Moniteur de l’investissement mondial : toujours décevant

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L’amélioration du climat économique mondial depuis la fin de l’année dernière n’offre pas les résultats escomptés sur le font de l’investissement. Si la reprise européenne redonne quelques signes d’espoir, la lecture transversale des tendances de l’investissement mondial reste décevante :

  • Aux États-Unis, où ni les résultats récents ni les indicateurs avancés ne sont à la hauteur des attentes,
  • Au Japon, où le regain de 2013 est très largement conditionné par la performance à l’exportation des entreprises, aujourd’hui plus aléatoire,
  • Dans le monde émergent, où de nombreux pays d’Asie sont confrontés à des excès de capacités, quand la plupart des autres grandes nations sont rattrapées par leurs défaillances structurelles,
  • L’Europe, seule région au monde où les indicateurs avancés sont véritablement encourageants, pourrait-t-elle relever ce défi ? Un tel scénario est bien évidemment illusoire.

L’absence prolongée d’amélioration des perspectives d’investissement constitue la contrainte la plus préoccupante des développements économiques à venir. Nous abordons ce sujet plus en détail dans « Inertie de l’investissement : les enjeux ».

Inflation mondiale – la désinflation gagne du terrain

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La désinflation gagne du terrain à l’échelle planétaire. Après un rebond temporaire au printemps, l’inflation mondiale a retrouvé une tendance baissière au second semestre 2013 et terminé l’année dernière à 3,2 %. Toujours très faible dans le monde développé, à 1,3 % en décembre, l’inflation a également reflué dans bon nombre de pays émergents ces derniers mois, pour ressortir en moyenne à 6,1 % à la fin de l’année dernière.

Ainsi, en décembre 2013 le nombre de pays de notre échantillon de (80) affichant un taux d’inflation inférieur à 2 % est quasiment de moitié (39), soit une proportion nettement plus élevée qu’un an auparavant (24). Gonflée par les chacun des 27 pays de l’UE sans exception, cette catégorie est également alimentée par un  nombre croissant d’économies asiatiques (6), les États-Unis et le Canada. Ce mouvement se solde par une baisse importante du nombre de pays à inflation modérée (3 % à 4 %) tandis que la proportion d’économies à inflation élevée (6 % et +) varie peu, regroupant pour la plupart des pays d’Afrique ou des victimes de conflits.

  • La désinflation gagne du terrain à l’échelle mondiale
  • Les prix des matières premières se détendent
  • Des contrastes toujours marqués dans les pays émergents
  • Le risque de déflation reste élevé en occident 
  • Les États-Unis, pas tout à fait sortis de l’ornière
  • Zone euro, le risque de déflation se propage au noyau dur
  • Les importations, source additionnelle de désinflation 
  • Remontée des taux réels, la plus grande menace

Scénario 2014-2015 : Montagnes russes…

L’année 2014 commence sur une note positive : la croissance américaine se raffermit, la zone euro en termine avec la récession, le Japon engrange les fruits de sa stratégie compétitive et le commerce mondial se ressaisit. L’ensemble devrait être suffisant pour mettre un coup d’arrêt à deux ans de décélération de l’activité mondiale et assurer le retour d’une croissance nettement supérieure à 3 % cette année. Bonne nouvelle s’il en est, ce n’est toutefois pas sur cette conclusion que reposent les enjeux présents mais sur la réponse beaucoup plus complexe à la question de savoir si 2014 amorcera une deuxième jambe du cycle de reprise mondiale susceptible d’autoriser une embellie durable des conditions économiques et de permettre de tourner la page de cinq années de convalescence. Or, à cette question nous sommes toujours tentés de répondre par la négative, ceci pour deux raisons essentielles :

  1. Les effets du deleveraging continuent à exercer d’importants dysfonctionnements sur les rouages économiques internationaux,
  2.  Cinq années de crise ont considérablement érodé le potentiel de croissance de l’économie mondiale et sa capacité à faire face à la remontée des taux d’intérêt que l’accélération en cours entraînera forcément.

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2014 : nouveau round d’interventions des banques centrales

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Si comme nous le pensons, la Fed n’est pas sur le point de pouvoir initier une réduction de ses achats d’actifs, l’année prochaine devrait marquer un nouveau record d’injections de liquidités à l’échelle mondiale. Au contraire du premier semestre 2013 au cours duquel le bilan agrégé des quatre principales BC -la FED, la BoE, la BoJ et la BCE- a globalement stagné, les trimestres à venir cumuleraient en effet :

  • les 85 mds de dollars mensuels d’achats d’actifs de la Fed, soit 1020 mds par an,
  • les 600 à 718 milliards de dollars de la BoJ, conformes à son objectif d’élever la base monétaire japonaise de 60 000 à 70 000 milliards de yens par an (un gonflement de l’ordre de 40 % par rapport au début 2013),
  • l’achat pour 610 milliards de dollars de Gilts de la Banque d’Angleterre, associé au renouvellement de son stock d’actifs de 375 milliards de livres au fur et à mesure de l’arrivée à maturité des titres détenus dans le cadre de son programme de facilités d’achats (Asset Purchase Facility),
  • et, vraisemblablement, les effets d’une probable LTRO de la BCE, susceptible, selon nos hypothèses, de drainer de 250 mds à 500 mds d’euros, soit encore 350 à 750 mds de dollars.

Les « quatre » injecteraient ainsi la bagatelle de 1600 à 2500 milliards de dollars annuels (135 à 208 milliards mensuels), si ce n’est sur l’ensemble de l’année 2014, du moins à ses débuts, soit, dans l’hypothèse basse, l’équivalent de 10 % du PIB américain ou, dans l’hypothèse haute, quasiment l’équivalent du PIB français de 2012 ! Avec ou sans passage à l’acte de la BCE, le flux annuel de ces injections retrouvera donc en tout état de cause les hauts niveaux connus en 2011-2012 et pourrait franchir des records jamais égalés depuis la crise de 2008 en cas de LTRO de la BCE.

Que penser de telles perspectives ?

Les artifices peu convaincants des «Abenomics»

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Aussi impressionnants soient-ils, les efforts de reflation du Japon ont peu de chances de porter leurs fruits.

La stratégie d’injections massives de liquidités par la BoJ a, certes, occasionné une dépréciation exceptionnelle du yen dont les conséquences sur les marges des entreprises sont, à certains égards, spectaculaires depuis le début de l’année. Mais les effets dépressifs de ce choc compétitif sur les autres pays de la région sont tels qu’ils ternissent, en retour, les perspectives à l’exportation du Japon. Le risque que le Japon exporte sa propre déflation en dehors de ses frontières est, ainsi, au moins aussi élevé que l’objectif d’inflation recherché par les autorités.

Or, sans la capacité d’impulser un renouveau à l’exportation, que peut-on espérer de la stratégie du gouvernement Abe ? L’inflation ne viendra assurément pas de l’intérieur du pays tant le potentiel de croissance est endommagé par les effets du vieillissement de la population quand, le seul changement à même de contrer ces effets démographiques, à savoir l’ouverture du Japon à une immigration massive, ne figure pas au programme du gouvernement.

Les autres mesures promises pour restaurer la croissance potentielle du pays s’apparentent dès lors à un cataplasme sur une jambe de bois. Assise sur le développement de l’offre, la stratégie mise en place par la nouvelle équipe au pouvoir ne pourra avoir aucun effet durable sur la croissance si elle échoue à restaurer la demande.

Difficile dès lors d’acheter l’enthousiasme des marchés financiers. L’envolée du Nikkei depuis le mois de décembre n’est guère compatible avec les perspectives toujours très détériorées de l’économie japonaise. Nous publions aujourd’hui une nouvelle analyse de Frank Benzimra sur ce sujet dont la conclusion sans appel est de vendre le marché japonais.

Tenkan !

« Tenkan : terme utilisé dans plusieurs arts martiaux pour désigner un mouvement rapide de pivotement du corps à 180 degrés et repris, par analogie, par Jacques Gravereau, économiste et spécialiste de l’Asie, pour illustrer la capacité de la population japonaise à effectuer des volte-face collectifs de manière flexible et vigoureuse ».

L’histoire dira si le changement de cap effectué par les autorités japonaises ces derniers mois est à ranger du côté de ces exploits ou non. Mais l’épisode japonais constitue déjà un fait marquant de la crise que traverse le monde développé.

Nous publions à titre exceptionnel deux papiers sur le sujet. Le premier est une courte mise en perspective de l’épisode de déflation de l’économie japonaise destinée à mieux comprendre les raisons à l’origine de la complaisance nippone à l’égard de ce fléau et celles imposant aujourd’hui l’adoption d’une nouvelle voie. Télécharger le 1er article

Le second est une contribution de Frank Benzimra, spécialiste de l’économie japonaise et des marchés financiers basé en Asie depuis une dizaine d’année, qui nous fait l’honneur de partager ses réflexions sur le sujet. Dans ce texte, l’auteur revient dans un premier temps sur les raisons qui ont permis au Japon de traverser sans chaos quinze années d’une situation extrême en matière d’endettement public. En deuxième partie, il traite du caractère innovant de la nouvelle politique de M. Abe. Enfin, Frank Benzimra nous propose trois scénarios possibles sur l’issue de ce changement radical de gestion de la politique économique et trois stratégies d’investissement associées. Nous publions à titre exceptionnel cette contribution en anglais. Télécharger l’article de Frank Benzimra.