Commerce extérieur chinois ou l’état du monde

Si l’argument des données du commerce extérieur chinois du mois de décembre, mis en avant pour justifier le rebond des marchés asiatiques de la nuit dernière, mérite d’être relativisé, ces statistiques ne manquent, toutefois, pas d’intérêt.

  1. les chiffres de décembre constituent un bon cru;
  2. les exportations à destination de l’UE ont constitué le principal support au rebond des exportations, le mouvement devrait se poursuivre début 2016;
  3. la contribution des importations chinoises à la croissance du PIB mondial des cinq dernières années a probablement été abaissée à zéro.

Beaucoup d’emplois, peu de salaires, de la place pour une respiration des marchés

Les chiffres de l’ADP sur les créations d’emplois privés publiés mercredi nous avaient préparés à un bon rapport officiel aujourd’hui. Avec 292 000 postes créés en décembre tel et bien le cas. Restait toutefois dans le contexte présent les inquiétudes qu’auraient pu constituer une nouvelle baisse éventuelle du taux de chômage ou une accélération des salaires susceptible de mettre la Fed sous pression. Rien de cela : le taux de chômage est stable à 5 % tout comme les salaires, inchangés en décembre. Autre bonne nouvelle, bien qu’à ce stade toute relative, le taux de participation frémit, notamment celui des jeunes de 16 à 20 ans dont la hausse d’un point, à 55,6%, redonne espoir d’un possible gonflement des ressources de population active susceptible de repousser le risque de tensions salariales. Seule ombre au tableau, la croissance annuelle des salaires s’accélère du fait d’effets de base.

L’ensemble devrait toutefois être plutôt bien perçu par les marchés et la FED, cette dernière retrouvant une certaine latitude avant une éventuelle nouvelle hausse de ses taux directeurs.

Les raisons d’un passage à l’acte de la Fed restent un mystère

On attendait de la publication des minutes du FOMC du mois de décembre qu’elles nous éclairent sur les raisons à l’origine du passage à l’acte de la Fed et sur les développements à venir de sa politique ; force est de constater qu’aucune de ces réponses ne se trouve dans ce compte-rendu. Les minutes du dernier FOMC sont un condensé d’incertitudes sur la grande majorité des points clés de l’analyse de la situation et des perspectives américaines.

  • On avait cru la Fed rassurée sur la situation économique, rien de cela dans ces minutes dans lesquelles la croissance est régulièrement mentionnée comme restant modérée et soumise aux vents contrariants de la hausse du dollar et de la chute des cours du pétrole, la Fed jugeant, au total, le risque sur les perspectives plutôt orienté à la baisse.
  • Le communiqué publié à l’issue du FOMC la suggérait préoccupée par les risques d’inflation, or les minutes n’ont de cesse de rappeler ceux d’une surévaluation de l’inflation future, au vu notamment des anticipations toujours très basses des marchés.

À lire ces minutes, difficile de comprendre les raisons qui ont convaincu la Fed de relever d’un quart de point le niveau de ses taux directeurs le 16 décembre, mouvement souvent qualifié d’historique après 11 ans de baisse ou de statu quo.

Que retirer ce cette lecture ?

  1. La Fed donne l’impression de n’avoir aucune visibilité.
  2. Ses prévisions selon lesquelles elle procèderait à quatre hausses de ses taux en 2016, bien que réitérées par S. Fischer quelques heures avant la publication de ces minutes, semblent, à ce stade, des plus aléatoires.
  3. Dans de telles conditions, la politique de la Fed risque fort de se décider au gré de l’évolution au mois le mois de la situation économique et financière, en d’autres termes, de manière totalement imprévisible à ce stade.

Si une telle situation peut faire refluer les anticipations de hausse des taux et, par là-même, supprimer un élément de risque sur les marchés de capitaux, elle emporte avec elle le sentiment d’avoir gagné en visibilité, ce qui pourrait se révéler à double tranchant dans le contexte présent d’extrême instabilité.

Bienvenue en 2016 !

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… Les dix points clés de l’actualité économique et financière de ce début d’année 2016.

  • Correction des marchés mondiaux, an II
  • Chine : l’indice Shanghai et le yuan
  • Pétrole : 50 ou 20$/b ?
  • L’inflation mondiale 2 % ou 4 % ?
  • Fed : 50 ou 150 points de base de hausse des taux ?
  • Économie américaine : hiver doux ?…
  • … Ou hiver manufacturier ?
  • Nouvelle donne allemande
  • La croissance domestique allemande ne fait pas le DAX
  • Démondialisation : la tendance est plus rapide que prévu

Court-circuit du marché chinois après une chute de 7 % des indices ce 4 janvier

L’année 2016 commence sur les chapeaux de roues en Asie avec une chute de 7 % du marché chinois à l’origine d’une interruption des transactions ce lundi 4 janvier. Alors que les développements du Proche-Orient de ce week-end avaient préparé le terrain pour une rentrée mouvementée, le nouveau repli du PMI manufacturier chinois et celui du yuan ont eu raison de l’humeur des investisseurs régionaux. Un bien mauvais signal pour cette rentrée 2016.

L’inconnue pétrolière du scénario 2016

Inflation, pouvoir d’achat, taux d’intérêt… Avant de s’enquérir du scénario de tel ou tel, mieux vaut lui demander quelle est son hypothèse de prix du pétrole, car c’est bien de cette dernière que devrait dépendre l’essentiel des prévisions pour cette année. Après une division par trois des cours du brut en moins de dix-huit mois, nul n’y échappe ; même l’hypothèse de prix inchangés, généralement utilisée pour neutraliser l’impact d’une variable considérée comme exogène, ne permet pas de passer outre l’influence des effets de base de la chute des cours du pétrole sur les éléments clés du scénario mondial 2016. Difficile, dès lors, de faire l’impasse sur cet épineux sujet et ce qu’il peut nous réserver.

petrole et inflation mondiale Lire la suite…

La Fed, pas si « dovish »

Ce n’est pas tant sur la hausse de ses taux que sur ce qui l’accompagnerait que la Fed était attendue. Or, le communiqué est clair : la Fed est en mode de resserrement. Rien ne laisse supposer dans l’analyse publiée à l’issue du FOMC un exercice de remontée des taux directeurs particulièrement étalé dans le temps. La Fed a fait ses comptes : il suffit que les prix du pétrole se stabilisent pour que l’effet de base négatif de leur chute passée sur le taux d’inflation s’estompe. Nous retrouvons là nos propres estimations (voir à ce sujet Regain des anticipations d’inflation) selon lesquelles, aux cours actuels du pétrole, le taux d’inflation devrait remonter de près de cinq dixièmes au premier trimestre. Avec des mesures de l’inflation sous-jacentes pour la plupart déjà aux environs de 2 %, la Fed ne souhaite pas rester inerte face à un tel changement.

Sauf poursuite de la chute des cours du pétrole à un rythme suffisamment rapide pour prévenir ce tassement des effets de base, la Fed s’apprête donc à relever le niveau de ses taux en début d’année prochaine, sinon dès la prochaine réunion, du moins à celle de mars.

L’ensemble est moins accommodant que généralement anticipé et il faudra vraisemblablement un nouveau flot de mauvaises nouvelles conjoncturelles pour convaincre que la Fed ne relèvera pas ses taux autant que le suggèrent ses propres prévisions (deux fois plus agressives que ce qu’intégraient les marchés ces derniers jours).

À brève échéance, ces éléments suggèrent une accélération à la hausse des taux longs et du dollar ; une bonne nouvelle relative pour les bourses européennes et japonaise, moins bonne en revanche pour les marchés émergents, notamment chinois et hongkongais (la Banque centrale de Hong-Kong a suivi la Fed en relevant de 25 point de base son taux directeur).

La communication de la Fed ouvre la voie à un regain de volatilité sur les marchés de taux. À ce titre, une stabilisation des cours du pétrole pourrait créer les conditions d’une embardée des taux longs rapidement dommageable aux perspectives de croissance. Les développements sur le marché pétrolier auront en toute état de cause une influence déterminante sur l’évolution des anticipations de taux des jours à venir.

La BCE se ravise, enfin ! Une bonne nouvelle pour l’équilibre mondial

 

L’annonce d’une baisse de seulement 10 points de base de son taux de dépôt, contre 15 points généralement anticipé, avait donné le ton avant la conférence de presse de M. Draghi ; la BCE ne jouerait pas la surenchère. Les annonces qui suivirent le confirment, la BCE a fait le minimum. En d’autres termes : aucune augmentation du rythme d’achat mensuel de ses achats d’actifs, toujours fixés à 60 milliard par mois, la BCE s’étant contentée de prolonger ce programme jusqu’en mars 2017 au moins.

Il s’agit à l’évidence d’un revirement par rapport à ce qu’avait laissé entendre Mario Draghi lors de ses différentes interventions, y compris les plus récentes. Comment expliquer cette volte-face ?

Nous avons suffisamment communiqué sur notre incompréhension à l’idée d’une augmentation du programme d’achats d’actifs et sur les risques qu’elle comportait pour ne pas manquer d’éléments de compréhension (Quelles sont les motivations de M. Draghi?)

  • relative solidité de la croissance en zone euro,
  • ressaisissement généralisé de l’inflation sous-jacente
  • rapide augmentation des coûts salariaux en Allemagne
  • disparition des effets de base pétroliers, susceptibles de faire remonter les taux d’inflation brutalement en début d’année (Regain de volatilité en vue des anticipations d’inflation
  • risque de chute incontrôlée de l’euro alors que la Fed s’apprête à remonter ses taux directeurs
  • risques de tensions en cascade dans le monde émergent (BCE-FED, le clash)

Inflation hors energie UEMEnergie et CPI UEM

Si incompréhension il y a, c’est donc davantage dans le fait que Mario Draghi n’ait pas préparé les marchés à son changement de perception avant la réunion aujourd’hui plutôt que sur les bonnes raisons à l’origine des décisions prises.

Quoi qu’il en soit, la décision de la BCE est incontestablement la bonne et, bien qu’à l’évidence une mauvaise nouvelle pour les marchés européens, elle constitue, au contraire une bonne nouvelle pour les marchés du reste du monde par rapport à ce que l’on pouvait redouter d’une action d’envergure.