Les services, relais de l’industrie ? Ça n’en prend pas le chemin. Tentative d’explication.

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De l’avis de nombreux analystes, la robustesse de l’activité dans les services devait être en mesure de prendre le relais d’une industrie mondialement malade cette année. Les gains de pouvoir d’achat occasionnés par la chute des cours du pétrole, d’une part, la transition de l’économie chinoise vers une économie plus tertiaire, de l’autre, justifient ces attentes et alimentent, par la même occasion, une relative confiance à l’égard des perspectives économiques. L’histoire que nous révèlent les indicateurs les plus récents ne ressemble pourtant guère à celle-ci. Des États-Unis, à la Chine, en passant par le Royaume-Uni ou la zone euro, les PMI publiés cette semaine sont, non seulement, très décevants, ils sont mauvais ! À 50,7 points, la moyenne mondiale des PMI des activités de services est, ainsi, retombée à un niveau à peine supérieur à celui de l’industrie manufacturière (50) au mois de février.

Alors que l’anémie de la demande et les excès de capacités ne laissent guère augurer de rebond de l’activité industrielle dans les prochains mois, ces mauvaises nouvelles en provenance des services font mouche. Comment les expliquer et jauger, par là-même, le risque de récession que ces tendances obligent, aujourd’hui, à considérer ?

PMI services

NFP ou ISM, à quelle statistique américaine se fier ?

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Entre les très mauvais signaux envoyés par les ISM ces derniers jours et les bons chiffres de l’emploi, les indicateurs n’aident pas à se faire une opinion sur la réalité de la situation américaine et ses perspectives. Si réconcilier ces statistiques est encore possible en considérant que l’ISM est un indicateur avancé de l’activité, au contraire de l’emploi -plutôt retardé-, l’argument commence, toutefois, à être tiré par les cheveux.

  • Au cours des trois derniers mois, la composante synthétique de l’emploi des ISM manufacturiers et non-manufacturiers s’est en effet repliée de quasiment six points, pour retomber, à un niveau inférieur à 50, normalement synonyme de singulière décélération des créations d’emplois.
  • Durant cette même période, cependant, les créations d’emplois privés, se sont en moyenne établies à 223 000 par mois, grâce notamment à une nette amélioration au mois de février durant lequel 230 000 nouveaux postes ont vu le jour, après 182 000 en janvier.

Des arguments pour conforter les « hawks » dans le Beige book de la Fed

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Après les bons chiffres de l’emploi du secteur privé faisant état de 214 000 créations de postes en février, ceux d’une inflation sous-jacente en hausse de 2,2 % publiés la semaine dernière, les membres de la Fed les plus inquiets sur le risque inflationniste trouveront assurément dans le Beige book de ce mois-ci de quoi conforter leurs arguments.

Sur le front de l’activité, ce rapport est, en effet, plutôt encourageant :

  • la croissance s’est poursuivie dans la plupart des douze districts, à l’exception de Kansas City, en léger déclin, et de New York et Dallas qui font état d’une situation stagnante.
  • les dépenses de consommation se sont généralement améliorées, malgré quelques faiblesses dans les districts mentionnés ci-dessus
  • les activités de services ont légèrement progressé tandis que la demande en emploi du secteur s’est accrue
  • enfin, l’activité immobilière et de construction s’est renforcée.

Il confirme, par ailleurs, les tensions montantes sur le front des salaires, ces derniers ayant généralement été reportés à la hausse, voire en augmentation substantielle dans certains cas, tandis qu’un certain nombre de secteurs se heurtent à des difficultés de recrutement croissantes, quand bien même, très variables selon les districts et les niveaux de qualification.

Les arguments en faveur d’une poursuivre du cycle de hausse des taux sont donc, a priori, bel et bien réunis au point que les plus inquiets des membres de la Fed sur les perspectives conjoncturelles pourraient avoir du mal à faire contrepoids. Si les retours en provenance de l’industrie manufacturière restent incontestablement négatifs, le risque que cette situation soit perçue comme temporaire ou peu représentative de la situation moyenne de l’économie américaine est, en effet, probablement élevé.

Au total, ce Beige book risque fort de regonfler les anticipations de remontée des taux de la Fed ; une éventualité que le marché obligataire ne voit pas d’un bon œil, à en juger par le mouvement des T-Bonds à 30 ans dont le rendement s’est nettement replié, au contraire du regain de tensions observé sur les échéances de 2 à 10 ans après la publication de ce rapport.

L’Humeur du Vendredi 26 février

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Deux articles cette semaine

Quand la magie des mots ne fait plus illusion

On aurait pu croire à un message subliminal dans le discours d’ouverture du G20 de Shanghai prononcé par la Présidente du FMI, Madame Lagarde, au cours duquel le terme de « réformes structurelles » est tellement récurrent qu’on en est venu à se demander s’il n’avait pas été utilisé, sciemment, à vingt reprises. Rien de cela, c’est en l’occurrence vingt et une fois que la responsable du FMI en a usé, au moins une de trop pour des oreilles françaises dressées à la discipline de la non répétition. Difficile de voir toutefois de quoi convaincre, dans ce qui ressemble davantage à une inlassable complainte qu’à un programme de bataille.

Recherche désespérément signes encourageants à l’horizon mondial

L’année 2016 débute décidément sur un bien mauvais pied. Où que l’on regarde, le diagnostic est le même : la croissance se fissure et la récession rode. Si le diagnostic n’est pas encore certain, compte-tenu de la réserve de pouvoir d’achat dont disposent les ménages, il augmente en probabilité avec une croissance mondiale vraisemblablement très affaiblie début 2016.

L’économie américaine, déjà en récession?

L’économie américaine renvoie des signes de plus en plus préoccupants. Après l’industrie, en récession depuis plusieurs mois, les services vacillent. Selon Markit, l’indicateur du climat des affaires serait tombé sous le seuil des 50 en février, à 49,8, en chute de 3,4 points par rapport à janvier.

Ce résultat est pour le moins inquiétant, venant notamment s’ajouter à une flopée d’autres signaux négatifs récents :

  • frilosité des dépenses des ménages, sur fond de ralentissement des créations d’emploi
  • repli de la confiance des ménages,
  • baisse des dépenses d’équipement,
  • essoufflement immobilier.

Alors que nombre d’économistes escomptaient des services qu’ils prennent le relais de l’industrie, tel n’est assurément pas le cas. Or, vu la fragilité d’ensemble, il suffirait de peu pour pousser, effectivement, l’économie américaine en récession. Est-ce déjà le cas ? L’hypothèse fait plus qu’effleurer l’esprit !

La baisse des marchés rattrape les consommateurs américains

Nouveau signe préoccupant en provenance de l’économie américaine, la confiance des ménages décroche. Si le sentiment des consommateurs américains sur leur situation présente stationne autour des points hauts de ces derniers mois, leurs anticipations se replient fortement. Avec une baisse de plus de six points sur le seul mois de février, le baromètre du Conference Board sur les perspectives des consommateurs est retombé à un plus bas niveau depuis le début de l’année 2014, une évolution vraisemblablement liée à la chute des marchés et aux pertes de patrimoine associées pour les Américains.

Avec une industrie en récession et des marges des entreprises rognées par l’accélération des coûts salariaux unitaires, difficile de ne pas regarder ce repli de la confiance des ménages d’un œil inquiet.

L’économie allemande flanche

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Chute du PMI, PIB médiocre, IFO en net repli… Les tendances enregistrées par l’économie allemande sont préoccupantes depuis le début de l’hiver.

Alors que la vigueur de la demande domestique avait pu estomper l’anémie industrielle tout au long de l’année dernière, les dernières statistiques décrivent une situation nettement plus préoccupante pour les mois à venir.

Où sont passés les bénéfices de la baisse de l’euro ?

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L’initiation d’une politique de quantitative easing par la BCE début 2015 a largement été plébiscitée par les marchés financiers, justifiant dans une large mesure le rebond des indices boursiers européens en début d’année dernière. Outre l’évacuation du risque souverain que représentait ce passage à l’acte, on escomptait surtout de cette initiative les retombées positives du regain de compétitivité que procurerait la chute de l’euro qu’elle suggérait. De fait, entre le mois de décembre 2014, lorsque la garantie fut donnée que telle serait la direction de la BCE, et la mi-mars, la devise européenne a enregistré une chute de presque 16 % contre le billet vert, s’échangeant ponctuellement à 1,05 USD, son plus bas niveau depuis plus de dix ans. Le taux de change de l’euro n’a pas significativement bougé depuis. Si le changement d’anticipations sur la politique de la Fed a fragilisé le dollar, l’euro a conservé jusqu’à présent, aux environs de 1,11-1,13 USD, une parité nettement inférieure à ce qu’elle a été au cours des dix dernières années.

Comment se fait-il, dès lors, qu’un tel ajustement n’offre pas de résultats plus tangibles sur l’activité et les marges des entreprises européennes et que les parts de marchés s’étiolent ?