Rares sont les étés aussi chargés que celui que nous traversons, au cours duquel se déchaînent, tout à la fois, les éléments politiques, géopolitiques, économiques et financiers. Les données sur l’emploi américain ont bouclé une folle semaine, faite :
– d’un deuxième relèvement des taux directeurs japonais ; d’un FOMC au cours duquel le président de la Fed a, sans sourciller, pris les devants d’une première baisse des Fed Funds en septembre ; d’une baisse, avant l’heure, des taux directeurs de la Banque d’Angleterre.
– L’ensemble sur fond de menaces grandissante de récession et de correction d’ampleur des bourses malgré l’effondrement des taux d’intérêt : le rendement des 10 ans américains à 3,80 %, plus de 50 pb inférieurs à leur niveau d’il y a un mois et des rendements de l’OAT de même échéance à 2,96 %, contre 3,32 % au lendemain du second tour des législatives.
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Analyse de la conjoncture internationale au fil de l’eau.
Marchés sous tensions en ce premier jour de FOMC mais les taux refluent toujours
L’environnement de marché reste très instable, toujours très impacté par les déceptions sur les résultats des sociétés américaines, technologie en tête, et les corrections qui s’ensuivent. Dans un tel contexte, les données économiques passent au second plan. Ni la croissance américaine, plus forte que prévu au deuxième trimestre, ni l’inflation allemande, dont les progrès ne sautent pas aux yeux, n’ont entamé les anticipations de baisse des taux de la Fed ou de la BCE à partir du mois de septembre. Tant mieux, aurions nous envie de dire, notamment après la lecture des données des PIB européens tout juste publiés. Car si la croissance de 0,3 % du deuxième pour la zone euro est ressortie meilleure qu’attendu, elle cache une évolution de seulement 0,6 % au cours des quatre derniers trimestres et une économie allemande de nouveau en contraction, de 0,1 % d’un trimestre sur l’autre comme sur l’ensemble de l’année écoulée…
Fortes turbulences
Nous l’avions pressenti vendredi dernier, les développements de cette semaine le confirment : l’été ne sera pas de tout repos, que ce soit sur le plan politique, économique ou financier. Difficile de faire l’impasse tant la tournure de ces derniers jours pourrait engager celle de la rentrée économique et financière.
En France comme en Allemagne, le décrochage des indicateurs de climat des affaires a été violent ce mois-ci, au point de faire ressurgir l’hypothèse d’une récession. Une douche froide pour l’Allemagne, après des PMI révélateurs de fragilités beaucoup plus profondes que ne l’avaient envisagé le consensus et les responsables de politique économique. En France, les résultats de l’enquête INSEE font froid dans le dos. Après des PMI plutôt conformes à l’idée d’un soutien, même modeste, des JO, ils évoquent la possibilité d’un grand « pschitt » et d’une calamitée de plus pour l’Hexagone. L’espoir, contenu, d’un ressaisissement immobilier finit par sérieusement en pâtir.
Aux Etats-Unis, la croissance du PIB du 2ème trimestre a une nouvelle fois défié les pronostics. Si l’immobilier lâche, les dépenses des ménages restent au RDV et celles d’investissement des entreprises tirent leur épingle du jeu, grâce à l’essor des nouvelles technologies et autres impulsions ponctuelles dans les transports. Pas de quoi inquiéter la Fed à première vue, qui n’a pas lieu de délivrer un message particulièrement « dovish » la semaine prochaine, sauf si la situation de stress sur les marchés l’y pousse.
C’est bien de ce côté-ci, en effet, que les risques se multiplient et qu’il devient de plus en plus difficile d’envisager que la correction en place puisse être enrayée sans l’espoir d’un soutien monétaire imminent. Que ce soit par ce que nous renvoie la conjoncture en zone euro ou les développements financiers en cours, le statu quo monétaire semble avoir trop duré. Il faudra bien que J. Powell et C. Lagarde se rendent à l’évidence.
Lagarde : si l’inflation baisse nous serons rassurés…
… Mais encore ? Pas grand-chose à retirer de la conférence de presse de la présidente de la BCE ni du communiqué officiel. Tous les sujets, ou à peu près, ont été évoqués, sans offrir néanmoins de guide sur ce qu’a en tête l’Institution, dont on retiendra les principaux points suivants :
– La BCE n’a pas encore les garanties suffisantes de parvenir à son objectif d’inflation pour envisager de réduire le degré de contrainte monétaire. Ce dernier, rappelons-le, ne dépend pas uniquement de ses taux d’intérêt mais de leur écart à l’inflation, autrement dit, des taux d’intérêt réels, ce qui explique qu’elle ait pu baiser d’un quart de point le taux repo en juin tout en maintenant le même degré de restriction. Vu sous cet angle, il faudrait au moins une baisse du taux d’inflation d’un quart de point pour que la BCE procède à un ajustement équivalent de son taux directeur en conservant le même degré de contrainte monétaire.
Inflation à 2 % mais pas de place pour des baisses de taux au Royaume-Uni
Pour le deuxième mois consécutif, l’inflation britannique s’est établie à 2 % en juin, une exception parmi les pays occidentaux, qui devrait être couronnée d’un certain satisfécit de la part de la Banque d’Angleterre. L’histoire se révèle néanmoins plus compliquée. En premier lieu parce que l’inflation sous-jacente s’est également maintenue mais à 3,5 %, loin de l’objectif de la BoE, et reste entretenue par évolutions de prix très soutenues dans bon nombre de secteurs-clés de la vie économique. Par ailleurs, la croissance se reprend et le programme du nouveau gouvernement, sans être révolutionnaire, va plutôt dans le sens d’un soutien au pouvoir d’achat et de hausses des minimas salariaux qui interrogent sur les tendances à venir d’une inflation salariale toujours élevée que les pertes de productivité ne permettent assurément pas d’absorber. Malgré la hausse persistante du taux de chômage et une inflation à 2 %, le temps n’est, a priori, pas encore celui des baisses de taux.
La BCE contrainte de lever le pied face aux disparités intra-UEM #uem #bce #inflation #taux #lagarde #conjoncture #uem20
C. Lagarde l’avait déjà sous-entendu et l’a confirmé à Sintra, la BCE n’a pas l’intention de baisser ses taux directeurs une deuxième fois d’affilée, après son premier mouvement début juin. Cela n’empêche pas la plupart des économistes d’anticiper un nouveau pas en septembre, comme pour la Fed. Pas sûr que Mme Lagarde ait l’intention de conforter ces anticipations, au vu de l’insuffisance des résultats récents en matière de désinflation, lesquels souffrent d’importantes disparités intra-régionales. Sa communication pourrait dès lors décevoir, au grand dam des pays où l’inflation s’est normalisée, qui auraient souvent le plus besoin d’un ajustement monétaire.
Aux Etats-Unis, la consommation tient, l’auto et l’immobilier, beaucoup moins
En juin, les ventes de détail américaines sont ressorties stables, à prix courants, après une hausse de 0,3 % en mai. En soi, cette stagnation n’est pas fondamentalement une mauvaise nouvelle. Ces données sont supérieures au consensus et n’empêchent pas une hausse trimestrielle de 0,6 %, après un repli de 0,2 % au premier trimestre. Déflatées du prix des biens, pour approcher la consommation en termes réels, elles ont augmenté de 0,3 % sur un mois et de 0,5 % sur l’ensemble du trimestre. La plupart des secteurs ont, d’ailleurs, affiché une évolution positive, voire très positive pour le commerce à distance (+1,9 % à prix courants) ou le matériel de construction (+1,4 %).
Désinflation américaine, ça va vite M. Powell…
Devant le Sénat il y a deux jours J. Powell a déçu des marchés trop impatients d’obtenir un signe de détente. Reconnaissons qu’il était difficile au Président de la Fed de se défausser après sa pirouette de début juin et de mettre, par là-même, l’ensemble du FOMC en porte-à-faux. Manifestement, les données d’inflation du mois de juin devraient lui donner plus d’aisance. Comme celles du mois dernier, ces dernières sont indiscutablement d’un bon cru, voire peut-être d’un trop bon cru au regard de ce qu’elles pourraient nous dire de l’évolution de la demande dont les signes de tassement se sont largement multipliés ces dernières semaines.
Non seulement l’inflation des prix à la consommation est passée de 3,3 % à 3,0 % et sa composante sous-jacente, de 3,4 % à 3,3 % mais, sauf les biens de loisirs, plus aucun des principaux postes de l’indice des prix, loyers compris, n’évolue à un rythme mensuel supérieur à celui requis pour revenir à 2 %, à savoir 0,17 %. La désinflation est donc indiscutable là et la Fed ne pourra dire le contraire, surtout dans un contexte conjoncturel de plus en plus fragilisé, pour ne pas dire menaçant pour ce qui est de sa composante immobilière. Reste maintenant à déterminer si elle se contentera d’un discours plus colombe le 31 juillet qui préparerait une action pour septembre ou si elle passera à l’acte. Les publications économiques et celles des résultats des entreprises des deux prochaines semaines seront sans doute déterminantes sur sa décision.