Bon Beige book ou pas, le scénario de la Fed est à mettre au rebut

La revue régionale de ce mois-ci aurait peut-être été considérée comme satisfaisante en temps normaux mais la situation n’a rien de normal. Depuis le début de l’année, les indices boursiers américains ont perdu beaucoup de terrain, ne parvenant pas à se stabiliser malgré des nouvelles économiques de relative bonne qualité jusqu’à présent. La clôture de mercredi, à deux doigts des plus bas du mois de septembre, est un avertissement que la FED ne pourra ignorer à deux semaines de son prochain FOMC, d’autant que les indices Russel des valeurs moyennes ont pour leur part pris beaucoup plus d’avance sur la tendance baissière du marché…

Indices américains

La FED ne devrait, toutefois, pas avoir de mal à trouver de quoi revoir sa copie dans le Beige Book, plutôt mitigé, de ce mois-ci. Car si le début du rapport débute sur une note encourageante, neuf districts sur douze constatant une hausse de leur activité, la stagnation signalée dans l’État de New-York et du Kansas ou la croissance modeste de celle de plusieurs États industriels tempère l’appréciation générale. C’est néanmoins surtout sur les nouvelles relatives à la consommation que provient la déception. Malgré les bons chiffres de l’emploi récents, les dépenses de consommation semblent avoir ralenti ces dernières semaines. Les températures exceptionnellement clémentes pour cette période de l’année sont mentionnées comme potentiellement responsables tandis que les ventes de voitures se tassent après avoir très fortement augmenté en fin d’année dernière.

Enfin, s’agissant des tendances inflationnistes, cette revue régionale laisse largement le temps à la Fed. Si certaines régions signalent des conditions tendues sur le marché du travail, elles n’en constatent pas les effets sur les salaires, dont le rythme est généralement perçu comme stable, tandis que la plupart des districts parlent de tensions minimales sur les prix.

L’ensemble devrait être largement suffisant pour écarter tout soupçon de hausse des taux directeurs en janvier et pour que s’infléchissent les anticipations de hausses à venir cette année. Dans un contexte d’aversion pour le risque, la voie semble grande ouverte pour un nouveau repli des taux à long terme américains et, potentiellement, du dollar contre l’euro.

Beaucoup d’emplois, peu de salaires, de la place pour une respiration des marchés

Les chiffres de l’ADP sur les créations d’emplois privés publiés mercredi nous avaient préparés à un bon rapport officiel aujourd’hui. Avec 292 000 postes créés en décembre tel et bien le cas. Restait toutefois dans le contexte présent les inquiétudes qu’auraient pu constituer une nouvelle baisse éventuelle du taux de chômage ou une accélération des salaires susceptible de mettre la Fed sous pression. Rien de cela : le taux de chômage est stable à 5 % tout comme les salaires, inchangés en décembre. Autre bonne nouvelle, bien qu’à ce stade toute relative, le taux de participation frémit, notamment celui des jeunes de 16 à 20 ans dont la hausse d’un point, à 55,6%, redonne espoir d’un possible gonflement des ressources de population active susceptible de repousser le risque de tensions salariales. Seule ombre au tableau, la croissance annuelle des salaires s’accélère du fait d’effets de base.

L’ensemble devrait toutefois être plutôt bien perçu par les marchés et la FED, cette dernière retrouvant une certaine latitude avant une éventuelle nouvelle hausse de ses taux directeurs.

Les raisons d’un passage à l’acte de la Fed restent un mystère

On attendait de la publication des minutes du FOMC du mois de décembre qu’elles nous éclairent sur les raisons à l’origine du passage à l’acte de la Fed et sur les développements à venir de sa politique ; force est de constater qu’aucune de ces réponses ne se trouve dans ce compte-rendu. Les minutes du dernier FOMC sont un condensé d’incertitudes sur la grande majorité des points clés de l’analyse de la situation et des perspectives américaines.

  • On avait cru la Fed rassurée sur la situation économique, rien de cela dans ces minutes dans lesquelles la croissance est régulièrement mentionnée comme restant modérée et soumise aux vents contrariants de la hausse du dollar et de la chute des cours du pétrole, la Fed jugeant, au total, le risque sur les perspectives plutôt orienté à la baisse.
  • Le communiqué publié à l’issue du FOMC la suggérait préoccupée par les risques d’inflation, or les minutes n’ont de cesse de rappeler ceux d’une surévaluation de l’inflation future, au vu notamment des anticipations toujours très basses des marchés.

À lire ces minutes, difficile de comprendre les raisons qui ont convaincu la Fed de relever d’un quart de point le niveau de ses taux directeurs le 16 décembre, mouvement souvent qualifié d’historique après 11 ans de baisse ou de statu quo.

Que retirer ce cette lecture ?

  1. La Fed donne l’impression de n’avoir aucune visibilité.
  2. Ses prévisions selon lesquelles elle procèderait à quatre hausses de ses taux en 2016, bien que réitérées par S. Fischer quelques heures avant la publication de ces minutes, semblent, à ce stade, des plus aléatoires.
  3. Dans de telles conditions, la politique de la Fed risque fort de se décider au gré de l’évolution au mois le mois de la situation économique et financière, en d’autres termes, de manière totalement imprévisible à ce stade.

Si une telle situation peut faire refluer les anticipations de hausse des taux et, par là-même, supprimer un élément de risque sur les marchés de capitaux, elle emporte avec elle le sentiment d’avoir gagné en visibilité, ce qui pourrait se révéler à double tranchant dans le contexte présent d’extrême instabilité.

Court-circuit du marché chinois après une chute de 7 % des indices ce 4 janvier

L’année 2016 commence sur les chapeaux de roues en Asie avec une chute de 7 % du marché chinois à l’origine d’une interruption des transactions ce lundi 4 janvier. Alors que les développements du Proche-Orient de ce week-end avaient préparé le terrain pour une rentrée mouvementée, le nouveau repli du PMI manufacturier chinois et celui du yuan ont eu raison de l’humeur des investisseurs régionaux. Un bien mauvais signal pour cette rentrée 2016.

La BCE se ravise, enfin ! Une bonne nouvelle pour l’équilibre mondial

 

L’annonce d’une baisse de seulement 10 points de base de son taux de dépôt, contre 15 points généralement anticipé, avait donné le ton avant la conférence de presse de M. Draghi ; la BCE ne jouerait pas la surenchère. Les annonces qui suivirent le confirment, la BCE a fait le minimum. En d’autres termes : aucune augmentation du rythme d’achat mensuel de ses achats d’actifs, toujours fixés à 60 milliard par mois, la BCE s’étant contentée de prolonger ce programme jusqu’en mars 2017 au moins.

Il s’agit à l’évidence d’un revirement par rapport à ce qu’avait laissé entendre Mario Draghi lors de ses différentes interventions, y compris les plus récentes. Comment expliquer cette volte-face ?

Nous avons suffisamment communiqué sur notre incompréhension à l’idée d’une augmentation du programme d’achats d’actifs et sur les risques qu’elle comportait pour ne pas manquer d’éléments de compréhension (Quelles sont les motivations de M. Draghi?)

  • relative solidité de la croissance en zone euro,
  • ressaisissement généralisé de l’inflation sous-jacente
  • rapide augmentation des coûts salariaux en Allemagne
  • disparition des effets de base pétroliers, susceptibles de faire remonter les taux d’inflation brutalement en début d’année (Regain de volatilité en vue des anticipations d’inflation
  • risque de chute incontrôlée de l’euro alors que la Fed s’apprête à remonter ses taux directeurs
  • risques de tensions en cascade dans le monde émergent (BCE-FED, le clash)

Inflation hors energie UEMEnergie et CPI UEM

Si incompréhension il y a, c’est donc davantage dans le fait que Mario Draghi n’ait pas préparé les marchés à son changement de perception avant la réunion aujourd’hui plutôt que sur les bonnes raisons à l’origine des décisions prises.

Quoi qu’il en soit, la décision de la BCE est incontestablement la bonne et, bien qu’à l’évidence une mauvaise nouvelle pour les marchés européens, elle constitue, au contraire une bonne nouvelle pour les marchés du reste du monde par rapport à ce que l’on pouvait redouter d’une action d’envergure.

 

Fed, la messe de décembre n’est pas dite

Les réserves que nous avons émises ces derniers temps sur un passage à l’acte de la Fed en décembre sont incontestablement renforcées par les mauvaises nouvelles en provenance de l’activité reçues aujourd’hui. Avec un ISM manufacturier à 48,6, l’industrie américaine est vraisemblablement en récession, en effet, et relever le niveau des taux directeurs dans de telles conditions pourrait constituer une erreur gravissime.

Toutes choses égales par ailleurs, les chiffres d’aujourd’hui devraient donc forcer la Fed? à patienter encore malgré sa volonté. Il est toutefois difficile de raisonner de la sorte, notamment à trois jours des chiffres mensuels sur l’emploi? du mois de novembre, plus encore ceux des salaires.

Dans quelle position serait la Fed si la croissance des salaires venait, par exemple, à continuer à se raffermir?… Passerait-elle à l’acte malgré les mauvaises nouvelles en provenance de son industrie et le risque évident de récession qu’elle ferait encourir à l’économie américaine ? Le schéma ne semble pas exclu à en juger par l’impatience affichée par bon nombre de membres de board de la Fed… à moins que les chiffres d’emploi soient définitivement mauvais. Dans l’un ou l’autre cas, la situation n’augure rien de bien réconfortant.

ISM manuf

Monnaie de réserve ou non le yuan devra subir un ajustement à la baisse

La décision du FMI d’inclure le renminbi au panier des monnaies de réserve ne modifie pas la donne : la surévaluation du yuan est insupportable pour le premier atelier et premier exportateur au monde.

En stabilisant son taux de change vis-à-vis du dollar américain ces dernières années, la politique chinoise a conduit à une appréciation inconsidérée de sa devise dont la valeur moyenne s’est appréciée de plus de 30 % ces cinq dernières années, tant en termes nominal que réel. La Chine subit, ainsi, au même titre que l’économie américaine, l’appréciation du billet vert à l’égard du reste du monde ; à cette différence près que sa machine économique est beaucoup plus largement dépendante des exportations que ne l’est l’économie américaine.

Yuan effectifYuan vs main

L’effet éminemment déflationniste de l’appréciation du renminbi explique une bonne part des difficultés de l’économie chinoise de ces dernières années et, par ricochet, celles de l’économie mondiale. Ainsi, quoi qu’en disent les autorités, on voit mal comment, sauf dépréciation inattendue du billet vert, la Chine pourra éviter de procéder à un ajustement de son taux de change, sous une forme ou sous une autre, l’an prochain.

 

Le 28 octobre, la Fed faisait encore tourner ses modèles

Intéressante, l’introduction des minutes du dernier FOMC de la Fed sur la redécouverte des taux d’intérêt réels d’équilibre comme possible instrument de pilotage de la politique monétaire. Dommage que ces travaux ne nous disent pas quel taux réel (r*) est le plus approprié entre celui résultant de l’écart des taux directeurs à l’inflation totale et celui calculé sur la base de la seule inflation sous-jacente. Car il s’agit bien là de la principale question à l’origine de la complexité de la situation en présence. Les écarts d’inflation étant ce qu’ils sont selon que l’on intègre ou non les prix de l’énergie, la mesure des taux réels varie d’autant, soit de quasiment 2 % ! Sauf à faire plaisir aux économistes, ces travaux n’apportent donc pas encore de réponse sur la politique la plus appropriée à la conjoncture actuelle.

taux reels US

C’est bien cette indécision que retranscrivent les minutes du dernier FOMC publiées ce mercredi selon lesquelles la Fed se laissait encore toutes les portes ouvertes… y compris, mais pas seulement, celle d’une éventuelle hausse de ses taux d’intérêt dès le mois de décembre, en fonction des informations économiques publiées d’ici là.

En d’autres termes, au contraire de ce qu’ont intégré les marchés depuis deux semaines, le diagnostic de la Fed était loin d’être arrêté le 28 octobre. Les anticipations de ces derniers jours pourraient donc subir un léger contrecoup, laissant un peu plus de place au doute quant à un passage à l’acte effectif en décembre. Dans de telles conditions, les anticipations sur les taux futurs pourraient retomber quelque peu et le dollar être moins sollicité quand, simultanément, l’attention des marchés sur les publications économiques risque fort de monter d’un cran par rapport à ces derniers jours.