Europe : que fais-tu, qu’espères-tu ? Le piège des promesses de la BCE

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Effrayantes, les conséquences de la politique économique de la zone euro le sont de jour en jour davantage. Inutiles sur ce point de faire de longs discours, nous nous contenterons de rappeler que depuis le début de la crise de 2008 l’Espagne a vu confisqués quasiment  tous les gains enregistrés depuis son adhésion à l’union monétaire. Ainsi, fin 2012 :
– Le revenu disponible par habitant était revenu à son niveau de 2004, soit un retour de huit ans en arrière correspondant à une chute de plus de 12 % du revenu réel moyen par adulte de plus de 16 ans.
– Le produit intérieur brut affichait une baisse de 7 % depuis son point haut de 2008 et n’était pas plus élevé qu’au début de l’année 2006.
– Au cours de la même période, la production industrielle avait enregistré une contraction de 35%, plus marquée encore que celle connue par la Grèce (-30%). L’activité industrielle était ainsi retombée à son niveau du début des années quatre-vingt-dix, tout comme les immatriculations automobiles !
– Le chômage, enfin, excluait un espagnol sur quatre du marché du travail et plus de 55% des jeunes de 16 à 24 ans.
Comment un tel ravage peut-il aboutir à quoique ce soit de positif à terme ? La baisse des coûts unitaires de production derrière laquelle les économistes se réfugient pour trouver un sens à cette purge ne pourra avoir que des effets marginaux sur la croissance future. L’industrie n’a jamais été le fort de l’Espagne, en effet. Comment cela pourrait-il changer aujourd’hui, alors que les capacités de production s’érodent davantage de jour en jour et qu’aucune politique de développement structurel d’investissement n’est mise en place ?
L’inquiétude des investisseurs qui, jusqu’à l’été, avait le mérite d’alarmer sur les risques assortis aux choix de politique économique européens n’est plus à l’oeuvre depuis que la BCE a annoncé la mise en place d’un mécanisme de sauvetage des pays en difficulté en septembre. Naïvement nous avons cru que les OMT seraient effectivement utilisées pour rompre avec la logique de destruction qui avait marqué les deux premières années de crise souveraine. Il n’en est rien. Pire, en assurant un rôle de prêteur en dernier ressort, la BCE a anesthésié les marchés. Elle prive ainsi les observateurs d’un système d’alerte parmi les plus efficaces pour aider à prendre conscience des errements de la politique européenne… Combien de temps faudra-t-il maintenant pour que les investisseurs retrouvent un regard critique ?

Moniteur de la croissance mondiale

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Envie d’y croire.

Malgré une situation encore très disparate, le sentiment qui se dégage des derniers indicateurs macro-économiques mondiaux est incontestablement plus favorable aujourd’hui qu’il y a quelques mois :
– Le climat des affaires s’est partout réorienté à la hausse, augurant d’une meilleure tenue des perspectives des industriels ;
– La consommation s’est généralement ressaisie, en témoigne la meilleure tenue des ventes d’automobiles dont la tendance des tout derniers mois contraste assez nettement avec celle du dernier trimestre de l’année dernière ;
– La croissance du commerce mondial se stabilise, quand bien même la dynamique des échanges est encore très affaiblie.
Les effets de cette amélioration sur l’activité réelle sont encore ténus. La production industrielle mondiale s’est tout juste stabilisée en fin d’année sous l’impulsion essentielle de la Chine, creusant ainsi l’écart avec le monde industrialisé. Sans doute faudra-t-il quelques mois encore avant de retrouver une tendance unanimement positive, mais la direction semble bel et bien donnée.

Les mirages du désendettement : le cas italien

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Le FMI, la Commission Européenne, les agences de notation nous l’affirment : la dette publique des pays européens les plus en difficulté devrait plafonner d’ici un ou deux ans et retrouver d’ici 2020 des niveaux plus supportables. Incontestablement bienvenu après la crise de 2012, ce diagnostic ne manque toutefois pas de surprendre. Sur quoi repose-t-il ? Nous avons examiné les schémas retenus par ces différentes institutions pour l’Italie et l’Espagne, dont la dégradation de la situation souveraine a constitué un enjeu majeur en 2012, et la France, au sujet de laquelle les perspectives souveraines soulèvent de nombreuses interrogations. De cette analyse, nous retirons les conclusions suivantes :

  • Ces projections sont toutes affectées d’un biais positif sur les perspectives de croissance structurelle et sur la capacité des pays à mener des politiques durablement très restrictives. Elles sont donc soumises à révisions futures.
  • Ce constat s’applique notamment au cas italien pour lequel le caractère fantaisiste des projections de croissance rend les perspectives de désendettement illusoires. Des prévisions plus conservatrices fermeraient la porte à toute possibilité de stabilisation de la dette d’ici à 2020, période au terme de laquelle le taux d’endettement approcherait alors 140 % du PIB.
  • L’Espagne semble avoir plus de chances de parvenir à stabiliser sa dette à horizon prévisible. Ceci tient au fait que son taux d’endettement est inférieur de 30 pts à celui de l’Italie et, qu’au contraire de cette dernière, l’amélioration de sa croissance potentielle paraît en bonne voie. Notre scénario d’une croissance du PIB réel espagnol de 0,7 % l’an en moyenne entre 2013 et 2020, permettrait une très nette inflexion du rythme de croissance de l’endettement à partir de 2015. La dette publique espagnole pourrait ainsi se stabiliser dans une fourchette de 105 % à 110 % du PIB, un niveau certes sans comparaison avec les projections du FMI ou des agences de notation mais toutefois très inférieur à ce que suggère la situation italienne. 
  • Enfin et malgré les déconvenues actuelles, une inflexion de la trajectoire de la dette française semble encore très accessible. Dans l’hypothèse centrale d’une croissance du PIB réel de 1,2 % en moyenne entre 2013 et 2020, le seul maintien du solde primaire à l’équilibre permettrait de faire refluer le niveau de la dette publique française à partir de 2015.

Au vu de cette analyse, l’Italie est donc une exception et, sans conteste, le cas le plus critique des grands pays de la zone euro. Cette situation représente un risque évident de nouvelles déconvenues, dès lors que les projections aujourd’hui les plus admises seront révisées. Ce pourrait naturellement être le cas après les élections italiennes si, comme on peut le redouter, le nouveau gouvernement en place n’a pas les marges de manœuvre suffisantes pour donner les gages nécessaires aux investisseurs sur sa capacité à infléchir les tendances du surendettement du pays.

Mais de telles perspectives soulèvent une interrogation plus fondamentale de moyen terme sur la capacité de la zone euro à faire face à une situation dans laquelle la troisième économie de la région semble sur la voie d’un sort comparable à celui du Japon…

Traité budgétaire européen : au-delà de la « règle d’or »

Curieux débat que celui sur le nouveau traité européen qui s’est focalisé sur la limite à 0,5 % de déficit structurel des finances publiques, en laissant totalement à l’écart la clause sur la baisse du taux d’endettement. Cette dernière, qui prévoit la réduction à 60 % du niveau des dettes publiques en vingt ans, a potentiellement pourtant, des implications bien plus contraignantes sur la gestion future des finances publiques. Identique pour tous les pays de la zone, quel que soit le niveau de dette initial, cette clause suppose des politiques incroyablement drastiques pour une large majorité d’économies. Au-delà du cas grec, extrême, elle supposerait que l’Italie, abaisse chaque année son niveau de dette de 3,3% de son PIB ; s’agissant de la France, l’effort serait équivalent à 1,5 % par an ; même l’Allemagne serait contrainte de trouver les moyens de réduire son taux d’endettement de plus d’un point par an… De quoi, assurément, laisser dubitatif.

Véronique Riches-Flores

Quand le policy-mix de la zone euro devient une arme de destruction massive

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Les statistiques de la semaine passée devraient avoir levé les derniers doutes sur la situation de la zone euro : les pays de l’Union monétaire sont bien, tous, en récession. Que le troisième trimestre soit in fine un peu moins mauvais que ne le suggéraient les enquêtes de cet été ne change pas la donne. Le rebond inexpliqué de la production automobile qui en est à l’origine, risque, en effet, de coûter cher en croissance au quatrième trimestre à en juger par l’extrême dégradation des carnets de commandes et les arrêts de production déjà programmés dans le secteur pour le mois de novembre.

L’Allemagne n’est aujourd’hui pas mieux lotie que ses partenaires : qu’il s’agisse des enquêtes PMI ou de celles de l’IFO, le diagnostic est bel et bien celui de son entrée imminente en récession (voir à ce sujet « Récession nul n’y échappe, pas même l’Allemagne » du 7 juillet 2012). Les effets en retour sur le reste de la région ne tarderont pas à se faire sentir.

On aurait certainement préféré avoir tort sur ce point, tant la perspective d’une récession, dont tout laisse penser, qu’elle ne sera pas accompagnée des mesures de politique économique nécessaires pour en amortir les effets, est à la fois inédite et immensément inquiétante. 

EUR 4 500 Md : le bilan de la BCE si elle voulait frapper aussi fort que la Fed

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Depuis le début de la crise financière, le bilan de la BCE a été multiplié par plus de deux, passant de 1 500 Md en juin 2008 à 3 100 Md d’euros en août 2012. C’est nettement moins que ce qu’ont fait la plupart des autres grandes banques centrales dans un laps de temps souvent beaucoup plus court. Que la BCE s’apprête à actionner des leviers non-conventionnels supplémentaires n’a donc rien de préoccupant, au contraire. Donner une vraie chance de survie à la zone euro nécessiterait de frapper au moins aussi fort que ce qu’ont fait la Fed et la Banque d’Angleterre, ce qui équivaudrait à augmenter la taille du bilan de la BCE d’environ 1 500 milliards supplémentaires, aux alentours de 4 500 milliards d’euros. Une telle action est nécessaire et l’on ne peut que redouter que la rupture de politique à laquelle la BCE se prépare ne soit pas aussi ambitieuse.

Budget français : « 3 % en 2013, un objectif intangible” ?

A répéter à l’envi que l’objectif de 3 % de déficit public pour 2013 est intangible, le gouvernement français ne rassure pas tout le monde. Que les investisseurs apprécient, au point de payer pour détenir des titres de la dette française, est sans doute en partie le signe du succès de sa communication et l’on ne saurait que s’en féliciter en ces temps où de plus en plus de nos voisins n’ont accès au financement qu’à des conditions exorbitantes. Mais ne soyons pas dupes, la France n’y parviendra pas ! L’exercice déjà ambitieux au vu des perspectives de croissance officielles, respectivement 0,3 % et 1,2 % pour 2012 et 2013, deviendra impossible dès lors que l’économie évoluera en territoire négatif.

Or, après trois trimestres de stagnation, c’est bien par une récession que se soldera la détérioration persistante de l’activité depuis le début de l’été. Selon nos estimations, le taux de croissance du PIB s’établirait autour de zéro cette année et enregistrerait une baisse d’au moins 0,7 % en moyenne l’an prochain. La différence est de taille avec les prévisions actuelles du gouvernement à partir desquelles se basent aujourd’hui les hypothèses budgétaires pour 2012 et 2013 : avec un manque à gagner de respectivement 0,4 et 1,9 point de PIB, soit 2,3 points au total, l’effort nécessaire pour ramener le déficit à 3 % en 2013, initialement prévu à 2,6 % de PIB sur deux ans, s’élèverait ainsi à 3,6 points ! En d’autres termes, un effort inédit, au deux-tiers concentré sur l’année à venir, qui s’il venait à être réalisé, ferait de la France la championne de l’ajustement fiscal au sein de la zone euro… Le calcul laisse dubitatif. Le gouvernement s’apprête-t-il vraiment à tenter le diable ? Lire la suite…

Trêve estivale, et après ? La carotte et le bâton

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Après quelques semaines des plus incertaines, les investisseurs ont salué les promesses de la BCE de la fin juillet et le mois d’août a été celui du répit. Combien de temps patienteront-ils avant d’exiger que ces promesses soient suivies d’actions concrètes et que nous réservent les mesures tant attendues ? En conditionnant les achats de titres souverains espagnols et italiens à la demande préalable d’aide du FESF par les pays concernés, les dirigeants européens persisteraient sur la voie de l’enlisement dans laquelle ils se sont embourbés depuis maintenant plus de deux ans et qui entraîne naturellement dans son sillage un nombre croissant d’économies de la région dans ses abysses. Or rien ne laisse préjuger qu’il en sera autrement.