Emploi américain à haut risque après les données de l’ADP

Avec 156 000 emplois créés dans le secteur privé en avril selon les données de l’ADP publiées mercredi, le rapport sur l’emploi attendu cet après-midi devrait avoir du mal à satisfaire les attentes du consensus (200 000).

Données ADP

En l’occurrence, après plusieurs mois au cours desquels la croissance des chiffres officiels a excédé ceux de l’ADP, le risque existe bel et bien d’un rapport sur l’emploi plus mauvais encore que les chiffres de mercredi.

Les écarts entre les deux séries ne perdurent jamais bien longtemps, en effet, et lorsque écart il y a, c’est plus souvent sur les données ?officielles que se font les révisions. À titre indicatif, une re-convergence des deux glissements annuels vers celui de 2 % de l’ADP, supposerait ainsi des créations d’emploi légèrement négatives en avril, ou de sévères révisions sur les mois passés… Une bien mauvaise nouvelle si elle venait effectivement à être validée.

Donnes CES vs ADP

« Wait and see »

Ceux qui attendaient des précisions sur un éventuel changement de cap de sa politique au mois de juin, ne trouveront pas dans le communiqué publié ce soir une quelconque indication. La FED est en mode « wait and see ». En d’autres termes, elle agira en fonction de l’évolution des données économiques, réitérant, toutefois, sa conviction selon laquelle les hausses de taux seront, si elles ont lieu, très graduelles.

De fait, rien dans son communiqué ne suggère une quelconque impatience qui pourrait signaler l’éventualité d’une hausse de ses taux au mois de juin.

  • Si le format résumé du communiqué peut donner le sentiment d’une analyse moins négative sur la situation conjoncturelle américaine que ne l’étaient apparues les minutes du dernier FOMC, les points de faiblesse soulignés aujourd’hui sont les mêmes que ceux évoqués dans le communiqué du 16 mars : investissement productif et exportations nettes.
  • Par ailleurs, la Fed a retiré la référence à l’accélération récente de l’inflation, suggérant un certain apaisement des craintes à cet égard.

Dans un tel contexte et malgré l’élimination de la référence aux risques internationaux signalés en mars, une hausse des taux en juin semble très peu probable.

Les chances que les anticipations des marchés soient une nouvelle fois révisées à la baisse sont donc conséquentes, de quoi, sauf embellie subite peu probable des indicateurs dans les prochaines semaines, créer les conditions d’un nouveau repli du dollar et vraisemblablement d’une nouvelle baisse des taux d’intérêt réels, plus favorable à l’or qu’aux actions…

L’économie américaine, déjà en récession?

L’économie américaine renvoie des signes de plus en plus préoccupants. Après l’industrie, en récession depuis plusieurs mois, les services vacillent. Selon Markit, l’indicateur du climat des affaires serait tombé sous le seuil des 50 en février, à 49,8, en chute de 3,4 points par rapport à janvier.

Ce résultat est pour le moins inquiétant, venant notamment s’ajouter à une flopée d’autres signaux négatifs récents :

  • frilosité des dépenses des ménages, sur fond de ralentissement des créations d’emploi
  • repli de la confiance des ménages,
  • baisse des dépenses d’équipement,
  • essoufflement immobilier.

Alors que nombre d’économistes escomptaient des services qu’ils prennent le relais de l’industrie, tel n’est assurément pas le cas. Or, vu la fragilité d’ensemble, il suffirait de peu pour pousser, effectivement, l’économie américaine en récession. Est-ce déjà le cas ? L’hypothèse fait plus qu’effleurer l’esprit !

Minimum syndical côté Fed

Si l’on pouvait douter de la capacité de la Fed à changer radicalement de ton dès aujourd’hui malgré le contexte de marché (cf notre preview d’hier), on aurait néanmoins pu s’attendre à davantage de nuances par rapport à la voie tracée en décembre. Celles-ci manquent indiscutablement à l’appel. Malgré l’assurance d’une surveillance rapprochée des développements économiques et financiers internationaux, rien ne laisse suggérer, à ce stade, de quelconque remise en cause de son scénario de hausse des taux. La confiance affichée à l’égard des perspectives du marché de l’emploi l’emporte, par ailleurs, assez largement sur le ton du communiqué dont la seule réserve provient du changement de qualificatif porté sur la croissance de la consommation et de l’investissement, abaissé au rang de « modérée » au lieu de « robuste » le mois dernier.

L’absence de référence au FOMC du mois de mars n’est toutefois probablement pas fortuite et l’on comprend qu’il faille sans doute rapprocher ce vide des commentaires relatifs à la révision à la baisse des prévisions de court terme d’inflation liée au pétrole. En d’autres termes, la Fed n’a probablement pas l’intention de relever le niveau de ses taux directeurs dans six semaines mais n’est aucunement prête à modifier plus significativement son scénario, pour l’instant.

À ceux qui escomptaient un soutien monétaire pour contrer la nervosité des marchés financiers, la Fed répond donc par une fin de non-recevoir dont on peut sans grande difficulté imaginer qu’elle fera des déçus, à l’instar de la réaction négative des indices américains à la publication de ce communiqué. L’absence de réaction des taux futurs et le léger repli du dollar vis-à-vis de l’euro et du yen suggèrent toutefois une relative distance des investisseurs à l’égard de ce communiqué, reflet peut-être d’une conviction que la Fed sera in fine plus flexible qu’elle ne le paraît stade. L’ensemble est néanmoins assez peu compatible avec un retour au calme des marchés financiers dont on est tenté d’envisager une sensibilité accrue aux publications économiques après le communiqué de ce soir.

La FED prendrait un risque démesuré à ne pas infléchir son discours mais n’a pas les moyens d’offrir un « put » aux marchés

Un infléchissement du discours de la Fed sur les développements de sa politique monétaire semble indispensable pour ne pas risquer d’attiser la nervosité de marchés internationaux, particulièrement susceptibles ces derniers temps. Dans le contexte présent, nul ne peut dire, en effet, quelle pourrait être la réaction des marchés si d’aventure la Fed laissait entre-ouverte la porte d’une remontée de ses taux directeurs au mois de mars. Janet Yellen mettra-t-elle définitivement à l’écart cette éventualité dans son communiqué de demain ?

On ne peut que le souhaiter, d’autant que les tendances de l’économie américaine ne justifient nullement qu’elle s’arque boute sur son scénario du mois de décembre. Si les dernières statistiques du marché de l’emploi étaient d’un bon cru, de mêmes que les nouvelles sur le front de l’immobilier, les informations en provenance du reste de l’économie ne sont guère à la hauteur de ses attentes : dépenses de consommation décevantes, mollesse de l’activité dans les services, médiocres tendances de l’investissement productif et récession de plus en plus marquée dans l’industrie, rien ne lui permet d’être particulièrement satisfaite par les développements constatés ces dernières semaines. Alors que la nouvelle chute des cours du pétrole met sans doute l’économie à l’abri quelques temps encore, la Fed ferait preuve d’une myopie particulièrement préoccupante en ne regardant pas au-delà de cet effet d’aubaine la montée du risque de récession que soulignent tout à la fois un nombre croissant d’indicateurs économiques et le retournement des marchés.

ISM régionaux US conso

La Fed peut-elle pour autant changer totalement son fusil d’épaule et aller jusqu’à remettre en cause tout scénario de hausse des taux à horizon prévisible ? C’est probablement trop tôt pour l’envisager, ceci pour deux raisons principales :

  1. la nouvelle composition de son board, dont le biais est indiscutablement plus « restrictif » que la précédente,
  2. l’incertitude sur les effets que pourrait avoir une communication susceptible d’être interprétée négativement sur les perspectives américaines.

Difficile dès lors d’envisager une communication particulièrement volontaire de la part de Janet Yellen. La Présidente de la Fed devra sans doute ménager la chèvre et le chou avec un discours probablement moins déterminé qu’en décembre sans remise en cause définitive de son scénario de hausse des taux. En d’autres termes, si Janet Yellen peut soulager les marchés elle n’a guère les moyens de constituer une force de soutien pour ces derniers.

Surtout ne touchez à rien M. Draghi

En s’obstinant à faire baisser l’euro, M. Draghi fragiliserait un peu plus la situation internationale

La nouvelle chute des cours du pétrole sur fond de faiblesse persistante des chiffres d’inflation et de nette dégradation du contexte financier ont ravivé les anticipations d’un geste supplémentaire de la part de la BCE et limité la tendance au raffermissement de l’euro dollar que suscite, par ailleurs, la multiplication des inquiétudes au sujet de l’économie américaine.

Mario Draghi serait, toutefois, probablement mal inspiré de suivre ces tendances. Car non seulement les actions susceptibles d’être prises par la BCE n’ont pas le pouvoir d’avoir un quelconque impact sur les cours du pétrole à l’origine du regain de pressions déflationnistes, mais elles pourraient, même, venir renforcer le stress sur ce marché compte-tenu de leurs effets induits.

Ce n’est pas par l’instauration de taux de dépôts négatifs que l’action de la banque centrale a le plus d’impact sur la situation économique et l’inflation mais par son effet sur le taux de change de l’euro dont la baisse permet de gonfler les marges à l’exportation et d’inflater les prix des biens importés. Or, il faudrait un plan très conséquent pour faire se replier le cours de la monnaie unique un tant soit peu substantiellement dans le contexte présent. À supposer que la BCE parvienne à cette fin, un tel mouvement viendrait, qui plus est, compliquer la donne internationale, en particulier par ce qu’il pourrait impliquer côté chinois et, de facto, asiatique ; à savoir une nouvelle vague d’ajustement des devises, elle-même éminemment nocive pour les perspectives de croissance… et donc les cours du pétrole !

Nous sommes bien au point, en effet, où nul ne peut agir sans prendre en compte les effets en cascade de ses actes et ce qu’ils sont susceptibles d’engendrer mondialement. En sous estimant cette réalité, la Fed a déjà amplement participé à déstabiliser le fragile équilibre mondial ; en s’obstinant à faire dévisser l’euro, une action de la BCE aurait potentiellement le même effet, ruinant ainsi toute chance de bénéficier des avantages recherchés.

Que reste-t-il donc ? Force est de constater que la BCE n’a plus beaucoup de munitions face au regain de stress en présence, sinon des actions de surface qui, in fine, n’auront aucun impact durable. Il lui reste l’option d’un plan massif de financement de l’investissement. Mais sans doute faudra-t-il attendre que nos politiques se réveillent face à l’urgence de la situation en présence avant de pouvoir imaginer qu’une telle issue puisse être sérieusement considérée. Cela prendra vraisemblablement longtemps.

 

L’art de la communication chinoise

Si les commentaires sur les chiffres chinois publiés ce matin foisonnent ce n’est pas tant par les informations qu’ils nous donnent sur la réalité de la situation du pays, maintenant bien connue, que par ce qu’ils nous susurrent en terme d’orientation de politique économique.

Sans surprise, les chiffres sont mauvais, que ce soit ceux du PIB dont la croissance réelle aurait fléchi à 6,8 % au cours des quatre derniers trimestres ; ceux de l’investissement fixe, médiocres, pour lequel les détails pour l’heure disponibles concernent la seule industrie ; ceux, enfin, de la production dont le rythme de progression, après s’être ressaisi le mois dernier, s’est de nouveau replié, à 5,9% l’an.

CHINE

Ce n’est donc pas par ces informations peu surprenantes que se concentrent les regards mais sur le degré de mauvaise surprise que l’on suspecte avoir été savamment travaillés pour attirer l’attention ou, au contraire, sur les éventuelles incohérences, à partir desquelles on tentera de se faire une meilleure idée de la réalité du moment. À ce titre deux informations semblent mériter d’être soulignées :

  1. Le creusement de l’écart négatif entre la croissance nominale et la croissance réelle du PIB, ce dernier atteignant 0,8 % à la fin de l’année dernière, que l’on peut interpréter soit comme un risque de surévaluation de la croissance réelle, soit, comme celui d’un approfondissement de la déflation.
  2. Un nouvel effritement de la croissance des revenus des ménages retombée, par habitant, à son plus faible niveau depuis deux ans, tant en termes nominaux (série officielle) qu’en termes réels (estimé).

Chine PIB nominal et reelChine RDB

 

De ces résultats ont comprend aisément que la politique anti-déflationniste n’a pas encore porté ses fruits et que l’objectif de rééquilibrage de la croissance en faveur de la demande domestique est menacé. De quoi assurément convaincre de l’annonce de nouvelles mesures de la part des autorités pour inverser le cours des choses, ce qui explique la bonne réception de ces informations par les marchés.

Toute la question étant maintenant de savoir ce que pourraient faire les autorités chinoises qui se révèle plus efficace que jusqu’alors :

  • L’accélération des programmes d’investissement publics n’a guère porté ses fruits ces derniers temps et les marges budgétaires se sont assurément rétrécies
  • Les mesures d’assouplissement monétaire se heurtent au surendettement des agents privés et ont été de faible influence sur la situation conjoncturelle ces derniers temps
  • Une dépréciation plus importante du yuan, bien qu’indispensable, est synonyme d’alourdissement de la dette en dollars des entreprises locales et risque de pénaliser les ménages.

 

Avalanche de mauvais chiffres aux Etats-Unis, une mauvaise note pour cette dernière séance de la semaine

Le beige Book avait attiré l’attention sur la médiocre situation de l’Etat de New-York, la chute de l’Empire manufacturing le confirme. Tombé à -19,4 en janvier, l’indicateur est à son plus bas niveau depuis 2009 quand les perspectives marquent une chute de 26 points, suggérant une nette aggravation de la situation dans l’industrie.
US empire
Par ailleurs, les ventes de détail se sont repliées de 0,1% en décembre, un piètre résultat dans le contexte présent. Malgré la forte progression du pouvoir d’achat occasionnée par la chute des cours du pétrole et l’amélioration du marché de l’emploi, les ménages américains n’ont pas le cœur à la dépense. Les conditions climatiques très clémentes, également soulignées par le Beige Book, expliquent sans doute une partie de ces déceptions mais force est de constater qu’entre les hivers trop froids et les hivers trop chaud, les résultats ne sont pas au rendez-vous des attentes.
Difficile d’envisager dans un tel cas de figure que la Fed ne modifie pas sa communication dès son prochain FOMC dans deux semaines. Il lui faudra assurément mettre de l’eau dans son vin!
On peut redouter que ces mauvaises nouvelles attisent les tensions sur des marchés déjà bien nerveux ce vendredi sur fond de nouvelle baisse des cours du brut, en chute de plus de 5% cet après-midi en Europe.