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Inflation UEM : fort repli généralisé en décembre
En ligne avec nos prévisions, l’inflation en zone euro s’est stabilisée sur le mois de décembre mais a fortement ralenti a 1,6 % en glissement annuel, après 1,9 % et 2,2 % à son point le plus haut de l’année en octobre. L’inflation sous-jacente, en hausse de 0,5 % sur le mois, est restée stable à 1 % en glissement annuel. En moyenne pour l’ensemble de l’année 2018, l’inflation de l’UEM s’élève ainsi à 1,7 %, en deçà des prévisions de la BCE de 1,8 %.
L’inflation française (IPC) a également décéléré à 1,6 %, au lieu de 1,7 % selon nos prévisions, après 1,9 % en novembre, en raison de l’effet énergie mais vraisemblablement aussi des perturbations liées aux manifestations des gilets jaunes.
La BCE en porte-à-faux sur ses prévisions d’inflation
Le 9 mars, la BCE a annoncé réviser à la hausse de 1,3 % à 1,7 % sa prévision d’inflation 2017. Reçue sans étonnement dans un contexte d’accélération rapide de la hausse des prix – l’inflation de la zone euro était passée de 0,2 % à 2,0 % en six mois, celle de l’Allemagne était à 2,2 % en février et l’espagnole à 3 %- cette communication a néanmoins participé au changement d’anticipations à l’origine du ressaisissement des taux allemands et de l’euro depuis. Les chiffres publiés ce matin en Espagne et en Allemagne mettent, toutefois, déjà l’accent sur le risque pris par la BCE…
SPECIAL – Images d’Italie
Rejet de la réforme constitutionnelle proposée par Matteo Renzi ou non, ce 4 décembre, la question du devenir de l’Italie dans le zone euro se posera à l’occasion des prochaines échéances électorales de 2018 ou d’élections anticipées provoquées par une défaite trop cinglante du Président du Conseil, ce dimanche. Lire la suite…
Ground Zero
La panoplie des mesures annoncées par la BCE sera-t-elle suffisante pour évacuer le risque de déflation et restaurer la croissance en zone euro ? La réponse tient en trois points :
- L’ampleur effective de ce paquet de mesures,
- La capacité de réveil de la demande de crédit,
- Le retour d’un environnement international plus porteur à même de donner aux efforts compétitifs en partie à l’origine du risque déflationniste tout leur sens.
Aucun de ces critères n’étant à ce stade garanti, les marchés ne pouvaient accueillir ces mesures qu’avec réserve.
Espagne : spirale à la grecque ?
Le mode de gestion de la crise souveraine est une aberration qui finira, et ceci peut-être plus rapidement que nul ne peut aujourd’hui décemment l’imaginer, par tuer l’union monétaire. Dans le contexte d’extrême détérioration des conditions économiques depuis le milieu du printemps, l’accentuation des politiques d’austérité fait courir un risque majeur aux pays en crise.
L’annonce du gouvernement Rajoy d’un nouveau plan d’austérité a dans un premier temps rassuré les bailleurs de fonds du pays : les taux d’intérêt à long terme ont en effet baissé significativement (plus de 20bp, à 6.60%) immédiatement après l’annonce du premier ministre. Les gages donnés par le gouvernement espagnol contre l’assouplissement des objectifs de réduction de ses déficits publics accordés par Bruxelles semblent avoir convaincu les observateurs. Les annonces d’une réforme en profondeur de l’Administration amenée à réduire de 30 % le nombre de conseillers locaux et d’une hausse simultanée de trois points de la TVA, ont, à ce titre, probablement été perçues comme les plus convaincantes. Ce plan d’austérité soulève pourtant bien des inquiétudes quant à l’issue de la crise actuelle. D’un montant de 65 milliards d’euros pour la période 2012 – 2014, ce nouveau paquet, 6.5 % du produit intérieur brut actuel, est particulièrement restrictif, ceci tout particulièrement pour une économie déjà en récession. Le risque que ces efforts se révèlent in fine totalement vains car trop coûteux en terme de croissance est à ce stade très substantiel et celui qui lui est associé, à savoir, que l’Espagne ait déjà entamé une spirale à la grecque est aujourd’hui incontestablement élevé.
L’Europe monétaire de l’ambition à décadence : le critère manquant
Précipiter l’adhésion à la monnaie unique de pays dont les niveaux de productivité étaient trop éloignés de ceux du noyau dur les a privé de l’accompagnement monétaire dont ils auraient eu besoin durant la période de rattrapage structurel de leurs économies. Cela a bien été l’erreur première et potentiellement fatale de la construction de l’Europe monétaire dont la crise actuelle est le résultat direct.
A l’origine, il y avait un projet, ambitieux : celui d’une Europe unie dont la construction devrait aboutir à un mieux être collectif, celui d’une Europe solidaire offrant aux pays les moins développés l’opportunité d’une convergence accélérée vers le niveau de richesse des plus avancés, celui enfin, d’une Europe en paix parce que forte d’un pouvoir économique commun suffisamment puissant pour assurer une cohésion durable.
Les premiers temps de l’Europe ont largement alimenté l’ambition première. Lorsqu’au milieu des années quatre-vingts l’Espagne adhère à l’UE, c’est avec un niveau de vie de vingt-cinq pourcent inférieur à la moyenne franco allemande. Le boom économique qui suit cette intégration permet d’augmenter le revenu par habitant de la population espagnole de 50 % en moins de quinze ans, comblant ainsi quasiment la moitié de son retard initial. Au cours de cette même période, les flux d’investissements étrangers massifs accompagnent le développement de l’industrie en même temps qu’un quadruplement du volume des exportations, absorbées à hauteur de 75% par les autres pays de UE ; l’emploi passe de 11 à 15 millions tandis que, d’année en année, les transferts structurels de l’UE, dont l’Espagne est longtemps le premier bénéficiaire, assurent la mise à niveau progressive de son taux d’équipement en infrastructures, indispensable à la pérennisation de son développement.
Urgence
Les politiques pro-cycliques imposées aux pays en difficulté de l’union monétaire produisent les effets prévisibles : la Grèce est en faillite, l’Espagne au bord de la faillite, la zone euro sombre et le reste du monde est entrainé dans le sillage européen. Le risque d’une nouvelle récession mondiale est élevé et la probabilité d’un éclatement de la zone euro n’a jamais été aussi forte. Le chaos qui résulterait d’une telle combinaison est incommensurable, tellement effrayant que nul ne peut imaginer s’y résigner. Il y a donc urgence à changer de cap.
Prétendre réduire le niveau d’endettement de pays surendettés à coup de politique d’austérité nuisibles à la croissance est une aberration économique. L’échec de la méthode était prévu, il est maintenant patent, douloureusement illustré par les cas grec et espagnol. La liste des victimes n’a toutefois aucune raison de s’arrêter à ces deux pays et continuera inexorablement à s’allonger si les européens ne rompent pas très rapidement avec l’orientation qui a été la leur depuis le printemps 2010. On ne cessera de le répéter : l’austérité, en ruinant la croissance, a pour effet mécanique d’aggraver la situation financière des Etats et d’enfoncer la région dans une crise dont elle finira par ne pas pouvoir s’extirper.
Que faire ? A cette question, une seule et unique réponse : un virage à 180 degrés de la politique économique jusqu’alors privilégiée.
Ce virage devra simultanément et urgemment : 1- court-circuiter la récession en cours, 2- protéger les gouvernements de la hausse des taux de financement, 3-étaler sur le long terme les programmes de réduction des déficits afin de laisser respirer les économies. Quelles qu’en soient ses modalités, une telle politique s’accompagnera forcément d’une action inédite de la BCE, synonyme d’une monétisation plus ou moins importante de la dette de Etats. Il ne s’agit pas là d’une option mais de l’unique moyen, s’il n’est pas déjà trop tard, pour enrayer la spirale destructrice dans laquelle se sont fourvoyés les pays européens depuis maintenant plus de deux ans et à laquelle l’union monétaire n’a aucune chance de survivre.
Le risque ne serait sans doute pas aussi imminent si la situation conjoncturelle internationale ne s’était pas dégradée comme elle l’a fait ces derniers mois. La tournure des indicateurs avancés de l’activité européenne est en effet particulièrement alarmante depuis le début de l’été, ressemblant à s’y méprendre à celle des premiers temps de la crise de 2008. Les dernières informations disponibles nous signalent une profonde accentuation de la récession en Italie et en Espagne. Tout annonce en effet que la consommation des ménages de ces deux pays, qui avait jusqu’alors plutôt bien résisté à la crise, est sur la voie d’un ajustement particulièrement marqué. En Italie, le climat des affaires dans le commerce de détail a déjà enfoncé le plancher connu en 2008. En Espagne, la chute de la confiance des ménages, sur fond d’une contraction de 4% du pouvoir d’achat au cours des douze derniers mois, préfigure un repli d’ampleur comparable des dépenses réelles de consommation d’ici la fin de l’année. Tandis que la croissance française, au mieux, stationne et que l’Allemagne enregistre le contre coup de la détérioration de ses marchés à l’exportation, la récession qui se profile dans la zone euro semble bien devoir être beaucoup plus marquée que quiconque ne l’avait imaginé jusqu’alors. La résultante en sera, c’est certain, une nouvelle détérioration de la situation financière d’un nombre croissant d’Etats et une incontournable aggravation de la crise souveraine dont on ne voit pas comment elle pourrait ne pas dégénérer en crise mondiale. Force est de constater en effet que ni les Etats-Unis ni la Chine ne parviennent à maintenir le cap d’une croissance suffisamment dynamique pour être en mesure d’absorber un nouveau choc européen.
Le temps est donc compté. Sauf rupture imminente des choix de politique économique, c’est bien au scénario du pire que nous devrons, sous peu, nous préparer.
Véronique Riches-Flores