L’Argentine, de Charybde en Scylla

En pleine récession, avec une inflation proche de 150 % et des taux directeurs de 133 %, l’Argentine est allée aux urnes le 22 octobre et a placé en tête de l’élection présidentielle deux candidats, Sergio Massa et Javier Milei, qui s’affronteront ce dimanche 19 novembre pour le second tour. Le premier est le successeur et ministre de l’économie d’Alberto Fernandez, président sortant, qui n’a pas pu se présenter en raison de la situation économique désastreuse dans laquelle il laisse le pays. A l’opposé, J. Milei, libertarien, souhaite renverser la table : dollarisation et austérité déflationniste au programme, promettent un avenir improbable, après, déjà, l’échec retentissant du currency board des années quatre-vingt-dix. Ses chances de remporter l’élection semblaient s’être évanouies ces dernières semaines mais la probabilité d’une victoire a été regonflée par le soutien apporté par la candidate de centre droit Patricia Bullrich.
S’il suffisait de changer de référence monétaire pour régler ses problèmes, ça se saurait. Le cas argentin souffre manifestement d’autres maux, au premier rang desquels une corruption endémique et un sous-investissement chronique que l’issue malheureuse du currency board a notablement aggravé après, déjà, les années de plomb de la dictature. Pour autant, le projet est là et s’il venait à se concrétiser, l’Argentine pourrait être le premier pays depuis bien longtemps à rejoindre la zone dollar avec laquelle elle a si peu à voir qu’elle vient tout juste de se raccrocher au Club des BRICS élargi et, donc, à son programme de monnaie commune… Après des décennies de déclin et dix années au cours desquelles le PIB par habitant s’est rétréci de 8 %, le pays se cherche et a manifestement du mal à trouver sa voie. Trois ans après avoir renégocié sa dette l’Argentine pourrait être à la veille d’une nouvelle crise majeure en cas de victoire de J. Milei.

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La Fed, incomprise : de la bonne surprise à la mauvaise blague ?

Sans surprise, la magie de la volte-face de la FED de mercredi soir a opéré sur les marchés mondiaux. Les bourses ont salué comme il se doit la nouvelle dans la journée de jeudi, soutenues par l’ascension des indices obligataires, souverains et entreprises, l’ensemble devancé par des cours du pétrole revigorés. En parallèle, le repli du dollar joue comme une courroie de transmission de la politique de la FED et permet, à ce titre, d’atténuer la tension monétaire dans le reste du monde. S’il y a bien quelques perdants, ces derniers comptent assez peu. La bourse de Shanghai, qui s’est d’ailleurs reprise vendredi, devrait également finir par bénéficier d’un environnement conjoncturel plus porteur anticipé par les marchés depuis mercredi soir.

De fait, la logique en place soulève, jusque-là, assez peu de questions. Après un mois d’octobre particulièrement morose, les marchés détricotent presque point par point ce qui a caractérisé les dernières semaines, au prix notamment de rotations sectorielles de rare ampleur, qui témoignent des bouleversements sous-jacents provoqués par le changement, coup sur coup, de posture de la BCE et, plus encore, de la FED.

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Et si l’inflation était sur le point de changer de nature, que ferait la BCE ?

Les phénomènes inflationnistes sont complexes, rarement identiques d’un épisode à l’autre, évolutifs, et tout autant fonction de conditions structurelles, conjoncturelles et politiques que d’une quelconque loi économique systématique. Même les déséquilibres offre-demande, qui constituent la pierre angulaire de tout mécanisme non régulé de formation des prix, sont le plus souvent difficiles à évaluer au niveau macroéconomique et susceptibles d’avoir des conséquences imprévisibles dès lors qu’ils s’accompagnent de réponses des politiques économiques plus ou moins adaptées ou de ruptures de comportement des agents. Les exemples ne manquent pas ces dernières années où se sont empilés chocs d’offre, programmes de soutien à l’activité, boucliers énergétiques et pénuries de différentes natures, aux conséquences rarement évaluées à leur juste valeur.

De même, s’il est à peu près passé dans l’opinion – BCE excepté…- que les rouages économiques de demain seront plus inflationnistes que ceux d’hier, du fait notamment de la raréfaction des ressources primaires, de facto, synonyme d’un monde plus fragmenté, nul ne sait véritablement anticiper de quel type d’inflation il s’agira : chocs exogènes à répétition aux conséquences dépressives sur la demande et les prix d’un certain nombre de produits et services, ou phénomènes endogènes entretenus de hausses des prix et des salaires, potentiellement relayés par la raréfaction de la main d’œuvre ?…

Toujours est-il, qu’à brève échéance, les éléments du diagnostic commencent à évoluer, tout du moins en zone euro, et, contrairement à la situation qui prévalait ces trois dernières années, ceux-ci pourraient laisser de moins en moins de place à l’entretien d’une inflation endogène. La BCE devra en prendre acte et être en mesure de faire le distinguo entre mécanismes purement domestiques et chocs ou contextes externes. Cela nécessitera plus que le seul relevé du taux annuel d’inflation des prix à la consommation, au risque de conduire à des erreurs, potentiellement fatales, de politique monétaire. La mission est, toutefois, loin d’être aisée.

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Ce que font les guerres : remontée des taux nominaux, baisse des taux réels, hausse de l’or.

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, les taux d’intérêt à long terme se sont renchéris de 300 points de base en moyenne dans le monde développé, l’inflation s’est envolée de 10 % à la charnière des années 2022-23, avant de revenir entre 3 % et 5 %, et les taux d’intérêt réels ont fait le chemin opposé, s’effondrant à -4,5 % en moyenne depuis le début du conflit, malgré leur remontée tout au long de l’année 2023.
Si la responsabilité des ruptures d’approvisionnement en gaz et pétrole russes dans l’envolée de l’inflation est peu contestée, le lien entre hausse des coûts d’emprunt et situation de guerre a rarement été évoqué durant cette période. Il est vrai que plus de deux années d’épidémie de covid avaient déjà largement préparé le terrain à un possible retour de l’inflation. Par ailleurs, de l’avis du plus grand nombre, la guerre en Ukraine n’était pas censée durer et a rarement menacé d’embraser le reste du monde. La chute des taux d’intérêt réels a donc, majoritairement été considérée comme un effet mécanique de l’envolée des prix, amené à trouver son terme avec la normalisation progressive de l’inflation. C’est bien, d’ailleurs, la manière dont les choses se sont déroulées, que nous soulignions il tout juste trois semaines comme un changement de donne radical de l’environnement économique et financier (cf – La parenthèse de taux réels négatifs se referme à grande vitesse et ça change la donne). C’était néanmoins avant les attaques du Hamas sur Israël et ce qui s’en est suivi, à savoir une envolée du risque de conflit mondial, qui pourrait justifier à elle seule une vigoureuse remontée des tensions à la hausse des taux d’intérêt. Le risque géopolitique est-il en train de devenir une composante prédominante de l’évolution des taux d’intérêt, à même de prendre le pas sur la conjoncture ? La question se pose indiscutablement.

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Où en est l’économie française ?

On s’enorgueillit du succès d’une croissance française très supérieure au zéro pointé d’une Allemagne, en récession, pénalisée par l’importance d’une industrie que nous n’avons plus, et l’on savoure la réaction des Allemands, mêmes, qui disent s’intéresser à la réussite de la France après des années durant lesquelles ils ont flanqué l’économie hexagonale d’un bonnet d’âne. C’est de bonne guerre ! Espérons que les agences de notations Moody’s et Fitch, qui donneront respectivement leur verdict les 20 et 27 octobre sur la note de l’Etat français, auront la même lecture. Car les éléments d’inquiétude s’accumulent dangereusement sur le front de la conjoncture et les promesses d’avenir tardent, manifestement, à porter leurs fruits. Or, le coût budgétaire de ces dernières n’autorise guère l’absence de résultats et encore moins, l’éventualité d’une possible récession, que l’on présent, aujourd’hui, au coin de la rue.

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Plus d’emplois, moins de salaires : bull steepening ?…

Resserrement monétaire, inversion de la courbe des taux, crise immobilière… Les développements se sont succédés qui promettaient, tous, de faire vaciller l’économie américaine au cours de l’année écoulée. Il n’en est toujours rien. Au troisième trimestre, la croissance du PIB pourrait avoisiner les 5 % en rythme annualisé selon la FED d’Atlanta, une estimation des plus plausibles, avec un acquis de croissance de la consommation privée de 3,6 % r.a. à la fin août, et des créations d’emplois regonflées, de 336 K en septembre, deux fois plus qu’envisagé par le consensus, après 227 K le mois précédent, 40 K de plus qu’initialement publié.

De tels résultats auraient pu être le catalyseur d’un vent de panique sur les marchés. Il n’en a rien été. Au-delà de quelques minutes de stress, les marchés ont vu dans ce rapport de quoi se rassurer ! C’est des salaires qu’est venue la bonne nouvelle. Ces derniers ont continué à se détendre légèrement donnant plus de poids à la perspective optimiste d’une possible reprise de l’activité, simultanément à un reflux de l’inflation ; le scénario bull par excellence. Qu’en est-il ? Où sont les origines de cette bonne santé apparente de l’économie américaine et quelles peuvent être ses conséquences pour les marchés, impatients de voir dans les détails du rapport sur l’emploi le scénario idéal d’un bull steepening ?

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La parenthèse de taux réels négatifs se referme à grande vitesse et ça change la donne.

La flambée des taux d’intérêt amorcée cet été a pris plus d’envergure ces derniers jours et pourrait ne pas avoir dit son dernier mot à en juger par la configuration technique en place et malgré le repli de ces dernières heures. Il y a de fortes chances que les rendements des T-Notes à 10 ans franchissent la zone des 5 % avant de pouvoir trouver un peu de répit. Si tel est le cas, sans doute faut-il envisager que le renchérissement des taux européens ne s’arrête pas, non plus, en si bon chemin. Le rendement du Bund pourrait, de fait, aisément venir s’installer dans la région des 3 %-3,5 %, emportant, du même coup dans son sillage, l’ensemble des obligations de la zone euro ; les taux de l’OAT vers les 4 %, ceux du BTP italien, au-delà des 5 %, etc…

Si, après l’envolée de ces derniers trimestres, de telles évolutions peuvent sembler anodines, il n’en est rien. En premier lieu parce que la sensibilité à l’évolution des taux d’intérêt est tout sauf linéaire et que le passage de certains seuils peut déclencher des réactions autrement plus importantes dès lors qu’ils sont franchis. Or, ces derniers sont rarement prévisibles. En second lieu, parce que, couplée à une inflation en décélération, le mouvement s’accompagne d’une remontée d’autant plus rapide des taux réels, notamment en zone euro ce mois-ci. Après deux années de chute en territoire exceptionnellement négatif, le retour des taux réels autour de zéro, voire au-delà, constitue un changement radical d’environnement financier aux résonances multiples, que ce soit sur les finances publiques, l’immobilier ou l’investissement des entreprises. Le risque conjoncturel se trouve ainsi mécaniquement accru par rapport à la situation qui prévalait jusqu’alors. C’est bien la raison pour laquelle les banques centrales finiront par ajuster le tir de leur politique monétaire.

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Le Mexique, gagnant de la guerre commerciale américano-chinoise. A AMLO de faire le reste.

Le conflit stratégique qui oppose la Chine et les Etats-Unis depuis une demi-décennie imprime de plus en plus sa marque sur les flux et relations économiques internationaux. Jusqu’où iront ces changements et quelle forme prendront-ils au fil du temps est incertain et, sans doute, encore largement imprévisible. Dans ce tumulte émergent, néanmoins, d’ores et déjà, un certain nombre de perdants ou de gagnants potentiels. Parmi les premiers, sans conteste, l’Europe continentale, qui subit plutôt qu’elle ne choisit sa place dans ce combat des deux géants et peine à trouver la voie médiane qu’elle souhaiterait incarner. Parmi les seconds, des pays souvent passés à l’arrière-plan de la vie économique internationale, écrasés par le rouleau compresseur du grand bond en avant de la Chine qui a suivi son adhésion à l’OMC, il y a un peu plus de vingt ans. L’Inde, que les Américains envisagent comme le plus efficace contrepoids à l’influence grandissante de la Chine au-delà de ses frontières (voir à ce sujet « Le Bharat sur un plateau » du 8 septembre) mais, aussi, de manière plus discrète mais tout aussi révélatrice des mouvements qui agitent la tectonique géopolitique et économique mondiale, le Mexique.
Voisin immédiat des Etats-Unis, avec ses 130 millions d’habitants de moins de 30 ans d’âge médian, son positionnement lui confère un rôle d’arrière-garde économique essentiel à la stratégie de relocalisation industrielle américaine, en même temps que celui d’une possible tête de pont vers l’Amérique centrale et latine, de plus en plus convoitée par la Chine.
Le Mexique pourrait-il être le grand gagnant de l’I.R.A. de J. Biden ? Les retombées ne sont pas spectaculaires à ce stade mais prometteuses et les intérêts réciproques, parmi lesquels, côté mexicain, un moyen de lutter plus efficacement contre la gangrène de la corruption endémique de ces vingt dernières années.

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