L’inflation américaine, le casse-tête de la Fed et le principal danger pour les marchés

Les chiffres d’inflation du mois de janvier sont une bien mauvaise nouvelle pour la Fed dans le contexte présent. Malgré une stagnation de l’indice des prix au mois de janvier, le taux d’inflation remonte de 1,3 % à 1,4 % mais, surtout, l’inflation sous-jacente accélère à 2,2 % ce qui pourrait bien constituer un signal d’alarme pour les plus inquiets des membres du board de la Fed sur les tendances inflationnistes.
La poursuite de l’accélération des prix dans les services, remontée à 3,1 % en janvier, est la principale cause de ce changement que l’on ne peut plus incriminer à la seule hausse des loyers dont la croissance s’est, en l’occurrence, stabilisée, à 3,7 % depuis la fin de l’automne. Résultat, la plupart des mesures d’inflation souligne une accélération des tendances à la hausse de l’inflation que la Fed ne pourra que regarder d’un mauvais œil.

Inflation US

Au moment où, simultanément, les effets de base négatifs des prix de l’énergie se tarissent, les craintes d’un dérapage de l’inflation sont susceptibles de nettement s’intensifier. En janvier, malgré un nouveau, bien que modéré, repli des prix de l’énergie (-1,75 % sur le mois), la baisse sur un an du poste « énergie » n’est plus que de 6,5 %, au lieu de 12,6 % le mois précédent et -15 % en novembre ; la contribution négative des prix de l’énergie à l’inflation totale est ainsi passée de -1 % à -0,4 % en l’espace de deux mois. Or, la tendance n’est assurément pas terminée. En l’absence de baisse supplémentaire des cours du pétrole, ces effets de base négatifs devraient continuer à s’éroder, faisant remonter le taux d’inflation d’autant, soit rapidement aux environs de l’objectif de 2 % de la Fed.

Effets de base énergie

Il faudra en conséquence de biens mauvaises données économiques pour retenir la Fed dans son intention de remonter ses taux d’intérêt.

Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’une bien mauvaise nouvelle pour la Fed et les marchés, gare au retour de volatilité sur les marchés de taux, le change et les actions !

Octobre bis ?

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Entre les rebonds techniques des marchés, assimilables à une respiration, et les premiers signaux d’une embellie durable, l’appréciation est souvent périlleuse, d’autant que, sans forcément s’inscrire dans la durée, les phases de récupération peuvent être spectaculaires, à l’image de ce qui s’est passé en octobre dernier.

Aux éléments de soutien en présence nous opposons un certain nombre de réserves.

L’instant Yellen

Il faut que les banquiers centraux aient perdu beaucoup de leur aura pour que leurs déclarations aient aussi peu d’effets durables.

Si le discours de Janet Yellen devant le Chambre des représentants a failli convaincre ça n’aura, en effet, été que pour un court instant. Celui où les marchés ont -bizarrement, d’ailleurs- paru convaincu de la bonne nouvelle que pouvait constituer l’absence de changement d’orientation de la politique de la Fed. Un peu comme les propos rassurants d’un grand sage dans la tourmente, l’allocution de J. Yellen a, d’abord, soulagé. Sans doute certains ont-ils considéré dans un premier temps que si la Fed envisageait toujours de relever le niveau de ses taux d’intérêt cette année, c’était que la situation n’était pas inquiétante. De sorte que taux longs, dollar, bourses et pétrole ont emboîté le pas à la Présidente de la Fed dans un mouvement de regain d’enthousiasme spectaculaire.

Signe, toutefois, de l’extrême fébrilité du moment, il s’est fallu une heure à peine pour que ces positions se débouclent. Après avoir chuté jusqu’à 1,117 USD, l’euro est revenu se positionner à 1,127 USD, un niveau peu éloigné de celui de ces derniers jours, quand bien même légèrement en retrait des 1,13 de ce matin. Les taux à deux ans américains ont, en effet, repris un peu de terrain après le discours de Mme Yellen, repassant au-dessus du seuil de 0.7 % qu’ils avaient franchi ces derniers jours. Les indices boursiers se cherchent, quant à eux, alternant depuis le début de l’après-midi les phases de regain et de perte de confiance sans sembler trouver de direction.

Que retenir de tout ceci ? Probablement pas grand-chose, sinon :

1- que Mme Yellen n’avait probablement pas d’autre choix que de présenter les choses comme elle l’a fait. Impossible dans le cadre de cet exercice devant le Congrès de prendre une position éminemment différence de celle défendue lors du dernier FOMC dans un contexte où le clan des « Hawks » est aujourd’hui largement représenté au sein du board.

2- que le discours de la Fed ne parvient pas à convaincre. Si les taux à deux ans se sont légèrement tendus, c’est, à l’inverse, un repli qu’accusent les taux à 10 ans. Autrement dit, les marchés ne semblent prêts à acheter le scénario de la Fed qu’au prix d’un aplatissement de la courbe des taux assez largement contradictoire avec le scénario macro-économique de la Fed. L’écart de taux 2-10 ans est retombé à 100 points de base, son plus bas niveau depuis fin 2007.

3- l’incertitude sur la possibilité d’une remontée des taux à l’issue du prochain FOMC (le 16 mars) à tout lieu de rester en place, ce qui ne peut être qu’une source de volatilité persistante sur les marchés, notamment des changes.

4- L’hélicoptère Janet n’est pas enclenché, en d’autres termes, la Fed ne viendra pas au secours des marchés à brève échéance.

Tant de raisons de ne pas céder à la tentation

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La tentation d’un certain nombre d’investisseurs de revenir sur les marchés les plus sévèrement sanctionnés semble, à de nombreux égards, prématurée. La correction que traversent les bourses mondiales n’a aucune raison, à ce stade, de s’interrompre mais cumule, au contraire, tous les risques d’accélération à la baisse.
Il y a plusieurs arguments à l’origine de cette conclusion.
  1. Aucune action tangible de politique économique ne semble envisageable à brève échéance.
  2. Après quasiment sept semaines de repli, les risques financiers se multiplient.
  3. La surperformance des valeurs industrielles est de plus en plus difficile à justifier, on peut donc, encore, craindre un ajustement de ce côté-ci.

L’économie américaine et la Fed dans un corner

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Il y a une évidente incompréhension à l’idée que l’économie américaine puisse retomber en récession cette année compte-tenu des conditions en présence, notamment :

  • un niveau historiquement faible des taux d’intérêt,
  • l’abondance de pouvoir d’achat et la relative solidité du marché de l’emploi,
  • une solide croissance du crédit sur fond de détente des taux d’endettement des ménages,
  • une bonne tenue du marché immobilier.

Le risque d’une récession dès avant la fin de cette année est pourtant bel et bien réel. Il y a plusieurs raisons à l’origine de ce diagnostic que nous privilégions depuis le printemps dernier, parmi lesquelles, toutefois, une a plus de valeur que toutes les autres ; il s’agit de la combinaison de deux phénomènes typiques de la phase du cycle au cœur de laquelle se situe l’économie américaine aujourd’hui, qui voit simultanément se concrétiser :

1-  une usure des gains de productivité, à partir de niveaux anormalement faibles dans le cas présent,

2-  en même temps qu’une hausse des salaires, bien que relativement contenue à ce stade.

De telles configurations ont, par le passé, systématiquement propulsé l’économie en récession, ceci quel qu’ait pu être le degré de restriction monétaire pratiqué par la Fed au cours de ces différents épisodes ; le fait étant inhérent aux articulations économiques à l’œuvre dans de tels cas de figure.

Moins d’emplois, plus de salaires… un bien mauvais cocktail

Dans le champ des possibles, c’est en quelque sorte le pire des rapports sur l’emploi américain que l’on pouvait attendre qui vient d’être publié, avec :

  • Une nette décélération des créations de postes en janvier, à 150 000 seulement, soit presque moitié moins que les chiffres initiaux du mois de décembre (révisés toutefois à 262K) et un quart inférieur aux chiffres préliminaires de l’ADP relatifs au seul secteur privé. Sur un an le rythme de croissance de l’emploi s’affaisse à 1,9% pour l’emploi total.

Emploi US

  • Une hausse mensuelle des salaires de 0,5 %, deux fois supérieure aux mouvements enregistrés en moyenne en 2015 -exception faite du mois de janvier quand un certain nombre d’entreprises avaient procédé à de hausses de rémunérations pour les bas salaires-, qui ne manquera pas d’être interprété comme un signal fort par les plus « hawkish » des membres de la Fed malgré le léger repli du taux de croissance annuel.

Salaires US

  • Une nouvelle baisse du taux de chômage, à 4,9%, qui là encore risque de conduire à une multiplication des craintes inflationnistes à brève échéance. `

En d’autres termes de quoi créer une nouvelle vague d’incertitudes sur la manière dont la FED interprétera ce rapport, d’où le rebond des taux à 2 ans et celui du dollar, et sur que qu’il signifie en matière de risque pour la croissance alors que les entreprises américaines, en proie à des pertes de productivité, font dorénavant face à une hausse significative de leur coûts salariaux unitaires, synonyme de pincement de leurs marges.

Si le repli de l’euro peut momentanément soulager les bourses européennes, il ne fait aucun doute que ce rapport n’est pas de bon augure pour les marchés qui ne peuvent voir d’un bon œil l’éventualité d’une hausse des taux à nouveau renforcée (même si toujours peu probable à notre avis) dans le contexte présent d’affaissement de l’activité.

La chute des commandes en provenance de la zone euro pèse sur l’industrie allemande

Contrairement à ce que le contexte présent pourrait faire redouter, la baisse des commandes allemandes est avant tout le résultat de la chute de quasiment 10 % des commandes en provenance de la zone euro au cours du mois de décembre. A l’inverse, les résultats en provenance du reste du monde sont plutôt bons, en hausse de 5,5 % sur le mois.

Si les chiffres globaux en repli de 0,7%, après une forte hausse de 1,5% en novembre, ne sont pas alarmants, le détail de ce rapport soulève deux points préoccupants :

  • Un arrêt de la croissance des commandes domestiques, la chute de 2,5% de décembre venant annuler l’augmentation de même ampleur de novembre ;
  • Une très nette détérioration des commandes en provenance des partenaires régionaux de l’Allemagne, ces derniers ayant été en 2015, la principale source de croissance de la demande. Au cours des douze derniers mois à décembre, la croissance des commandes en provenance de la zone euro ressort ainsi à -7,6 %, signant ainsi sa plus mauvaise performance depuis fin 2012, sous l’effet notamment d’une chute de 12,9 % des commandes de biens d’investissement ! De quoi assurément suggérer de la réserve quant aux attentes aujourd’hui en place sur la capacité de la zone euro à prendre le relais de la croissance internationale.

Commandes allemandescommandes détail

 

La BOJ en mode bricolage

L’instauration de taux négatifs par la BOJ au terme de son comité de politique monétaire a permis de faire repasser le yen au-dessus de 120USD ce matin. Combien de temps durera l’effet d’aubaine est plus difficile à dire.

En l’absence d’un accroissement de son programme d’achat de titres, l’action de la BOJ risque fort de n’avoir qu’un impact limité sur ce qui constitue, à l’évidence, son premier objectif, le taux de change du yen, notamment si la BCE revient à la charge comme M. Draghi nous l’a laissé entendre. Plus fondamentalement, cette décision confirme la recherche d’autres moyens que l’accroissement « pur et simple » de son bilan, dont le montant est en passe de franchir la barre de 80 % du PIB du pays, pour contrer les pressions déflationnistes.

La partie n’est pas gagnée à en juger par les statistiques calamiteuses publiées cette nuit : contraction de 1,4 % de la production industrielle au mois de décembre (après une baisse de 0,9%), écrasement des dépenses de consommation de 4,4 % sur douze mois en décembre, baisse de l’inflation annuelle de 0,3 % à 0,2 % entre novembre et décembre quand, la région de Tokyo renoue avec un taux d’inflation négatif de -0,3% en janvier…

Japon inflation et BOJ

Après les opérations de toilettage du mois de décembre, le passage en taux négatif, uniquement appliqués aux nouveaux flux, ressemble assurément plus à du bricolage d’une banque centrale dans l’impasse qu’à quoi que ce soit de convaincant.