Après l’annonce de la Fed hier sur de probables nouvelles hausses de ses taux au deuxième semestre, Mme Lagarde a enfoncé le clou aujourd’hui. Non seulement, sans surprise, les taux directeurs de la BCE ont été relevés de 25 points de base, à 4 %, mais la présidente de la BCE a annoncé une nouvelle augmentation en juillet et écarté toute idée de pause. Manifestement, nous nous sommes trompés en envisageant qu’un discours plus « colombe » pourrait accompagner sa décision. A moins que tout ceci ne soit qu’un grand exercice de bluff, principalement destiné à ne surtout pas laisser penser que la BCE pourrait suivre la FED et à satisfaire, par là-même, les plus faucons du Conseil des gouverneurs. Avouons que les ajustements apportés aux perspectives macroéconomiques sont, un brin, risibles et que personne n’y voit autre chose qu’un exercice de communication subliminale. Or, ce nouveau scénario pose un certain nombre de questions.
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La FED marque une pause mais ne pivote pas… Le feuilleton continue
Au terme du FOMC, peu de choses que nous n’avons pas dites à trop de reprises ces derniers temps. La Fed confirme marquer une pause en maintenant inchangé le niveau des Fed Funds dans la fourchette de 5 %-5,25 % mais n’a pas les éléments nécessaires pour assurer que leur point haut soit atteint et, encore moins, qu’elle s’apprête à les rabaisser. Comme nous l’écrivions hier« elle en a déjà fait beaucoup et a suffisamment d’arguments pour marquer une pause, sans céder, pour autant, aux sirènes d’un assouplissement à venir. Elle devrait rester, a priori, très vigilante sur son action future, au risque d’apparaître plus « faucon » qu’attendu ». C’est ce qu’elle a fait en rehaussant ses perspectives de taux d’intérêt pour la fin de cette année par rapport à celles de mars, de 5,1 % à 5,6 %. Conséquence logique de la révision à la hausse de ses prévisions de croissance du PIB et d’inflation, contrainte par les résultats inattendus du premier trimestre, ce changement vise sans doute surtout à éviter que se reforment les anticipations, contrariantes, de baisses de ses taux.
La Fed envisage donc un demi-point de hausse supplémentaire de ses taux directeurs dans son scénario central d’ici décembre. Passera-t-elle à l’acte ? J. Powell est loin d’être catégorique sur ce point mais assure ses arrières ; de quoi entretenir l’incertitude encore un bon moment sur les marchés, au gré des résultats économiques des prochains mois.
Inflation américaine, voilà pourquoi la Fed restera vigilante
L’inflation a chuté de 4,9 % à 4 % entre avril et mai, très loin de son point haut de 9,1 % de juin 2022. Sur le CPI total, le travail est donc plus ou moins fait et la Fed peut se satisfaire du résultat. Tel est loin d’être le cas cependant pour les composantes sous-jacentes, dont les évolutions restent à l’évidence trop soutenues. Si, la plupart des modèles suggèrent que cette dernière devra, in fine, suivre le total, il reste à l’observer. Les chiffres de mai sont, à l’évidence, décevants sur ce point.
L’inflation sous-jacente ne s’est repliée que de 0,2 point, à 5,3 %. Ses évolutions mensuelles restent, par ailleurs, hors normes comparativement à l’historique. Les effets de base énergétiques, en voie d’être bientôt dépassés, l’inflation aura du mal à baisser davantage sans ralentissement plus marqué de ses autres composantes. La Fed n’en a donc pas fini avec le fine tuning de sa politique monétaire. J. Powell devrait le rappeler lors de sa conférence de mercredi.
Commandes allemandes… Encore raté !
Après leur chute, quasi-historique, de 10,7 % en mars, les commandes allemandes étaient particulièrement attendues, accompagnées de l’espoir d’un rebond, au moins technique, comme c’est le plus souvent le cas à la suite d’accrocs majeurs. C’est raté. En avril le volume des commandes adressées à l’industrie allemande s’est de nouveau replié, quoique marginalement, de 0,4 %. Si quelques secteurs se sont repris, véhicules à moteur, électronique et biens intermédiaires notamment, de nombreux autres ont poursuivi leur déclin, ce qui dresse un tableau toujours particulièrement morose de la situation. Au cours des douze derniers mois, la contraction des commandes est encore de 10 %, après 11,2 % en mars.
Les NFP laissent un certain degré de liberté à J. Powell pour un statu quo, s’il le souhaite
Le rapport sur l’emploi américain de cet après-midi était censé donner le ton sur la conduite à venir de la Fed. La conclusion est loin d’être claire. Si les créations d’emploi ont à nouveau accéléré en mai, à 339 K contre 294 K en avril et 217 K en mars, le taux de chômage, lui, est ressorti au plus haut depuis novembre dernier, à 3,7 %, au lieu de 3,4 % en avril et les hausses de salaires sont restées plutôt contenues.J.Powell pourrait donc être relativement satisfait : après tout son combat n’est pas contre l’emploi mais contre un taux de chômage trop bas, susceptible d’entretenir des tensions salariales. Dans cette version optimiste des choses, il aurait, à son actif, plusieurs éléments pour justifier de lever le pied : la FED en a déjà fait beaucoup, les tensions salariales semblent maîtrisées, comme déjà suggéré par la baisse du taux de démission du rapport Jolts d’hier, et, en dépit des bonnes surprises du mois d’avril, nombre d’indicateurs suggèrent un tassement de la demande. La chute du nombre d’heures travaillées est, à ce titre, un signal important, tout comme le reflux des ventes automobiles en mai tout juste publié, qui corrobore, notamment, celui de l’ISM manufacturier. J. Powell pourrait donc se satisfaire de ce rapport et assumer un « stand-by » dès lors que, par ailleurs, les anticipations de baisse de ses taux directeurs au second semestre ont disparu. A l’inverse, aucune donnée conjoncturelle n’est suffisamment mauvaise, notamment du côté des créations d’emploi, pour le retenir de procéder à une nouvelle hausse des Fed Funds. Le suspense est donc entier et le restera vraisemblablement d’ici au 14 juin, date du prochain FOMC. A ce titre, l’envolée des taux futurs semble plus épidermique qu’autre chose.
Dans le marc de café de la conjoncture américaine
Dans la foulée des PMI S&P, en baisse de 50,2 à 48,4, et de l’indicateur de la Fed de Chicago publié hier, l’ISM manufacturier américain s’est légèrement replié, de 47,1 le mois dernier à 46,9. La note accompagnant la publication précise qu’un tel niveau « correspond à une contraction de 0,6 % du PIB réel sur en base annualisée ». Néanmoins les ISM manufacturiers sont sous le seuil des 50 points depuis la fin d’année dernière, sans conséquence visible sur la croissance et le risque de contraction du PIB reste assez minime tant que les services tiennent, comme le suggèrent les PMI de S&P.
En l’occurrence, qu’il s’agisse de l’ISM manufacturier, comme du rapport de l’ADP, l’emploi semble résister. Sauf l’effondrement des commandes, retombées à leur niveau de janvier de 42,6, les signes d’inquiétude sont donc encore ténus. Pour autant, l’opacité de la situation conjoncturelle est presque de jour en jour plus importante ce qui n’est pas le meilleur pour prendre des décisions de politique monétaire.
L’inflation confirmée à la baisse en UEM, toujours insuffisant pour Mme Lagarde…
En mai, l’inflation en zone euro est passée de 7 % à 6,1 %, conformément aux statistiques publiées ces deux derniers jours dans un certain nombre de pays européens. Au-delà d’effets de base énergétiques particulièrement favorables, quand bien même différents selon les cas, les autres composantes ont, également, décéléré. L’inflation sous-jacente a ainsi reflué à 5,3 %, après 5,6 %, son plus bas niveau depuis janvier.
Plus susceptible de faire bouger les lignes de la politique monétaire, ces résultats suffiront-ils à garantir une pause de la BCE ? Un tel changement de cap serait incontestablement bienvenu au vu de la détérioration rapide de la conjoncture en zone euro. Mme Lagarde se garde, néanmoins, d’aller dans ce sens et confirme ce matin à Hanovre que la BCE ne lâchera pas de lest pour l’instant. Faudra-t-il attendre juillet ?
L’inflation s’affaisse en zone euro… Il en faudra plus pour les ménages mais la BCE pourrait y trouver son compte
A la veille de la publication de l’inflation de mai pour la zone euro, les premières données nationales dessinent une tendance claire : les prix à la consommation ont nettement décéléré en France, en Espagne ou dans les Landers allemands, y compris, la plupart du temps, leur composante sous-jacente. Ce résultat, s’il s’explique en partie par des effets de base d’une année sur l’autre est renforcé par le constat d’une certaine normalisation des évolutions mensuelles des indices de prix.
Ces résultats encourageants n’effacent pas, pour autant, plus d’un an d’une inflation inédite. Les ménages ont été très durement touchés par la flambée des prix et, malgré un léger mieux ces derniers mois, les contraintes de pouvoir d’achat restent entières, comme en témoignent les données françaises de ce matin avec une nouvelle baisse de 1 % des achats réels de biens en avril. L’ensemble devrait finir par convaincre la BCE qu’elle peut lever le pied.