La Banque d’Angleterre a annoncé et initié ce jour un programme d’achat de 65 milliards de Gilts visant à stopper la chute historique des obligations de l’État britannique provoquée par les annonces du nouveau gouvernement de Liz Truss de vendredi dernier. Le programme, qui a débuté aujourd’hui dans un contexte de panique exceptionnelle, consiste en l’achat journalier de 5 milliards de livres de titres d’ici au 15 octobre. Ces interventions ont eu pour effet immédiat de faire chuter les taux à 2 et 10 ans de plus de 40 points de base et les échéances à 30 ans de plus de 100 pb, de 5,10 % ce matin à 3,96 % en milieu d’après-midi, soit peu ou prou le niveau qu’ils avaient avant les annonces de vendredi. Dans un premier temps, très négative sur la livre Sterling, l’initiative a finalement volé au secours de la devise, sur fond néanmoins de grande instabilité alimentée par la stupéfaction et d’intenses interrogations sur ce qui pourrait suivre. La Banque d’Angleterre a manifestement commis une erreur d’appréciation jeudi dernier à l’occasion de son Comité de politique monétaire et risque d’en payer de lourdes conséquences dans un contexte de marché d’une rare nervosité. Où en sommes-nous ?
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La grande cavalerie des banques centrales est lancée
Le relèvement de 100 points de base des taux directeurs de la Riksbank a résonné comme un coup de semonce ce matin, à la veille de l’annonce de la FED puis, jeudi, de celles de la Norges Bank, la BNS, de la Banque d’Angleterre, pour ne citer que les principales. En cause, l’inflation galopante qui semble prendre de court les autorités monétaires du pays, aggravée par l’envolée du dollar qui a récemment propulsé le taux de change de la couronne suédoise à deux doigts de ses plus bas de 2000. À 1,75 %, les taux suédois restent toutefois très faibles au vu d’une inflation de 9,8 % en août et l’on imagine mal que la banque centrale s’arrête en si bon chemin. On se préoccuperait peu de cette annonce si la Suède était isolée mais c’est, précisément, loin d’être le cas. L’indice des prix à la consommation suédois est équivalent à ceux de la plupart des grands pays industrialisés. Pourquoi, dès lors, les autres banques centrales agiraient-elles différemment ?
BoE, un tiens vaut mieux que deux tu l’auras
Publiée ce matin, l’inflation britannique atteint 9,4 % en juin, soit 0,3 point de plus qu’en mai. Cette accélération, un peu moins marquée qu’en zone euro et aux Etats-Unis, n’est pas une surprise au vu des prévisions de la BoE en mai : 9,1 % au deuxième trimestre, soit, effectivement, l’inflation constatée sur la moyenne des trois derniers mois. En l’état, les données de prix ne sont, en vérité, pas les plus convaincantes pour suggérer une accélération de la hausse des taux de la banque centrale britannique, qui semble, pourtant, bel et bien dans les cartons, comme l’a suggéré le gouverneur Bailey. C’est, potentiellement, ailleurs qu’il faut chercher ces justifications, c’est-à-dire du côté de la croissance et des salaires.
La BoE à pas de velours pour contrer une inflation prévue à 11%
Cinquième hausse d’un quart de point de ses taux directeurs, qui atteignent 1,25 % : la Banque d’Angleterre, risque conjoncturel oblige, joue la gradualité, au contraire de la Fed, et espère que la mauvaise conjoncture fera le reste pour contrer l’inflation. Le processus risque d’être long, selon ses propres projections. A brève échéance c’est en effet un taux d’inflation de 11% qu’elle promet. Pas de quoi lever le pied sous peu malgré la probable contraction du PIB au deuxième trimestre. La banque d’Angleterre, sans modifier son scénario précédent, prend acte de deux évolutions : 1)Les risques pour la croissance se sont rapprochés, de sorte que le scénario pour le PIB du deuxième trimestre est maintenant de -0,3 %, contre une relative stabilité envisagée le mois dernier. 2)Les pressions inflationnistes sont plus importantes, puisque la hausse annuelle des prix à la consommation pourrait maintenant atteindre 11 % en octobre, contre 10 % au dernier trimestre dans sa projection de mai. Dans le dilemme inflation/croissance, qui s’aggrave et auquel sont confrontées les banques centrales, c’est encore la lutte contre la première qui l’emporte puisque la BoE affirme « vouloir agir avec force » en cas de persistance inflationniste.
La BoE a-t-elle les moyens d’annoncer un ralentissement de ses hausses de taux ?
À vrai dire, la question pour cette semaine est plutôt l’inverse, à savoir l’éventualité d’une hausse d’un demi-point de son taux directeur au lieu des mouvements d’un quart de point jusqu’alors privilégiés. En cause, l’accélération du taux de croissance du salaire à 10 % l’an, bonus compris, en mars, avant même la revalorisation du salaire minimum intervenue le 1er avril, sur fond d’inflation toujours plus forte et de baisse du taux de change. Malgré tout, c’est aussi dans sa communication sur l’orientation à venir de sa politique que la Banque d’Angleterre est attendue, en particulier sur sa flexibilité à l’égard du risque de récession imminente que le nouveau recul du PIB en avril est venu confirmer ce matin. Sa posture sera d’autant plus suivie que la Banque d’Angleterre, plutôt plus perspicace que ses homologues depuis le début de l’hiver a incontestablement gagné en crédibilité et que la question du risque de récession dépasse aujourd’hui de loin le seul cas britannique. Une communication un tant soit peu moins agressive sur sa politique à venir pourrait dès lors avoir une certaine résonnance internationale, quand bien même son communiqué interviendra après celui de la FED mercredi soir…
Inflation britannique dopée par les prix administrés mais le « core » accélère aussi
Pas de véritable surprise pour ce qui est de l’inflation britannique, puisque celle-ci ressort à +9 % en avril contre 7 % en mars et est tout à fait conforme aux prévisions de la BoE pour le deuxième trimestre. En effet, la hausse de 54 % des prix administrés du gaz et de l’énergie a entrainé une progression sur 12 mois des prix des « utilities » de près de 70 %, contre 25 % en mars. La contribution de ce poste passe, donc, de 0,9 point à 2,5 point. Insuffisant, cependant, pour expliquer l’intégralité de l’inflation puisqu’à de rares exceptions près, tous les postes ont, en réalité, accéléré en ce quatrième mois de l’année.
Bonnes nouvelles économiques : regain de tensions sur les taux
Après avoir marqué une pause la semaine passée, les anticipations de hausses de taux repartent de plus belle dans la foulée des données successivement publiées au Royaume-Uni et aux Etats-Unis aujourd’hui. Ce matin, la nouvelle baisse du taux de chômage britannique et l’accélération des salaires ont déjà fait leur effet, quand bien même ces chiffres ne concernent que le mois de mars. Les taux à 2 ans du Gilt se sont envolés de plus de 18 points. Aux Etats-Unis les hausses de 0,9% des ventes de détail et celle de 1,1 % de la production industrielle sont venues en renfort. Les taux à 2 ans américains se reprennent de 10 points de base et ne sont plus qu’à une grosse dizaine de points de leur plus haut de début mai (2,80 %). En zone euro, les tendances suivent ; il est de plus en plus évident que la BCE ne pourra faire bande à part très longtemps si FED et BoE ne sont pas freinées dans leur élan… L’euro en profite pour regagner un peu de terrain. Si les points hauts récents sur les taux d’intérêt futurs ne sont pas encore dépassés, les chances de les revoir sont accrues.
La BoE déjà sur le grill après les publications du jour
Au premier trimestre, le PIB britannique a progressé de 0,8 % soit beaucoup plus que dans tous les autres grands pays industrialisés occidentaux, Canada excepté. Mais cette hausse est principalement le résultat d’une forte augmentation de la contribution des stocks et des investissements publics, partiellement compensée par un fort recul de celle des exportations nettes. Les autres postes évoluent peu quoi que l’investissement privé et la consommation progressent légèrement. La croissance du premier trimestre, attendue plutôt forte, ressort donc finalement inférieure aux anticipations de marchés (1 %) mais surtout à celles de la BoE (+0,9 %). De fait, le PIB s’est replié de 0,1 % en mars après une stagnation en février. L’acquis de croissance pour le deuxième trimestre est donc d’ores et déjà légèrement négatif. Alors que l’envolée des prix de l’énergie et le tarissement des effets positifs de la fin d’Omicron devraient avoir largement entamé la consommation du trimestre en cours, la probabilité d’un recul du PIB au deuxième trimestre est importante. La BoE qui prévoyait une récession seulement au quatrième trimestre, se trouve de fait dans une situation de plus en plus embarrassante; la livre marque le coup.