Et si l’inflation était sur le point de changer de nature, que ferait la BCE ?

Les phénomènes inflationnistes sont complexes, rarement identiques d’un épisode à l’autre, évolutifs, et tout autant fonction de conditions structurelles, conjoncturelles et politiques que d’une quelconque loi économique systématique. Même les déséquilibres offre-demande, qui constituent la pierre angulaire de tout mécanisme non régulé de formation des prix, sont le plus souvent difficiles à évaluer au niveau macroéconomique et susceptibles d’avoir des conséquences imprévisibles dès lors qu’ils s’accompagnent de réponses des politiques économiques plus ou moins adaptées ou de ruptures de comportement des agents. Les exemples ne manquent pas ces dernières années où se sont empilés chocs d’offre, programmes de soutien à l’activité, boucliers énergétiques et pénuries de différentes natures, aux conséquences rarement évaluées à leur juste valeur.

De même, s’il est à peu près passé dans l’opinion – BCE excepté…- que les rouages économiques de demain seront plus inflationnistes que ceux d’hier, du fait notamment de la raréfaction des ressources primaires, de facto, synonyme d’un monde plus fragmenté, nul ne sait véritablement anticiper de quel type d’inflation il s’agira : chocs exogènes à répétition aux conséquences dépressives sur la demande et les prix d’un certain nombre de produits et services, ou phénomènes endogènes entretenus de hausses des prix et des salaires, potentiellement relayés par la raréfaction de la main d’œuvre ?…

Toujours est-il, qu’à brève échéance, les éléments du diagnostic commencent à évoluer, tout du moins en zone euro, et, contrairement à la situation qui prévalait ces trois dernières années, ceux-ci pourraient laisser de moins en moins de place à l’entretien d’une inflation endogène. La BCE devra en prendre acte et être en mesure de faire le distinguo entre mécanismes purement domestiques et chocs ou contextes externes. Cela nécessitera plus que le seul relevé du taux annuel d’inflation des prix à la consommation, au risque de conduire à des erreurs, potentiellement fatales, de politique monétaire. La mission est, toutefois, loin d’être aisée.

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Ce que font les guerres : remontée des taux nominaux, baisse des taux réels, hausse de l’or.

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, les taux d’intérêt à long terme se sont renchéris de 300 points de base en moyenne dans le monde développé, l’inflation s’est envolée de 10 % à la charnière des années 2022-23, avant de revenir entre 3 % et 5 %, et les taux d’intérêt réels ont fait le chemin opposé, s’effondrant à -4,5 % en moyenne depuis le début du conflit, malgré leur remontée tout au long de l’année 2023.
Si la responsabilité des ruptures d’approvisionnement en gaz et pétrole russes dans l’envolée de l’inflation est peu contestée, le lien entre hausse des coûts d’emprunt et situation de guerre a rarement été évoqué durant cette période. Il est vrai que plus de deux années d’épidémie de covid avaient déjà largement préparé le terrain à un possible retour de l’inflation. Par ailleurs, de l’avis du plus grand nombre, la guerre en Ukraine n’était pas censée durer et a rarement menacé d’embraser le reste du monde. La chute des taux d’intérêt réels a donc, majoritairement été considérée comme un effet mécanique de l’envolée des prix, amené à trouver son terme avec la normalisation progressive de l’inflation. C’est bien, d’ailleurs, la manière dont les choses se sont déroulées, que nous soulignions il tout juste trois semaines comme un changement de donne radical de l’environnement économique et financier (cf – La parenthèse de taux réels négatifs se referme à grande vitesse et ça change la donne). C’était néanmoins avant les attaques du Hamas sur Israël et ce qui s’en est suivi, à savoir une envolée du risque de conflit mondial, qui pourrait justifier à elle seule une vigoureuse remontée des tensions à la hausse des taux d’intérêt. Le risque géopolitique est-il en train de devenir une composante prédominante de l’évolution des taux d’intérêt, à même de prendre le pas sur la conjoncture ? La question se pose indiscutablement.

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Où en est l’économie française ?

On s’enorgueillit du succès d’une croissance française très supérieure au zéro pointé d’une Allemagne, en récession, pénalisée par l’importance d’une industrie que nous n’avons plus, et l’on savoure la réaction des Allemands, mêmes, qui disent s’intéresser à la réussite de la France après des années durant lesquelles ils ont flanqué l’économie hexagonale d’un bonnet d’âne. C’est de bonne guerre ! Espérons que les agences de notations Moody’s et Fitch, qui donneront respectivement leur verdict les 20 et 27 octobre sur la note de l’Etat français, auront la même lecture. Car les éléments d’inquiétude s’accumulent dangereusement sur le front de la conjoncture et les promesses d’avenir tardent, manifestement, à porter leurs fruits. Or, le coût budgétaire de ces dernières n’autorise guère l’absence de résultats et encore moins, l’éventualité d’une possible récession, que l’on présent, aujourd’hui, au coin de la rue.

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Plus d’emplois, moins de salaires : bull steepening ?…

Resserrement monétaire, inversion de la courbe des taux, crise immobilière… Les développements se sont succédés qui promettaient, tous, de faire vaciller l’économie américaine au cours de l’année écoulée. Il n’en est toujours rien. Au troisième trimestre, la croissance du PIB pourrait avoisiner les 5 % en rythme annualisé selon la FED d’Atlanta, une estimation des plus plausibles, avec un acquis de croissance de la consommation privée de 3,6 % r.a. à la fin août, et des créations d’emplois regonflées, de 336 K en septembre, deux fois plus qu’envisagé par le consensus, après 227 K le mois précédent, 40 K de plus qu’initialement publié.

De tels résultats auraient pu être le catalyseur d’un vent de panique sur les marchés. Il n’en a rien été. Au-delà de quelques minutes de stress, les marchés ont vu dans ce rapport de quoi se rassurer ! C’est des salaires qu’est venue la bonne nouvelle. Ces derniers ont continué à se détendre légèrement donnant plus de poids à la perspective optimiste d’une possible reprise de l’activité, simultanément à un reflux de l’inflation ; le scénario bull par excellence. Qu’en est-il ? Où sont les origines de cette bonne santé apparente de l’économie américaine et quelles peuvent être ses conséquences pour les marchés, impatients de voir dans les détails du rapport sur l’emploi le scénario idéal d’un bull steepening ?

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La parenthèse de taux réels négatifs se referme à grande vitesse et ça change la donne.

La flambée des taux d’intérêt amorcée cet été a pris plus d’envergure ces derniers jours et pourrait ne pas avoir dit son dernier mot à en juger par la configuration technique en place et malgré le repli de ces dernières heures. Il y a de fortes chances que les rendements des T-Notes à 10 ans franchissent la zone des 5 % avant de pouvoir trouver un peu de répit. Si tel est le cas, sans doute faut-il envisager que le renchérissement des taux européens ne s’arrête pas, non plus, en si bon chemin. Le rendement du Bund pourrait, de fait, aisément venir s’installer dans la région des 3 %-3,5 %, emportant, du même coup dans son sillage, l’ensemble des obligations de la zone euro ; les taux de l’OAT vers les 4 %, ceux du BTP italien, au-delà des 5 %, etc…

Si, après l’envolée de ces derniers trimestres, de telles évolutions peuvent sembler anodines, il n’en est rien. En premier lieu parce que la sensibilité à l’évolution des taux d’intérêt est tout sauf linéaire et que le passage de certains seuils peut déclencher des réactions autrement plus importantes dès lors qu’ils sont franchis. Or, ces derniers sont rarement prévisibles. En second lieu, parce que, couplée à une inflation en décélération, le mouvement s’accompagne d’une remontée d’autant plus rapide des taux réels, notamment en zone euro ce mois-ci. Après deux années de chute en territoire exceptionnellement négatif, le retour des taux réels autour de zéro, voire au-delà, constitue un changement radical d’environnement financier aux résonances multiples, que ce soit sur les finances publiques, l’immobilier ou l’investissement des entreprises. Le risque conjoncturel se trouve ainsi mécaniquement accru par rapport à la situation qui prévalait jusqu’alors. C’est bien la raison pour laquelle les banques centrales finiront par ajuster le tir de leur politique monétaire.

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Le Mexique, gagnant de la guerre commerciale américano-chinoise. A AMLO de faire le reste.

Le conflit stratégique qui oppose la Chine et les Etats-Unis depuis une demi-décennie imprime de plus en plus sa marque sur les flux et relations économiques internationaux. Jusqu’où iront ces changements et quelle forme prendront-ils au fil du temps est incertain et, sans doute, encore largement imprévisible. Dans ce tumulte émergent, néanmoins, d’ores et déjà, un certain nombre de perdants ou de gagnants potentiels. Parmi les premiers, sans conteste, l’Europe continentale, qui subit plutôt qu’elle ne choisit sa place dans ce combat des deux géants et peine à trouver la voie médiane qu’elle souhaiterait incarner. Parmi les seconds, des pays souvent passés à l’arrière-plan de la vie économique internationale, écrasés par le rouleau compresseur du grand bond en avant de la Chine qui a suivi son adhésion à l’OMC, il y a un peu plus de vingt ans. L’Inde, que les Américains envisagent comme le plus efficace contrepoids à l’influence grandissante de la Chine au-delà de ses frontières (voir à ce sujet « Le Bharat sur un plateau » du 8 septembre) mais, aussi, de manière plus discrète mais tout aussi révélatrice des mouvements qui agitent la tectonique géopolitique et économique mondiale, le Mexique.
Voisin immédiat des Etats-Unis, avec ses 130 millions d’habitants de moins de 30 ans d’âge médian, son positionnement lui confère un rôle d’arrière-garde économique essentiel à la stratégie de relocalisation industrielle américaine, en même temps que celui d’une possible tête de pont vers l’Amérique centrale et latine, de plus en plus convoitée par la Chine.
Le Mexique pourrait-il être le grand gagnant de l’I.R.A. de J. Biden ? Les retombées ne sont pas spectaculaires à ce stade mais prometteuses et les intérêts réciproques, parmi lesquels, côté mexicain, un moyen de lutter plus efficacement contre la gangrène de la corruption endémique de ces vingt dernières années.

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Perspectives trimestrielles – Le repli de l’inflation touche à sa fin et ça se complique

Alors que le cycle de hausse des taux directeurs touche son terme, à quoi s’attendre ? Dans un scénario idéal, largement plébiscité par le consensus de marché, les institutions internationales et monétaires, les banques centrales seraient sur le point de réussir leur pari, à savoir : la maîtrise de l’inflation sans casser la croissance. 2024 serait, ainsi, une année d’amélioration graduelle de la conjoncture mondiale, de repli persistant de l’inflation et de détente monétaire, comme rappelé cette semaine par la Commission européenne, et, plus tôt cet été, par le FMI.
Sur fond de repentification de la courbe des taux, déjà amorcée, un tel scénario dégagerait l’horizon des marchés. Favorable à une amélioration des perspectives, il justifierait une allocation d’actifs plus exposée au risque, actions cycliques en tête, voire aux marchés émergents, au blason redoré par la triple perspective d’un repli des taux d’intérêt, du dollar et d’une remontée de la demande de matières premières. En somme, l’amorce d’un nouveau cycle, à l’instar des réactions à la validation par Mme Lagarde de l’arrêt des hausses de taux directeurs de la BCE ce jeudi.
Pour autant, les chances que les choses se déroulent de la sorte sont, de prime abord, assez faibles. Notre analyse n’accorde pas plus de 15 % de chances à une telle éventualité, ce qui n’est, assurément, pas beaucoup. Il y a une raison principale à cette conclusion : la normalisation des conditions monétaires n’est pas complète. Si l’on est tenté de s’en réjouir, tant les conséquences d’une poursuite du resserrement en cours pourraient être délétères, ce point de départ a de nombreuses implications sur les perspectives, en particulier celle de réduire significativement le potentiel d’expansion à venir. Comment les choses pourraient-elles donc se dérouler ?

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Le Bharat sur un plateau… Quelles perspectives pour l’économie indienne ?

Il plane sur la scène politique internationale un regain d’intérêt certain à l’égard de l’Inde ces derniers temps et, sur les marchés, une brise de confiance au sujet de l’économie indienne qui s’est soldée, en moins de trois semaines, par une ascension de 3,7 % de l’indice de la bourse de Bombay.
Le premier ministre, Narendra Modi, est devenu une pièce maîtresse de la diplomatie internationale depuis l’éclatement de la guerre russo-ukrainienne. Dirigeant d’une puissance incontournable, il s’est positionné comme le seul capable de faire contrepoids à l’influence croissante de la Chine à l’extérieur de ses frontières et le seul à pouvoir faire pression sur la Russie, sans l’aide, à reculons et embarrassante, de Xi-Jinping. Leader auto-proclamé du « Sud global », N. Modi n’a jamais été aussi courtisé, en particulier par l’Occident ces derniers temps. Il en retire une notoriété nouvelle, renforcée par son influence dans le club élargi des BRICS, que le G20 de New-Dehli de ce week-end ne manquera pas de consolider.
N. Modi, qui avait assez largement échoué dans sa stratégie économique d’ouverture et de captation des investissements directs étrangers, tient-il dans ces développements la clé de son succès et de ceux de l’économie indienne ? L’Occident y a, certainement, plus intérêt que jusqu’alors, ce qui est un atout inestimable qui, déjà, porte ses fruits avec une multiplication de contrats et un certain nombre de délocalisations retentissantes de sites industriels étrangers de la Chine vers le territoire indien. Mais, ne grillons pas les étapes, car la route pour que cette puissance démographique parvienne à assurer un décollage un tant soit peu comparable à celui de la Chine de ces dernières décennies est loin d’être tracée.
La popularité renforcée de N. Modi ne l’a pas incité à gommer son penchant nationaliste, tout au contraire : l’Inde s’est posée sur la Lune et vise, maintenant, le Soleil, dont acte. Elle pourrait aussi, sous peu, changer d’appellation, à la faveur de son nom hindi : Bharat. Saura-t-elle aller beaucoup plus loin et faire, notamment, évoluer sa méthode de gouvernance et ses structures économiques et lutter contre le fléau du réchauffement climatique dont elle est une des plus grandes victimes annoncées ?

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