Les risques s’amoncellent dans l’union monétaire, cette fois-ci avec une nouvelle crise politique en Italie. Malgré la fragilité de la conjoncture, l’inflation à plus de 8 % en mai en zone euro a poussé la BCE à durcir le ton, annonçant une remontée d’un quart de point de ses taux directeurs dès juillet et une possible accélération du resserrement monétaire en septembre, fonction des perspectives d’inflation d’ici là. Moins d’une semaine après, les tensions sur les marchés souverains, italiens en tout premier lieu, l’ont forcée à convoquer une réunion d’urgence dont est sortie l’idée d’un instrument anti-fragmentation destiné à préserver des conditions de financements acceptables pour les pays les plus endettés dans un contexte de resserrement monétaire. C’est sur ce dispositif, des plus complexes à imaginer, que repose aujourd’hui l’essentiel des attentes relatives à la prochaine prestation de Mme Lagarde devant la presse, ce jeudi. Jusqu’ici, néanmoins, le contexte politique ne posait pas de problème, M. Draghi à la tête de l’Italie garantissait la stabilité de l’union politique et monétaire, au moins à court terme. Sa démission jeudi dernier, bien que refusée par le président de la République, S. Mattarella, change la donne.
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Le vent de panique sur la dette italienne est-il justifié ?
La menace d’un arrêt des achats d’actifs et de remontées des taux d’intérêt de la BCE est finalement passée à exécution cette semaine avec une communication de Mme Lagarde nettement plus agressive que jusqu’alors sur ses intentions en matière de lutte contre l’inflation. La hausse des taux ne s’arrêterait pas à zéro pourcent mais pourrait aller nettement plus haut et plus vite qu’anticipé, dès septembre si les perspectives d’inflation continuent à se détériorer, ce qui est à peu près certain d’ici là.
Au-delà de l’impact immédiat de ce changement de braquet sur les taux futurs allemands, c’est par le creusement des écarts de taux entre les pays dits « périphériques » et l’Allemagne que les marchés y ont répondu. La dette italienne en ligne de mire depuis plusieurs semaines déjà a, ainsi ,vu son rendement à 10 ans s’envoler jusqu’à 3,75 %, plus de 230 points de base au-dessus de celui du Bund de même échéance, à deux doigts de la région des 250 pb généralement considérés comme seuil de crise. Réminiscence d’un passé pas si lointain, le taux de change de l’euro s’est également effrité contrairement à ce qu’il aurait dû faire vu de la remontée des taux allemands.
Les marchés semblent donc bel et bien avoir commencé à se positionner dans la perspective d’une nouvelle crise qui aurait comme point de départ le caractère insoutenable de la remontée des taux pour les pays les plus endettés de la région. Il y a pourtant une différence de taille avec le passé qui tient, précisément, au retour de l’inflation…
M. Draghi face à l’exception italienne
La nomination de Mario Draghi à la tête de l’exécutif italien sera-t-elle à la hauteur des espoirs qu’instinctivement elle inspire? L’aura de l’ex-président de la BCE dans la communauté financière est considérable. Souvent considéré comme le sauveur de la zone euro, il est également perçu comme l’Italien de la situation. Celui qui connaît suffisamment bien les instances européennes pour en tirer le meilleur parti pour son pays et donner le maximum de levier aux dispositifs de relance adoptés ces derniers mois par la Commission européenne. La tâche n’en reste pas moins considérable, à bien des égards plus complexe que celle qu’il a menée à la tête de la Banque centrale, dès lors qu’il ne s’agit pas de convaincre de l’importance d’un bien commun, la monnaie unique, mais de reconstruire un pays ruiné.
Si la nomination de M. Draghi accroît à brève échéance les chances d’une résorption supplémentaire des écarts de taux de financement que la crise de 2008 a réouverts, elle pourrait, à terme et sous réserve de son maintien à ce poste, être celle de la renégociation d’un insoutenable fardeau que constitue la dette accumulée par le pays.
La BCE ne déclenche pas la guerre de tranchée contre la FED
Il y avait un risque évident à ce que la BCE dévoile toutes ses cartouches aujourd’hui : celui d’encourager les marchés à anticiper d’autant plus d’assouplissement de la FED à l’occasion de son prochain FOMC de la semaine prochaine. Il fait peu de doute qu’une posture plus immédiatement accommodante aurait poussé le cours de l’euro-dollar à la baisse et déclenché les foudres de D. Trump, tant à l’égard de la BCE que de J. Powell, augmentant les risques d’une spirale à la baisse des anticipations de taux d’intérêt. M. Draghi n’a pas donné cette occasion au président américain. En se contentant d’indiquer son intention d’actionner tous les moyens d’assouplissement à sa disposition sans préciser les contours, l’agenda ni l’ampleur de ce qu’elle envisageait, la BCE a rassuré tout en évitant de créer les conditions d’une surenchère de plus en plus embarrassante des anticipations. L’histoire ne dit pas si les dissensions internes sont à l’origine de cette posture mais dans un contexte de concurrence croissante entre banques centrales, cette attitude, choisie ou subie, est plutôt bienvenue.
L’hypocrisie à son comble à la veille des annonces de la BCE
Ce n’est pas faute de l’avoir dit ces dernières années : la BCE pourra faire tout ce qui est en son pouvoir, cela ne sera pas suffisant sans le relais des politiques économiques. Sept ans presque jour pour jour après le « Whatever it takes » de M. Draghi, le 26 juillet 2012, la BCE a usé de tous ses moyens pour éviter le chaos de l’union monétaire et, sans doute, son éclatement. Sur ce point, le succès est incontestable. Reste son mandat, celui de permettre un rétablissement des perspectives d’inflation vers la cible de 2 % ; sur ce dernier, l’échec est au contraire total. Personne n’oserait décemment en tenir la BCE pour responsable tant il est devenu évident que cette situation n’a pas grand-chose d’un phénomène monétaire. C’est pourtant bien de la BCE que sont hypocritement attendues les initiatives pour remédier à la menace que constitue ce risque de déflation chronique. Mario Draghi va donc faire semblant et tenter de convaincre de l’efficacité de son action immédiate ou à venir. Ironie de l’histoire, le PMI manufacturier de la zone euro est retombé à 46,4 points en juillet, deux doigts au-dessus de son niveau de juillet 2012 et un signal presque garanti d’intensification des pressions déflationnistes… M. Draghi saura-t-il trouver une nouvelle formule pour convaincre ? Paradoxalement, cela pourrait être plus difficile qu’en 2012, malgré la gravité de la crise d’alors.
Mario Draghi fait dans la langue de bois
Même si depuis juillet, la liste des risques sur la croissance s’est étoffée (protectionnisme, pays émergents, volatilité des marchés financiers), les chiffres d’activité sont ressortis en dessous des attentes et que les conditions financières se sont tendues, l’impact sur les prévisions macroéconomiques a été minime. La BCE veut continuer de croire que tout va bien et a donc laissé inchangé son calendrier sur la sortie de sa politique quantitative (fin d’année) et sur la gestion de ses taux intérêt (stables jusqu’à l’été 2019) quitte à se retrouver le dos au mur dans quelques mois. Lire la suite…
Peter Praet fait bouger les lignes au salon de actuaires : l’euro et les taux italiens répondent, les banques, non
Principal soutien au maintien d’une politique exceptionnellement accommodante de la BCE, l’économiste en chef, Peter Praet a joué un rôle déterminant dans la communication de la banque centrale européenne ces derniers mois, retenant les plus pressés de mettre un terme au programme de rachat d’actifs en prônant sans relâche la nécessité de maintenir les conditions en place pour consolider les chances de voir, à terme, l’inflation converger vers l’objectif officiel de 2 %. Son allocution de ce matin semble signaler un changement d’appréciation.
M. Draghi, La réponse qui dit tout… ou rien
La BCE juge les signes de ralentissement conjoncturel suffisamment sérieux pour ne pas avoir abordé la question de ce qui suivrait le mois de septembre…
Comme souvent, c’est des réponses de Mario Draghi aux questions des journalistes que proviennent les éléments de détails permettant de mieux appréhender le sens des échanges qui ont animé le conseil de politique monétaire. Une réponse plus que toute autre nous semble importante, à ce titre. Lire la suite…