Minimum syndical côté Fed

Si l’on pouvait douter de la capacité de la Fed à changer radicalement de ton dès aujourd’hui malgré le contexte de marché (cf notre preview d’hier), on aurait néanmoins pu s’attendre à davantage de nuances par rapport à la voie tracée en décembre. Celles-ci manquent indiscutablement à l’appel. Malgré l’assurance d’une surveillance rapprochée des développements économiques et financiers internationaux, rien ne laisse suggérer, à ce stade, de quelconque remise en cause de son scénario de hausse des taux. La confiance affichée à l’égard des perspectives du marché de l’emploi l’emporte, par ailleurs, assez largement sur le ton du communiqué dont la seule réserve provient du changement de qualificatif porté sur la croissance de la consommation et de l’investissement, abaissé au rang de « modérée » au lieu de « robuste » le mois dernier.

L’absence de référence au FOMC du mois de mars n’est toutefois probablement pas fortuite et l’on comprend qu’il faille sans doute rapprocher ce vide des commentaires relatifs à la révision à la baisse des prévisions de court terme d’inflation liée au pétrole. En d’autres termes, la Fed n’a probablement pas l’intention de relever le niveau de ses taux directeurs dans six semaines mais n’est aucunement prête à modifier plus significativement son scénario, pour l’instant.

À ceux qui escomptaient un soutien monétaire pour contrer la nervosité des marchés financiers, la Fed répond donc par une fin de non-recevoir dont on peut sans grande difficulté imaginer qu’elle fera des déçus, à l’instar de la réaction négative des indices américains à la publication de ce communiqué. L’absence de réaction des taux futurs et le léger repli du dollar vis-à-vis de l’euro et du yen suggèrent toutefois une relative distance des investisseurs à l’égard de ce communiqué, reflet peut-être d’une conviction que la Fed sera in fine plus flexible qu’elle ne le paraît stade. L’ensemble est néanmoins assez peu compatible avec un retour au calme des marchés financiers dont on est tenté d’envisager une sensibilité accrue aux publications économiques après le communiqué de ce soir.

La FED prendrait un risque démesuré à ne pas infléchir son discours mais n’a pas les moyens d’offrir un « put » aux marchés

Un infléchissement du discours de la Fed sur les développements de sa politique monétaire semble indispensable pour ne pas risquer d’attiser la nervosité de marchés internationaux, particulièrement susceptibles ces derniers temps. Dans le contexte présent, nul ne peut dire, en effet, quelle pourrait être la réaction des marchés si d’aventure la Fed laissait entre-ouverte la porte d’une remontée de ses taux directeurs au mois de mars. Janet Yellen mettra-t-elle définitivement à l’écart cette éventualité dans son communiqué de demain ?

On ne peut que le souhaiter, d’autant que les tendances de l’économie américaine ne justifient nullement qu’elle s’arque boute sur son scénario du mois de décembre. Si les dernières statistiques du marché de l’emploi étaient d’un bon cru, de mêmes que les nouvelles sur le front de l’immobilier, les informations en provenance du reste de l’économie ne sont guère à la hauteur de ses attentes : dépenses de consommation décevantes, mollesse de l’activité dans les services, médiocres tendances de l’investissement productif et récession de plus en plus marquée dans l’industrie, rien ne lui permet d’être particulièrement satisfaite par les développements constatés ces dernières semaines. Alors que la nouvelle chute des cours du pétrole met sans doute l’économie à l’abri quelques temps encore, la Fed ferait preuve d’une myopie particulièrement préoccupante en ne regardant pas au-delà de cet effet d’aubaine la montée du risque de récession que soulignent tout à la fois un nombre croissant d’indicateurs économiques et le retournement des marchés.

ISM régionaux US conso

La Fed peut-elle pour autant changer totalement son fusil d’épaule et aller jusqu’à remettre en cause tout scénario de hausse des taux à horizon prévisible ? C’est probablement trop tôt pour l’envisager, ceci pour deux raisons principales :

  1. la nouvelle composition de son board, dont le biais est indiscutablement plus « restrictif » que la précédente,
  2. l’incertitude sur les effets que pourrait avoir une communication susceptible d’être interprétée négativement sur les perspectives américaines.

Difficile dès lors d’envisager une communication particulièrement volontaire de la part de Janet Yellen. La Présidente de la Fed devra sans doute ménager la chèvre et le chou avec un discours probablement moins déterminé qu’en décembre sans remise en cause définitive de son scénario de hausse des taux. En d’autres termes, si Janet Yellen peut soulager les marchés elle n’a guère les moyens de constituer une force de soutien pour ces derniers.

La balle n’en finit pas de rebondir

Télécharger l’hebdo

Après la BCE, la Fed range ses plans, la BOJ emboîte le pas à M. Draghi… C’est reparti pour un tour !

Nous l’avions exprimé en début de semaine, un assouplissement supplémentaire de la politique monétaire de la BCE risquerait de pousser d’autres pays à répliquer, avec pour conséquence de compliquer plus encore l’environnement économique et financier international.

La BCE n’a finalement probablement pas eu d’autre choix que de sérieusement considérer un accroissement de son programme d’achats d’actifs pour prévenir le risque d’amplification des tensions naissantes sur les marchés souverains du sud de l’Europe et sur le secteur bancaire de la zone euro (voir à ce sujet « BCE, une bonne raison d’agir !» publié hier).

Les répliques aux annonces du Président de la BCE, Mario Draghi, ne devraient, en conséquence, pas tarder.

BCE, une bonne raison d’agir !

Télécharger l’article

Quoi que nous ayons pu dire -mea culpa-, M. Draghi a sans doute fait le bon choix.
 
Expliquer le changement de perception de la BCE par les seuls arguments du prix du pétrole ou du taux de change, n’est pas convaincant. C’est ailleurs que semblent se trouver les raisons des annonces d’aujourd’hui : le regain de tensions sur les marchés souverains et bancaires de la zone euro. 
De quoi assurément mettre tout le monde d’accord et considérer l’option d’une très vraisemblable augmentation du programme d’achats d’actifs en mars si ces éléments de stress ne se dissipent pas rapidement.
Spread UEMBanques UEM

L’art de la communication chinoise

Si les commentaires sur les chiffres chinois publiés ce matin foisonnent ce n’est pas tant par les informations qu’ils nous donnent sur la réalité de la situation du pays, maintenant bien connue, que par ce qu’ils nous susurrent en terme d’orientation de politique économique.

Sans surprise, les chiffres sont mauvais, que ce soit ceux du PIB dont la croissance réelle aurait fléchi à 6,8 % au cours des quatre derniers trimestres ; ceux de l’investissement fixe, médiocres, pour lequel les détails pour l’heure disponibles concernent la seule industrie ; ceux, enfin, de la production dont le rythme de progression, après s’être ressaisi le mois dernier, s’est de nouveau replié, à 5,9% l’an.

CHINE

Ce n’est donc pas par ces informations peu surprenantes que se concentrent les regards mais sur le degré de mauvaise surprise que l’on suspecte avoir été savamment travaillés pour attirer l’attention ou, au contraire, sur les éventuelles incohérences, à partir desquelles on tentera de se faire une meilleure idée de la réalité du moment. À ce titre deux informations semblent mériter d’être soulignées :

  1. Le creusement de l’écart négatif entre la croissance nominale et la croissance réelle du PIB, ce dernier atteignant 0,8 % à la fin de l’année dernière, que l’on peut interpréter soit comme un risque de surévaluation de la croissance réelle, soit, comme celui d’un approfondissement de la déflation.
  2. Un nouvel effritement de la croissance des revenus des ménages retombée, par habitant, à son plus faible niveau depuis deux ans, tant en termes nominaux (série officielle) qu’en termes réels (estimé).

Chine PIB nominal et reelChine RDB

 

De ces résultats ont comprend aisément que la politique anti-déflationniste n’a pas encore porté ses fruits et que l’objectif de rééquilibrage de la croissance en faveur de la demande domestique est menacé. De quoi assurément convaincre de l’annonce de nouvelles mesures de la part des autorités pour inverser le cours des choses, ce qui explique la bonne réception de ces informations par les marchés.

Toute la question étant maintenant de savoir ce que pourraient faire les autorités chinoises qui se révèle plus efficace que jusqu’alors :

  • L’accélération des programmes d’investissement publics n’a guère porté ses fruits ces derniers temps et les marges budgétaires se sont assurément rétrécies
  • Les mesures d’assouplissement monétaire se heurtent au surendettement des agents privés et ont été de faible influence sur la situation conjoncturelle ces derniers temps
  • Une dépréciation plus importante du yuan, bien qu’indispensable, est synonyme d’alourdissement de la dette en dollars des entreprises locales et risque de pénaliser les ménages.

 

Le QE, des canons et des fleurs

Télécharger l’hebdo

Après avoir laissé aux banquiers centraux le soin de gérer la crise, les politiques n’ont plus guère le choix ; ils devront aller au charbon, pour le meilleur ou pour le pire.

Tour d’horizon de ce qui passe par la tête d’un économiste face à l’enlisement dans lequel s’embourbe l’économie mondiale.

Avalanche de mauvais chiffres aux Etats-Unis, une mauvaise note pour cette dernière séance de la semaine

Le beige Book avait attiré l’attention sur la médiocre situation de l’Etat de New-York, la chute de l’Empire manufacturing le confirme. Tombé à -19,4 en janvier, l’indicateur est à son plus bas niveau depuis 2009 quand les perspectives marquent une chute de 26 points, suggérant une nette aggravation de la situation dans l’industrie.
US empire
Par ailleurs, les ventes de détail se sont repliées de 0,1% en décembre, un piètre résultat dans le contexte présent. Malgré la forte progression du pouvoir d’achat occasionnée par la chute des cours du pétrole et l’amélioration du marché de l’emploi, les ménages américains n’ont pas le cœur à la dépense. Les conditions climatiques très clémentes, également soulignées par le Beige Book, expliquent sans doute une partie de ces déceptions mais force est de constater qu’entre les hivers trop froids et les hivers trop chaud, les résultats ne sont pas au rendez-vous des attentes.
Difficile d’envisager dans un tel cas de figure que la Fed ne modifie pas sa communication dès son prochain FOMC dans deux semaines. Il lui faudra assurément mettre de l’eau dans son vin!
On peut redouter que ces mauvaises nouvelles attisent les tensions sur des marchés déjà bien nerveux ce vendredi sur fond de nouvelle baisse des cours du brut, en chute de plus de 5% cet après-midi en Europe.

Bon Beige book ou pas, le scénario de la Fed est à mettre au rebut

La revue régionale de ce mois-ci aurait peut-être été considérée comme satisfaisante en temps normaux mais la situation n’a rien de normal. Depuis le début de l’année, les indices boursiers américains ont perdu beaucoup de terrain, ne parvenant pas à se stabiliser malgré des nouvelles économiques de relative bonne qualité jusqu’à présent. La clôture de mercredi, à deux doigts des plus bas du mois de septembre, est un avertissement que la FED ne pourra ignorer à deux semaines de son prochain FOMC, d’autant que les indices Russel des valeurs moyennes ont pour leur part pris beaucoup plus d’avance sur la tendance baissière du marché…

Indices américains

La FED ne devrait, toutefois, pas avoir de mal à trouver de quoi revoir sa copie dans le Beige Book, plutôt mitigé, de ce mois-ci. Car si le début du rapport débute sur une note encourageante, neuf districts sur douze constatant une hausse de leur activité, la stagnation signalée dans l’État de New-York et du Kansas ou la croissance modeste de celle de plusieurs États industriels tempère l’appréciation générale. C’est néanmoins surtout sur les nouvelles relatives à la consommation que provient la déception. Malgré les bons chiffres de l’emploi récents, les dépenses de consommation semblent avoir ralenti ces dernières semaines. Les températures exceptionnellement clémentes pour cette période de l’année sont mentionnées comme potentiellement responsables tandis que les ventes de voitures se tassent après avoir très fortement augmenté en fin d’année dernière.

Enfin, s’agissant des tendances inflationnistes, cette revue régionale laisse largement le temps à la Fed. Si certaines régions signalent des conditions tendues sur le marché du travail, elles n’en constatent pas les effets sur les salaires, dont le rythme est généralement perçu comme stable, tandis que la plupart des districts parlent de tensions minimales sur les prix.

L’ensemble devrait être largement suffisant pour écarter tout soupçon de hausse des taux directeurs en janvier et pour que s’infléchissent les anticipations de hausses à venir cette année. Dans un contexte d’aversion pour le risque, la voie semble grande ouverte pour un nouveau repli des taux à long terme américains et, potentiellement, du dollar contre l’euro.