Comme attendu, l’inflation américaine est ressortie en hausse au mois d’octobre pour la première fois depuis mars, à 2,6 % après 2,4 % en septembre, du fait d’une moindre baisse annuelle de sa composante énergie. Les détails du rapport témoignent cependant d’un relatif statu-quo : l’inflation sous-jacente est stable à 3,3 % et les évolutions mensuelles des prix totaux et sous-jacents sont semblables à celles des deux derniers mois, de 0,2 % et 0,3 % respectivement. Au total, l’environnement inflationniste évolue peu et reste, dans l’ensemble, plus compatible avec un stationnement de l’inflation autour de 3 % qu’avec un retour à 2 %. A l’instar de J. Powell la semaine dernière, les membres de la Fed qui se sont exprimés aujourd’hui semblent s’en satisfaire et, reconnaissons-le, cela n’est guère choquant. La question, dorénavant, est celle de l’impact de la politique du futur gouvernement sur la croissance et l’inflation. Mais pour cela il faudra attendre.
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Oublié le PCE, le CPI reprend la main : J. Powell prêt à ravaler son chapeau ?
Le rapport était particulièrement attendu, dans un contexte des plus incertains sur l’évolution de l’inflation et, par conséquent, sur des perspectives monétaires. Il est, sans réelle surprise, mauvais, tout du moins en première lecture. L’inflation totale ressort en accélération de 3,2 % en février à 3,5 % en mars et la mesure hors prix de l’énergie et de l’alimentation ne baisse plus, inchangée à 3,8 %. Si ces évolutions annuelles ne sont pas outre mesure significatives, il en va autrement des tendances mensuelles, toujours au moins deux fois trop rapides par rapport à l’objectif de la Fed et, surtout, en accélération. Au cours des trois derniers mois, les hausses mensuelles des indices sous-jacent et total ont respectivement atteint 4,5 % et 4,6 % en rythme annualisé. Celle des services est montée à 6,8 %, 2,5 point de plus qu’en milieu d’année dernière et son plus haut niveau depuis février 2023. Quand bien même l’analyse détaillée du rapport est, en réalité, plutôt meilleure que celle de février compte-tenu de la contribution élevée des tarifs d’assurance automobile, de tels résultats mettent à l’évidence la Fed en porte-à-faux, ceci d’autant plus que les prix de l’énergie et de l’alimentation ne baissent plus, voire réaugmentent sensiblement pour les premiers.
2022, une année blanche pour le PIB américain
La Fed trouvera-t-elle dans les données des comptes nationaux de quoi changer sa perception de la conjoncture américaine et renforcer, ou infléchir, sa politique monétaire ? Ce serait surprenant. En effet, la croissance du dernier trimestre ne présente pas beaucoup de surprises par rapport à celle du troisième ou aux prévisions de ces derniers mois. Elle a atteint 2,9 % r.a., soit 0,7 % en rythme trimestriel, pour un glissement annuel de seulement 1 %, quand bien même deux fois supérieur à ce que la FED envisageait en décembre. Affaiblie par le premier semestre, la croissance moyenne de l’année 2022 s’établit à 2,1 %, soit un petit dixième de plus que son acquis à la fin 2021. Dit autrement, l’année 2022 aura été une année blanche pour l’économie américaine. Notons à ce titre, que la zone euro a probablement fait nettement mieux, aux environs de 3,5 %, avec un acquis comparable…Dans le détail, quatre points saillants : la consommation des ménages a poursuivi son rattrapage dans les secteurs en retard par rapport à la période pré-covid, les importations ont reculé plus fortement que les exportations, ce à quoi il faut ajouter la formation des stocks, pour plus de la moitié de la croissance totale du PIB, et les dépenses publiques, qui conservent un rythme soutenu. De quoi compenser les très mauvaises données en provenance de l’immobilier/construction qui focalisent néanmoins l’attention pour l’année en cours.
L’inflation américaine sur la bonne voie
Nouveau ralentissement de l’inflation américaine en novembre, qui passe de 7,9 % à 7,1 %, un plus bas depuis décembre dernier. Quant à sa composante sous-jacente, elle perd 0,3 points, à 6 %. Elle affiche, certes, un niveau toujours très haut, mais, surtout, une progression mensuelle de l’indice hors énergie et alimentaire de seulement 0,2 %, après 0,3 % et 0,6 % en août/septembre.
Or, il s’agit là de la condition d’une normalisation de l’inflation puisque s’il garde ce rythme de 0,2 % au cours des mois à venir, alors, son évolution en glissement annuel atteindra 2,5 % en septembre 2023. Voilà qui valide un cap décidément moins restrictif pour la Fed. La Banque Centrale américaine laissera-t-elle pour autant cette vision l’emporter ou sera-t-elle un peu plus prudente au vu du chemin qu’il reste à parcourir.
La Fed face au risque de dislocation financière
Les minutes du dernier FOMC confirment les propos de J. Powell lors de sa conférence de presse d’il y a trois semaines : la FED ne compte pas ralentir la cadence de son resserrement monétaire et garde une posture globalement restrictive, soulignant la nécessité de nouvelles hausses de taux pour venir à bout d’un processus inflationniste « inacceptable ». De son point de vue, le risque d’un pivot trop précoce l’emporte clairement sur celui d’aller trop loin en matière de resserrement monétaire, quand bien même certains membres soulignent la nécessité de calibrer la remontée des taux à la dégradation de la conjoncture mondiale.
Depuis le FOMC peu d’éléments viennent contrarier cette lecture. Les signes de repli de l’inflation sont, en effet, très ténus, comme illustré par les prix à la production toujours en hausse de 8,5 % l’an en septembre, et l’activité se porte plutôt mieux aujourd’hui qu’en début d’été. C’est du côté financier, en revanche, que les choses se gâtent avec des poches de tensions de plus en plus nombreuses, aux Etats-Unis et dans le reste du monde, Royaume-Uni notamment où la situation semble hors de contrôle. La FED ne pourra pas longtemps ignorer cette réalité. Reste à savoir si elle ajustera sa posture à temps.
La FED, en mode définitivement restrictif, relève son objectif de taux réel à 150 pb
Le ton est donné et, comme J. Powell a jugé bon de le souligner devant la presse, c’est le même que celui de Jackson Hole : la FED fera tout pour ramener l’inflation à 2 % et en assume le coût économique, notamment pour le marché de l’emploi, qui reste, à ses yeux, le problème numéro un. J. Powell, presque gêné d’avoir à formuler les choses en ce sens, fait de la remontée du taux de chômage un passage obligé pour lutter contre l’inflation. Il envisage pour cela de relever le taux des Fed Funds à 4,50 % d’ici décembre et entre 4,75 % et 5 % d’ici la fin de l’année prochaine, une projection qui laisse la porte ouverte à la possibilité de taux temporairement plus élevés début 2023, avant une légère détente en 2024.
Si le FOMC n’a pas jugé bon de relever les Fed Funds de 100 pb cette semaine, il s’est rattrapé sur ses projections et délivre, ainsi, un message des plus déterminés, que confirme le déroulé de son communiqué et chacune des réponses de J. Powell aux questions des journalistes. La FED maintiendra l’économie américaine en sous-régime pendant une période suffisamment longue pour éradiquer l’inflation et s’est fixée pour cela de parvenir à des taux réels positifs de 150 points de base au moins en 2023 et 2024, ce qui pourrait la pousser à des hausses plus importantes de ses taux d’intérêt si l’inflation reflue moins vite que prévu. Un message on ne peut plus clair !
La FED ne trouvera pas dans le rapport sur l’emploi de quoi faire dans la dentelle
Bien peu de choses dans le rapport sur l’emploi américain du mois de juin pour retenir la FED d’aller dans le sens souhaité en matière de resserrement monétaire. L’économie américaine aurait créé 372 K postes le mois dernier dont 381 K dans le seul secteur privé, davantage qu’en mai quand les créations de postes privés avaient atteint 330 K. Voilà de quoi conforter la lecture de J. Powell sur la vigueur de l’économie américaine et prendre largement à revers la révision à la baisse des anticipations de hausse des taux des marchés de ces dernières semaines. La FED a tout en main pour poursuivre le chemin vers un durcissement accéléré de ses conditions monétaires, tel que souligné dans les minutes du dernier FOMC publiées plus tôt cette semaine qui, au vu des chiffres du jour, sont loin d’être dépassées. Du moins n’ira-t-elle pas rechercher les informations qui pourraient la dévier de sa course en juillet, tels le ralentissement du taux de salaires ou le déficit persistant d’un demi millions de postes par rapport à février 2020 : la probabilité d’une hausse de ¾ de points des Fed Funds en fin de mois est indiscutablement augmentée.
La FED n’en fait pas trop ; les taux et le dollar fléchissent, les bourses et les MP respirent
Fait inhabituel, J. Powell a débuté sa conférence de presse en s’adressant aux Américains pour les rassurer sur le fait que la FED a les moyens de lutter contre l’inflation et de restaurer la stabilité des prix. Elle justifie ainsi la remontée de son l’objectif des Fed funds d’un demi-point, pour la première fois en 22 ans, et envisage de faire de même à l’occasion des deux prochaines réunions. Pour autant, la FED ne considère pas devoir aller plus vite ; il n’en fallait pas davantage pour rassurer sur le fait qu’elle ne partait pas bille en tête dans une stratégie trop agressive ainsi que certains propos ou indicateurs récents avaient pu le laisser craindre.
La réduction de son bilan, est, par ailleurs, confirmée et débutera en juin, selon les termes déjà précisés dans les minutes du dernier comité, à raison de 95 milliards de dollars par mois, pour une durée envisagée de 3 ans, soit une baisse de 3 000 milliards de dollars qui abaisserait son stock d’actifs d’un tiers, si elle parvient à son terme.