvent été mise en avant pour justifier l’inconfort de la Fed l’égard de la situation économique américaine ces deux dernières années, en quoi la situation présente a-t-elle pu motiver ce changement de perception ? C’est peut-être sur le front du marché de l’emploi que se trouve la réponse, en particulier dans ce qui semble prendre la forme d’un rétablissement de la courbe de Phillips ces derniers temps.

L’Humeur du Vendredi 29 novembre

Télécharger l’hebdo

Prix des matières premières, ce qu’on aimerait y voir, ce qu’ils nous susurrent

Nous étions parti d’un bon pied cette semaine, avec, une fois n’est pas coutume, un sujet réconfortant à traiter, celui de la baisse envisageable des cours du pétrole dans la foulée de l’avancée des négociations sur l’arrêt du développement de l’arme nucléaire en Iran. Assez convaincus que l’accord de cette semaine pouvait avoir une valeur de 10 dollars par baril, au minimum, nous avions envisagé de faire le point sur ce qui, de prime abord, est cette bonne nouvelle pour l’économie mondiale.

Pourquoi donc ne pas nous contenter de ces évidences ?

La France va-t-elle aussi mal qu’on le dit ? 

Après la douche froide des PMI de la semaine dernière, les résultats de l’enquête INSEE rassurent. Non seulement, rien ne valide dans cette dernière le scénario d’un retour en récession que certains se sont précipités de brandir après la publication des PMI, mais l’analyse détaillée offre même certains points de réconfort.

 

Menue-monnaie, stigmates de l’inflation passée et… de celle à venir.

Télécharger l’article

Les voyages à l’étranger laissent toujours s’entasser au fond des porte-monnaie une certaine quantité de menue monnaie dont l’un des premiers gestes consiste à se débarrasser dès la fin des vacances. Ainsi en était-il à mon retour des Etats-Unis, quand, par hasard, mon regard s’est porté sur un cent frappé de 1964. J’ai alors observé plus attentivement le contenu de ce tas de cents, dimes et autres quarters drainés durant mon voyage, augmenté de celui d’une de mes filles que la démarche commençait à intriguer. Prises à ce jeu de remonter l’histoire et stimulées par de nouvelles trouvailles, nous en sommes arrivées à trier ces pièces par décennie pour aboutir à ce résultat inattendu : sur une quantité de 107 pièces de un cent recueillies dans le courant de l’été 2013, trois dataient des années soixante, douze des années soixante-dix et onze des années quatre-vingts. Autrement dit, 24 % de nos fonds de poches provenaient encore des années d’une inflation à deux chiffres durant lesquelles la machine à frapper ne s’était, à l’évidence, guère relâchée.

Mais qu’en était-il de la suite ? Pourrions-nous observer les effets de la désinflation alors que notre échantillon était forcément biaisé par la moindre érosion d’un stock de monnaie plus récent ? Nous avions respectivement 13 et 18 pièces marquées des années 1990 et 2000. Difficile de convaincre que ces quantités, une fois pris en compte le facteur temps, correspondaient selon toute vraisemblance, à une proportion bien plus faible que celle des deux décennies antérieures. La démonstration paraîtrait, à coup sûr, tirée par les cheveux. Sur le point d’abandonner, réapparut un tas de pièces laissées de côté, celui de la période la plus récente, allant de 2010 à 2013. Celles-là étaient naturellement beaucoup plus nombreuses, 50 pièces au total, pour une période de trois ans et demi seulement, soit, en équivalent décennal, 142 pièces !

Les décomptes précédents apparurent dès lors sous un jour nouveau. Le taux d’érosion du stock de monnaie n’ayant pas de raison de fluctuer sauvagement d’une décennie à l’autre, nous pourrions avoir une idée de la taille actualisée de ces différents échantillons en les corrigeant d’un facteur d’érosion. Nous effectuons alors quelques calculs de coin de table. Un premier sur la base d’un taux annuel d’érosion de 5,5 %, correspondant à la croissance de l’agrégat M1 de la masse monétaire américaine au cours de la période, le second, de 6,7 %, correspondant à la croissance annuelle moyenne du PIB nominal des Etats-Unis, ce dernier étant plus proche de ce que suggérait notre propre échantillon. Nous obtenons ainsi, en théorie, des masses ajustées et donc comparables dans le temps qui, exprimées en base 100 en début de période, font ressortir les résultats suivants :

  • La quantité actualisée de notre échantillon enregistre un pic durant la décennie soixante-dix, avec un indice 234 pour un taux d’érosion de 5,5%, ou de 209 pour un taux d’érosion de 6,7%,
  • elle décline ensuite de manière constante, touchant un point bas dans les années deux mille, à respectivement 70 et 45,
  • elle s’inverse ensuite brutalement au cours de la dernière période correspondant aux millésimes 2010 à 2013 de nos piécettes, pour s’établir dans le premier cas à un niveau jamais égalé de 318 et, dans le second, à un niveau à peine inférieur à celui des années soixante-dix.

La tentation est bien évidemment très grande de comparer ces données avec celles de l’inflation des différentes périodes. La démonstration est, sans réelle surprise, plutôt convaincante.

Porte-monnaie

La suite ne surprendra guère : au rythme auquel évolue la quantité de monnaie en circulation depuis 2010, un aboutissement inflationniste de la crise reste de loin le plus vraisemblable. Que le processus prenne à l’évidence plus de temps qu’anticipé ne modifie pas cette conclusion,  que nous pouvons tous déjà palper dans nos fonds de poches. 

L’essentiel de la rentrée 2013

Télécharger le document

Après une période estivale globalement calme, la rentrée se présente sous un jour beaucoup plus instable pour les marchés financiers. Les incertitudes relatives à un changement possible de la politique de la Fed se sont intensifiées dans le sillage de statistiques américaines décevantes et de la crise des devises des pays émergents, quand s’ajoutent maintenant à la nervosité ambiante, les craintes d’une possible intervention armée en Syrie. Nous passons ici en revue les principaux sujets d’importance pour cette rentrée. 

  • Risque de frappes aériennes en Syrie. L’éventualité d’une intervention imminente a reculé durant le week-end avec la décision du Président Obama de porter le débat devant le Congrès américain, dont les travaux ne reprendront pas avant 9 septembre. Le sujet, vu son importance, ne quittera pas pour autant le devant de la scène internationale. Pétrole, croissance, devises, taux… Nous revenons sur les risques économiques et financiers associés, à ce stade, à une éventuelle intervention.
  • Pays émergents : situation de plus en plus critique. Les mesures d’urgence adoptées par les pays en crise peuvent calmer les tensions un temps. Elles ne constituent pas, néanmoins, des réponses durables aux problèmes rencontrés par les pays en déséquilibre. Le risque de change est particulièrement élevé au Brésil, où l’appréciation de 100 % du taux de change réel en 10 ans, est un handicap aujourd’hui insupportable. La Chine, protégée des turbulences actuelles, n’est pas à l’abri des conséquences défavorables, à terme, de cette crise sur ses exportations.
  • Etats-Unis : un ensemble bien fragile pour envisager un « exit ». Frilosité des consommateurs, retournement immobilier, manque de visibilité du côté des entreprises… L’ensemble semble bien fragile à la veille de nouvelles tractations budgétaires, de la mise en place de la réforme de la santé et d’une possible intervention en Syrie, pour ne pas influencer la décision de la Fed. Nous continuons à privilégier la voie de la temporisation lors du prochain FOMC des 17 et 18 septembre.
  • Zone euro : place aux bonnes nouvelles, pour un temps. L’amélioration de la situation conjoncturelle prend le pas sur les inquiétudes structurelles. Sous l’impulsion domestique, 2013 est bien partie pour donner des résultats meilleurs qu’attendu. L’absence de relais international pose cependant question. Sans reprise de la demande mondiale, la croissance de la zone euro s’essoufflera rapidement.

Moniteur de la croissance mondiale

Télécharger le moniteur

Chacun pour soi.

Les tendances de l’économie mondiale s’améliorent. Toutefois, contrairement aux autres phases de reprise, cette amélioration provient d’abord des consommateurs. Si le fait est remarquable en Europe, avec l’arrêt des politiques d’austérité, il l’est aussi aux Etats-Unis, une fois les effets du choc fiscal de début d’année dépassés, ainsi qu’au Japon où les premiers temps du gouvernement Abe redonnent un peu de baume au cœur des consommateurs locaux. La situation est assez comparable en Chine, où la résistance de la consommation permet de sauver le pays des effets  négatifs de la disparition du soutien à l’exportation. L’ensemble crée un environnement plus encourageant. Manque toutefois à ce tableau, ce qui depuis le milieu des années 90 a constitué l’un des principaux moteurs de la croissance mondiale, à savoir le commerce mondial. Il en résulte principalement deux conséquences :

  1. des perspectives de croissance durablement plus faibles que par le passé à l’échelle planétaire,
  2. une élévation du risque pour les pays encore trop largement dépendants de leurs exportations que sont les pays émergents dans leur globalité et, plus spécifiquement, les économies en situation de déséquilibres structurels : Brésil, Inde et Afrique du Sud pour lesquels le creusement des déficits extérieurs constitue une contrainte de plus en plus prégnante.