Sans surprise, au vu des données de ces derniers jours, l’inflation a continué à gagner du terrain en zone euro pour ressortir à 8,1 % en mai, un nouveau record. La hausse des prix à la consommation s’est accélérée dans la totalité des pays de la région à l’unique exception des Pays-Bas. Les pays baltes, les plus exposés à la guerre russo-ukrainienne, sont aussi les plus touchés, puisque l’Estonie franchit la barre des 20 % et que la Lettonie enregistre la plus forte progression : +3,3 points, à 16,4 %.
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Après les premières données d’inflation de mai, la BCE risque-t-elle la crise de nerfs ?
Les premières données d’inflation en zone euro confirment les craintes de tensions persistantes, avec une accélération de la hausse annuelle des prix à la consommation de 0,4 point à 8,7 % en Espagne, de 0,7 point en Belgique, à 9 %, et d’un demi-point en Allemagne, à 7,9 %. Si la remontée des prix de l’énergie courant mai explique dans une grande partie ces résultats, les composantes sous-jacentes échappent de moins en moins à la diffusion des hausses de tarifs.
Dans un tel contexte, la relative bonne tenue des climats des affaires de la Commission devrait plutôt encourager la BCE à agir vite et, peut-être, fort… plus fort que généralement escompté ? La question se pose et a de quoi attiser les tensions sur les taux d’intérêt futurs, au contraire du mouvement de repli entamé ces dernières semaines aux Etats-Unis, ainsi que l’euro, déjà quasiment revenu à 1,08$.
Bonnes surprises en UEM vs déceptions anglo-saxonnes : l’euro s’envole
Après les bonnes nouvelles de ce matin en zone euro, lesquelles semblent en mesure de conforter la BCE dans sa stratégie de resserrement monétaire, les données britanniques et américaines, où les banques centrales ont plus d’avance sur le durcissement de leur politique, ne sont pas du même tonneau. Outre-Manche, le PMI a trébuché ce mois-ci et lâché plus de six points, à 51,8. Aux Etats-Unis, le même indice ressort en baisse de plus de 2 points, à 53,8, dont trois pour les seules activités de services.
Mais c’est d’ailleurs que nous viennent dans ce dernier cas, les plus mauvaises nouvelles, en l’occurrence du marché immobilier sur lequel les ventes de maisons neuves se sont écroulées de 16,6 % en avril après déjà 10,5 % en mars. Et c’est là que la stratégie monétaire est mise à l’épreuve.
Ni l’IFO, l’INSEE ou les PMI ne sont en mesure de gêner la BCE
Dans le contexte particulièrement instable en présence, les indicateurs avancés de ce mois-ci apportent quelques nouvelles réconfortantes sur la zone euro. L’activité résiste mieux que prévu à en juger par les retours des enquêtes mensuelles de l’INSEE, de l’IFO et, plus généralement, des PMI. Synthèse de ces bonnes nouvelles, les indicateurs de retournement ont quitté la zone de récession dans laquelle ils étaient tombés en mars pour s’établir en zone neutre. Malgré des doutes persistants sur l’avenir, les retours des chefs d’entreprises sur la situation courante ou l’activité récente, sont portés par un net rattrapage de l’activité dans les services.
Sans être totalement évacués, les risques de récession sont donc franchement tempérés ; un diagnostic particulièrement sensible alors même que la BCE s’apprête à concrétiser son changement de cap monétaire. La voie se dégage clairement pour les remontées de taux directeurs que Mme Lagarde nous annonce pour l’été.
L’inflation ne fait plus peur à la BCE ! Une nouvelle partition pour la zone euro
Nouvelle pirouette ! La communication de la BCE du 14 avril ressemble à celle que nous attendions le 10 mars, pas à celle à laquelle nous avait précisément préparé son virage restrictif du mois dernier… Si un rétropédalage était envisageable, il intervient beaucoup plus vite que prévu. On peut, certes, y voir une sage attitude dans un contexte éminemment incertain. Reste, qu’à force de souffler le froid et le chaud, la Banque centrale européenne n’aide pas à y voir plus clair. Les anticipations de hausse des taux directeurs qui s’étaient rapidement développées ces dernières semaines se retrouvent en porte-à-faux et, avec elles, le socle des perspectives de taux d’intérêt et de changes.
Ce retour en arrière s’explique-t-il uniquement par la dégradation des perspectives de croissance ou par la rapidité avec laquelle les taux futurs sont montés ? Sans doute un peu des deux. Toujours est-il que, malgré des risques identifiés à la hausse, l’inflation repasse bel et bien au second plan de la gestion monétaire immédiate en zone euro… Signe de la fragilité allemande mise à nue par la guerre en Ukraine ? Peut-être. Changement de régime, aux conséquences assez largement incertaines ? Certainement.
Passera, passera pas ? La hausse des taux d’intérêt en question
Le changement, exceptionnellement abrupt, de contexte des taux d’intérêt qui accompagne la perspective d’un durcissement généralisé des conditions monétaires est-il tenable ou prépare-t-il la prochaine crise économique et financière ? Le débat est loin d’être clos et sans doute faut-il se préparer à de nombreux rebondissements sur ce sujet. Il faut dire que la spéculation va bon train et que les communications de ces derniers temps sur, par exemple, ce que devrait faire la FED, ressemblent de plus en plus à un marché d’enchères : 300 points de base de plus d’ici la fin de l’année, nous dit le président de la Fed de St Louis, quand il fallait des tergiversations de plusieurs mois pour bouger l’objectif des Fed funds d’un quart de point il y a si peu… Si le retour d’une inflation plus élevée permet, en théorie, de supporter des taux d’intérêt nominaux proportionnellement plus hauts, dès lors que ceux-ci restent inférieurs au rythme de la hausse des prix -i.e. que les taux réels baissent – l’affaire est, on s’en doute, plus complexe, au point d’opposer bien des spécialistes. Comment débroussailler le sujet pour mieux en comprendre la complexité et les enjeux et tenter d’anticiper l’avenir ?
Les effets de la guerre ne se font pas attendre : l’inflation explose en zone euro
Les données des grands pays européens nous avaient déjà mis sur la voie : l’inflation en zone euro atteint 7,5 % en mars, contre 5,9 % en février. Sur un mois, les prix ont augmenté de 2,5 %, un record absolu, depuis les débuts de la série en 1980, du fait de la flambée des coûts énergétiques. La partie sous-jacente de l’indice hors alimentation et énergie n’augmente que de 1,2% sur le mois, une hausse conforme à ce qui est généralement observé en cette période de l’année et l’inflation sous-jacente ne dépasse pas 3 %. A l’exception de la Slovénie, tous les pays ont enregistré une inflation plus forte en mars qu’en février et sept d’entre eux rapportent aujourd’hui une inflation supérieure à 9 %. A contrario, seule Malte affiche une hausse annuelle des prix harmonisée inférieure à 5 % (la France affichant une inflation « INSEE » inférieure à l’inflation publiée par Eurostat).
Perspectives économiques : l’insoutenable biais de la BCE et les risques associés
Estimer l’impact d’un choc n’est jamais chose aisée et l’exercice est plus compliqué encore au beau milieu d’un conflit susceptible de connaître des développements radicaux d’un jour à l’autre, aux retentissements plus ou moins marqués sur les marchés, la politique ou la psychologie des populations. Bien que rarement confrontés à ce type de situation, les économistes sont, néanmoins, rodés à la gestion de l’incertain. S’ils n’ont pas les moyens d’estimer les différents aspects des impacts du conflit dans le détail, ils savent en hiérarchiser l’importance et centrer leurs estimations sur les éléments les plus influents. Face à l’incertitude des situations extrêmes, les uns et les autres privilégient le plus souvent des hypothèses médianes, lesquelles, construites à partir des mêmes informations, conduisent, assez spontanément, à une convergence de leurs estimations. Ainsi, l’OCDE, qui a publié ses premiers chiffrages de l’impact du conflit russo-ukrainien ce jeudi, estime à un 1,1 points la perte de croissance mondiale consécutive à la guerre ukrainienne en 2022, un résultat identique à notre propre estimation, arrondie à 1 point. Même constat s’agissant de notre scénario pour la zone euro, les Etats-Unis ou l’OCDE dans son ensemble, pour lesquels nos chiffrages ne s’écartent pas de plus de deux dixièmes de ceux de l’institution et dont on peut envisager qu’ils feront sous peu consensus, sous réserve de nouveaux développements sur le front ukrainien.
Comment se fait-il, dès lors, que les estimations de la BCE soient tellement éloignées des autres ? La Banque centrale estime à un demi-point seulement l’impact du conflit ukrainien sur la croissance de l’UEM de cette année et à, à peine, un dixième l’an prochain, un choc presque un tiers inférieur à ce qu’escompte l’OCDE. Quelle recette ou lacune pourraient bien cacher les modèles de la BCE pour justifier de tels écarts et quels types de risques cela suggère-t-il, en matière de politique monétaire notamment.