S’il existait une échelle du degré d’incertitude assorti aux prévisions économiques, nous serions sans aucun doute très haut sur celle-ci aujourd’hui, en l’occurrence probablement à un niveau jamais atteint depuis fin de la seconde guerre mondiale. Il y a trois bonnes raisons à cette situation :
1- La première vient des effets mal connus de l’hyper financiarisation de l’économie mondiale sur les équilibres économiques, le comportement des agents, la perception des risques et les réponses préventives apportées par les responsables de politique économique.
2- La deuxième est liée à la fragilité de l’expertise sur la réalité et la profondeur des changements systémiques que semblent à même de provoquer les ruptures démographiques, technologiques, scientifiques, climatiques et sociétales en cours, dont les conséquences, jusqu’alors considérées avec distance, s’accélèrent, sans que l’on sache estimer avec précision leur influence réelle sur les rouages économiques, y compris conjoncturels.
3- La troisième provient des interrogations et incertitudes que suggère le constat de la disparition de l’inflation et, semble-t-il, avec elle, du principal déterminant des cycles tels qu’ils ont rythmé l’activité économique du monde développé depuis la seconde guerre mondiale. Phénomène passager ou durable, plus sociétal ou systémique qu’économique, issu de quel changement et avec quelles conséquences à long terme ?
Face à ces enjeux l’économiste tâtonne, les modèles déraillent et les décisions des agents et les prévisions s’en ressentent. Jamais l’exercice prévisionnel n’est apparu aussi fragile, voire à la limite de l’inconsistance tellement le sentiment est vif de risquer de passer à côté de l’essentiel de ce qui fera le monde de demain, c’est-à-dire peut-être déjà celui des prochains trimestres. Face à ces questionnements trop nombreux, le réflexe de conservatisme est souvent de mise. C’est un risque dont nous sommes bien conscients qui vaut tout à la fois à la hausse comme à la baisse sur nos estimations.