La Fed, pas si « dovish »

Ce n’est pas tant sur la hausse de ses taux que sur ce qui l’accompagnerait que la Fed était attendue. Or, le communiqué est clair : la Fed est en mode de resserrement. Rien ne laisse supposer dans l’analyse publiée à l’issue du FOMC un exercice de remontée des taux directeurs particulièrement étalé dans le temps. La Fed a fait ses comptes : il suffit que les prix du pétrole se stabilisent pour que l’effet de base négatif de leur chute passée sur le taux d’inflation s’estompe. Nous retrouvons là nos propres estimations (voir à ce sujet Regain des anticipations d’inflation) selon lesquelles, aux cours actuels du pétrole, le taux d’inflation devrait remonter de près de cinq dixièmes au premier trimestre. Avec des mesures de l’inflation sous-jacentes pour la plupart déjà aux environs de 2 %, la Fed ne souhaite pas rester inerte face à un tel changement.

Sauf poursuite de la chute des cours du pétrole à un rythme suffisamment rapide pour prévenir ce tassement des effets de base, la Fed s’apprête donc à relever le niveau de ses taux en début d’année prochaine, sinon dès la prochaine réunion, du moins à celle de mars.

L’ensemble est moins accommodant que généralement anticipé et il faudra vraisemblablement un nouveau flot de mauvaises nouvelles conjoncturelles pour convaincre que la Fed ne relèvera pas ses taux autant que le suggèrent ses propres prévisions (deux fois plus agressives que ce qu’intégraient les marchés ces derniers jours).

À brève échéance, ces éléments suggèrent une accélération à la hausse des taux longs et du dollar ; une bonne nouvelle relative pour les bourses européennes et japonaise, moins bonne en revanche pour les marchés émergents, notamment chinois et hongkongais (la Banque centrale de Hong-Kong a suivi la Fed en relevant de 25 point de base son taux directeur).

La communication de la Fed ouvre la voie à un regain de volatilité sur les marchés de taux. À ce titre, une stabilisation des cours du pétrole pourrait créer les conditions d’une embardée des taux longs rapidement dommageable aux perspectives de croissance. Les développements sur le marché pétrolier auront en toute état de cause une influence déterminante sur l’évolution des anticipations de taux des jours à venir.

Le 28 octobre, la Fed faisait encore tourner ses modèles

Intéressante, l’introduction des minutes du dernier FOMC de la Fed sur la redécouverte des taux d’intérêt réels d’équilibre comme possible instrument de pilotage de la politique monétaire. Dommage que ces travaux ne nous disent pas quel taux réel (r*) est le plus approprié entre celui résultant de l’écart des taux directeurs à l’inflation totale et celui calculé sur la base de la seule inflation sous-jacente. Car il s’agit bien là de la principale question à l’origine de la complexité de la situation en présence. Les écarts d’inflation étant ce qu’ils sont selon que l’on intègre ou non les prix de l’énergie, la mesure des taux réels varie d’autant, soit de quasiment 2 % ! Sauf à faire plaisir aux économistes, ces travaux n’apportent donc pas encore de réponse sur la politique la plus appropriée à la conjoncture actuelle.

taux reels US

C’est bien cette indécision que retranscrivent les minutes du dernier FOMC publiées ce mercredi selon lesquelles la Fed se laissait encore toutes les portes ouvertes… y compris, mais pas seulement, celle d’une éventuelle hausse de ses taux d’intérêt dès le mois de décembre, en fonction des informations économiques publiées d’ici là.

En d’autres termes, au contraire de ce qu’ont intégré les marchés depuis deux semaines, le diagnostic de la Fed était loin d’être arrêté le 28 octobre. Les anticipations de ces derniers jours pourraient donc subir un léger contrecoup, laissant un peu plus de place au doute quant à un passage à l’acte effectif en décembre. Dans de telles conditions, les anticipations sur les taux futurs pourraient retomber quelque peu et le dollar être moins sollicité quand, simultanément, l’attention des marchés sur les publications économiques risque fort de monter d’un cran par rapport à ces derniers jours.

Trois scénarios en six semaines, J. Yellen est-elle perdue ?

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Nous avions publié à la veille du FOMC des 17 et 18 septembre trois scénarios envisageables sur la décision de la Fed et leurs conséquences respectives pour les marchés financiers. Si comme nous l’avions anticipé, le scénario d’un statu quo, alors estimé le plus probable, a bien été celui privilégié à l’issue de cette réunion, sa position a, depuis, singulièrement évolué ! C’est, en effet, le scénario n°2 qu’elle semblait privilégier à la suite du FOMC des 27 et 28 octobre, la semaine dernière et c’est aujourd’hui le scénario n°3 qu’elle a donné l’impression d’avoir en tête…

En d’autres termes Janet Yellen donne fort l’impression de naviguer à vue, au point que certains députés semblent tentés de s’en remettre aux forces divines pour définir le meilleur timing de la hausse des taux…

Fed, un bien mauvais timing !

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On aurait pu imaginer meilleur timing que la veille de la publication des chiffres de croissance du troisième trimestre pour la confirmation qu’une hausse des taux restait envisagée par le FOMC pour le mois de décembre. Car, force est de constater que les données publiées hier ne servent guère la cause défendue par la Fed dans son dernier communiqué. Au-delà de l’instabilité inhérente à toute comptabilité trimestrielle, c’est bien la confirmation d’un ralentissement de la croissance et l’absence de quelconques pressions inflationnistes que décrivent les estimations préliminaires du PIB du troisième trimestre.

US PIB

Vous avez aimé Mario, pas sûr que vous aimiez Janet

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Texte écrit pour publication sur le site de Boursorama le 29/10/2015

Changement de décor, la Fed maintien la possibilité d’une hausse de ses taux d’intérêt en décembre ! La surprise est grande tant son communiqué du mois de septembre et, plus encore, les médiocres développements de l’économie américaine de ces derniers temps avaient convaincu qu’elle ne pourrait se permettre d’amorcer un cycle de hausse des taux avant la fin de l’année. Passera-t-elle à l’acte pour autant le 16 décembre ? Rien n’est moins sûr, ceci pour au moins deux raisons.

Suspens jusqu’au bout

Analyse du FOMC du 28 octobre.

Contrairement à nos attentes, la Fed ne ferme pas la porte à une hausse des taux en décembre, laissant même celle-ci totalement ouverte… en fonction des progrès, tant observés qu’anticipés, sur ses deux objectifs.

Étonnant, pour le moins, à en juger par la tournure de la conjoncture américaine de ces dernières semaines (voir les illustrations de notre commentaire de ce matin). Tout aussi étonnant est le résumé de la situation économique, passant sous silence la plupart des sujets de déception récents pour qualifier la croissance de modérée, l’investissement et les dépenses de consommation en croissance solide et l’immobilier en amélioration plus marquée ; la détérioration des exportations nettes étant le seul point négatif clairement souligné.

Décidément la lecture de la situation en présence à bien changé en six semaines malgré une avalanche d’indicateurs qui, pourtant, semblaient abonder dans le sens défendu par la Fed en septembre. Comment expliquer ce revirement ?

Nous voyons trois explications possibles :

  1. La Fed réagi à l’incompréhension provoquée par son communiqué de septembre en prenant le contre-pied de ce qu’elle a dit il y a six semaines, préférant brosser les marchés dans le sens du poil plutôt que de risquer de créer une nouvelle vague de panique. Une telle posture dénoterait un problème de communication majeur et un manque problématique d’assurance et d’indépendance à l’égard des marchés.
  2. La Fed prend le risque de se tromper dans son diagnostic conjoncturel en passant sous silence les développements susceptibles de remettre en question son scénario. Elle pourrait donc commettre ce que nous considérerions comme une erreur majeure en remontant le niveau de ses taux le 16 décembre.
  3. Les « colombes » sont en position de faiblesse au sein du board de la Fed et n’ont pu obtenir de ce dernier la mise à l’écart d’une éventuelle hausse des taux en décembre que les faucons continuent à envisager comme possible ou souhaitable. Au même titre que la précédente, cette dernière hypothèse, la plus convaincante, pose toutefois d’emblée la question du risque d’un passage à l’acte en décembre.

La partie s’annonce donc tendue et la crispation autour des publications économiques à venir, proportionnelle. Les bonnes nouvelles, susceptibles de faire monter les anticipations de hausse des taux, ont tout lieu de provoquer d’importantes tensions ponctuelles sur les taux à long terme tandis que les mauvaises, susceptibles d’être perçues comme insuffisantes pour prévenir une hausse des taux, risquent d’avoir un retentissement plus important sur les marchés d’actions.

Au total, le calme n’est pas près de revenir d’ici au 16 décembre !

 

Un communiqué de la Fed des plus « dovish » ce soir

Dans la partie de son communiqué consacrée aux développements économiques depuis sa dernière réunion de septembre, la Fed aura bien du mal à trouver de quoi rosir le tableau d’une économie américaine en proie à un risque de plus en plus grand de récession. Mentionnera-t-elle cet état de fait ? C’est peu probable mais, s’agissant de l’appréciation portée sur l’évolution de la balance des risques assortis aux perspectives américaines, nul doute que celle-ci penche de plus en plus nettement du côté négatif. Revenons sur les principaux traits de la conjoncture qui traditionnellement figurent dans le communiqué du FOMC :

  • L’activité industrielle a continué à se détériorer. Seront mentionnées ici les retombées négatives de la chute de l’activité dans le secteur énergétique et le contrecoup de la hausse du taux de change du dollar sur fond d’un environnement international difficile.
  • L’activité des services a plutôt bien résisté et s’est développée plus solidement depuis le début de l’été mais le momentum de la croissance s’y est tassé ces derniers temps, du fait principalement de deux raisons :
    • Le resserrement des marges des entreprises
    • Une relative frilosité des consommateurs malgré les retombées positives de la baisse des prix de l’énergie.
  • L’ensemble a pesé sur les dépenses d’investissement dont on peut légitimement anticiper une contraction ces derniers mois, en bonne partie liée à l’impact négatif du secteur énergétique sur les dépenses d’équipement et, plus généralement, à la baisse du degré de d’utilisation des capacités productives.

US durables good orders & TUC

  • Enfin, les exportations américaines ont souffert des effets combinés de la hausse du taux de change et d’une demande internationale ralentie, notamment impactée par la situation des pays émergents.

US exports et ISM

Au total, la Fed communiquera vraisemblablement sur un net ralentissement de la croissance au troisième trimestre, période durant laquelle le rythme de hausse du PIB devrait avoir été divisé par deux par rapport au deuxième trimestre.

Son appréciation sur les deux piliers de sa fonction de réaction, le taux de chômage et l’inflation, ne devrait pas aller à contre sens.

  • Nul doute que les déceptions sur le front des créations d’emplois seront soulignées par la Fed pour justifier sa prudence passée, d’autant que bon nombre des indicateurs suivis pour jauger de l’amélioration des conditions du marché du travail se sont également retournées dans le courant de l’été.
  • Quant à l’inflation, les derniers développements renforcent assez clairement sa communication du mois de septembre, à savoir : les risques sont à la baisse. Difficile en effet de trouver dans le détail des données sur l’environnement de prix de quelconques raisons d’inquiétudes, au-delà des loyers qui, pour  l’instant, n’ont aucun effet de diffusion sur le reste de l’économie ou les salaires.

On voit mal dès lors comment la Fed pourrait maintenir ses guidances sur les développements à venir en matière de politique monétaire, notamment sur l’éventualité d’une hausse des taux d’ici la fin de l’année, soit dans six semaines. La question est donc, davantage, sur la manière dont elle évacuera ce scénario malencontreusement martelé depuis le printemps sans se discréditer et sans risquer de créer un nouveau vent de panique sur les marchés financiers.

Les données en trompe l’œil de l’immobilier américain

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Si les statistiques américaines ont souvent déçu ces derniers temps, les nouvelles sur le front immobilier ont été largement épargnées : en septembre, le climat des affaires auprès des constructeurs a retrouvé son plus haut niveau depuis 10 ans quand les mises en chantiers de logements neufs ont signé une progression de 6,5 %, correspondant à une croissance annuelle de 17,5 %. À ce rythme, nul doute que le marché de la construction se porte bien. La situation n’a pourtant pas grand-chose de comparable avec ce qu’a connu l’économie américaine avant la crise de 2008, en particulier parce que les retombées de cette bonne tenue du marché de la construction ne sont guère perceptibles au-delà du marché immobilier lui-même. Comment l’expliquer ?