Crises

La crise européenne a pris un tour des plus préoccupants ce week-end aboutissant :
  1. A une très forte hausse de la probabilité d’une sortie de la Grèce de la zone euro
  2. Un clivage beaucoup plus profond que jusqu’alors entre les dix-huit autres membres de la zone euro aux conséquences imprévisibles mais très certainement durables quelle que soit in fine l’issue pour la Grèce.
Le vote vendredi soir par le Parlement grec des propositions que le gouvernement s’apprêtait à présenter à l’Eurogroupe semblait être un pas important vers un possible aboutissement des négociations. Il n’en a rien été. Non pas que les propositions n’étaient pas suffisantes, leur montant de 13 mds étant plus large que la feuille de route exigée par l’eurogroupe avant le référendum du 5 juillet, mais faute de confiance dans la mise en place effective de ces mesures par le gouvernement grec. Le débat sur le contenu a donc tourné court pour être remplacé par celui sur de nouvelles conditionnalités à l’ouverture de possibles négociations sur un nouveau plan d’aide au pays. Regroupées dans un document émis par l’eurogroupe en fin d’après-midi dimanche, c’est sur ces propositions que planchent encore les chefs d’Etat et de gouvernement réunis pour un sommet dont on attend les conclusions dans les heures, voire les minutes à venir. Celles-ci s’articulent autour des principaux points suivants :

1-Aucune aide ne sera envisagée avant :

  • L’adoption par le gouvernement grec d’ici à mercredi 15 juillet des mesures clés du programme d’engagement (hausse de la TVA, amplification de la réforme des retraites, indépendance du bureau des statistiques nationales, adoption d’un cadre de respect formel du Traité de stabilité incluant un mécanisme de coupes automatiques des dépenses en cas d’impossibilité à dégager les excédents primaires exigés)
  • L’abandon du programme de réformes promises par le gouvernement après son arrivée au pouvoir en janvier en vue de mieux prendre en compte la situation économique et financière du pays notamment en ce qui concerne la réforme du système de retraite, la législation commerciale, celle du droit du travail, la privatisation du marché de l’énergie et le développement des activités financières.
  • La modernisation de l’administration et des règles de gouvernance du pays.
  • La consignation d’actifs publics pour un montant de 50 milliards dans un fonds destiné à garantir les prêts accordés, le cas échéant, par les pays européens
  • Une présence sur le terrain des créanciers et une obligation d’Athènes à soumettre tout projet de loi à approbation par ces derniers avant consultation publique ou au Parlement national.

2-Sous réserve que ces conditions soient remplies, l’Eurogroupe et l’ESM pourraient proposer un nouveau plan d’aide de 82 à 86 milliards.

3- En cas d’échec des négociations à trouver un accord, la Grèce se verrait proposer de négocier rapidement une sortie temporaire de la zone euro, avec la possibilité de restructurer sa dette. 

Les développements de ce week-end suscitent de nombreuses questions, en particulier:
  • Ce plan est-il acceptable par Athènes ? 
Les exigences européennes se sont donc considérablement durcies par rapport à l’état des négociations avant le référendum, impliquant de facto la mise sous tutelle du pays. S’il semble qu’un compromis soit encore possible, les conditions d’acceptation n’ont plus grand-chose à voir avec les développements qui avaient précédé.
  • Combien de temps la Grèce tiendra-t-elle ? 
Le coût économique et social du programme exigé par l’eurogroupe sera considérable à brève échéance. Sans renégociation de la dette, la capacité de la population grecque à accepter ces sacrifices sera à l’évidence mise à l’épreuve au cours des prochains mois. Même dans le cas d’un accord, le risque de remise en cause ou de nouveaux rebondissements dans cette crise restent considérablement élevés.
  • Quelles implications pour la construction européenne ?
Les développements de ces derniers jours ont creusé un fossé profond entre les partisans de la ligne dure représentée par l’Allemagne, la Finlande et la Slovaquie et les autres pays de la zone euro. La mise sous tutelle de facto de la Grèce, perçue comme légitime par les premiers, est une profonde atteinte à la souveraineté nationale allant à l’encontre des principes de gouvernance européens qui ont prévalu jusqu’à présent. Une telle évolution est susceptible de heurter de nombreux pays ou partis politiques. Les écarts de conceptions sont tels qu’ils seront difficilement réconciliables à brève échéance. De ce fossé pourrait naitre bien des complications pour l’avenir européen dont on ne peut exclure l’émergence d’une crise profonde et durable aux conséquences à ce stade imprévisibles.

La probabilité d’une remontée des taux de la Fed s’éloigne davantage

Les minutes du dernier FOMC sont bien plus mitigées que ne l’était apparue Janet Yellen lors de son communiqué du 18 juin, faisant ressortir de nombreux points d’interrogation quant aux développements conjoncturels de l’économie américaine. Parmi ceux-ci on notera en particulier :
– les questionnements au sujet des déceptions sur le front de la consommation et sur le risque de ménages durablement plus regardants sur leurs dépenses
– les interrogations sur les origines de la baisse récente de la productivité, source potentielle de déception future sur le front de l’emploi si le mouvement venait à s’inverser ou d’inflation dans le cas inverse…
– les incertitudes sur les tendances salariales malgré des signes d’amélioration du marché de l’emploi
– de nombreuses interrogations sur les tendances de l’activité manufacturière qui ont assurément déçues
– un manque de visibilité sur les développements à venir de l’industrie pétrolière
– enfin un manque de conviction sur les tendances inflationnistes sous-jacentes.
L’ensemble ne laisse guère le sentiment d’un possible changement de politique monétaire imminent. De toute évidence, au contraire de ce qui avait pu transparaître du communiqué post FOMC, les membres de la Fed semblent encore très hésitants sur la nécessité de remonter les taux directeurs et la capacité de l’économie à y faire face.
Ces minutes confortent indiscutablement notre analyse selon laquelle la Fed n’a pas les moyens de remonter ses taux directeurs et ne les aura vraisemblablement pas à horizon des douze prochains mois, un scénario qui explique notre prévision d’un repli additionnel des T-Bonds à 10 ans vers 2 % d’ici la fin de l’année, voire en deçà, et d’une remontée de l’euro – cette dernière étant toutefois largement conditionnée à l’issue du dossier grec.

Après le Non grec, le Oui ou le Non de l’Eurogroupe

C’est bien en ces termes que se pose aujourd’hui la question, autrement dit : les membres de l’eurogroupe sont-ils prêts à envisager de prendre le risque d’une sortie de la Grèce de la zone euro ou non ? Dans le cas d’un Non, les moyens de bricoler une solution, au moins transitoire, seront trouvés. Comme le disait Angela Merkel il y a quelques jours « quand on veut, on peut ». Cette issue pourrait prendre plusieurs formes :

1- Un défaut pur et simple sans remise en cause de la participation du pays à la zone euro. Le schéma, s’il n’est pas impossible, à l’instar de ce qu’ont vécu certains États américains, reviendrait à une annulation de facto de la dette sans conséquence sur les obligations de ce pays à l’égard de la zone euro?. Il remettrait en cause l’intégralité des principes de la construction de l’union monétaire et ouvrirait la voie à une totale inconnue pour le futur. Il semble assez peu probable.

2- L’inclusion aux propositions de l’UE et de la BCE d’une renégociation de la dette. La publication du FMI préconisant une telle issue à la fin de la semaine dernière a préparé le terrain. Reste cependant à trouver le moyen de présenter un tel revirement autrement que par un désaveu, c’est bien là la principale difficulté, sinon économique, du moins politique qui retient à penser qu’une telle issue soit assortie d’une probabilité élevée.

3- La mise en place d’une monnaie parallèle à des fins domestiques tout en restant dans la zone euro. Cet euro-drachme convertible en euros permettrait d’accompagner le défaut tout en assurant les liquidités du pays et en évitant une sortie effective et désordonnée de la zone euro. Son taux de change fixé à l’avance serait fortement déprécié, permettant ainsi de stimuler l’activité. Un tel montage serait à l’évidence très compliqué à mettre en œuvre et doté de chances de réussites aléatoires. Dans un tel cas de figure, les revenus générés par l’économie grecque seraient dépréciés à hauteur de la dépréciation initiale du taux de change, disons au minimum de 40 % à 50 % pour être efficace ; le coût de la dette si elle reste en euros en serait accru d’autant pour la Grèce et donc d’autant moins supportable… sauf dans le cas d’une redéfinition de la dette à 1 pour 1, autrement dit un « haircut » déguisé dont le seul avantage par rapport au scénario 2 serait la mise au ban de facto du pays de la zone euro. Le schéma est peut-être le plus acceptable politiquement.

Difficile de trouver d’autres montages sensiblement différents de ces trois schémas en l’absence desquels il faudra envisager une sortie pure et « simple » de la Grèce de l’union monétaire, au risque de créer un précédent dont il est à peu près impossible de prédire les conséquences sur l’avenir à moyen long terme de la zone euro. Ce dernier scénario a cependant incontestablement gagné en probabilité depuis hier.

Scénario macro-économique et allocation d’actifs – juin 2015

Le meilleur des marchés actions semble bel et bien derrière nous. Le cycle mondial est mature et soumis à des risques significatifs de correction à la baisse dans un contexte économique mondial toujours très compliqué. Malgré les turbulences de ces dernières semaines, les taux d’intérêt à long terme conservent une marge significative de détente. Une surexposition aux marchés obligataires semble, par conséquent, la meilleure stratégie à adopter pour le futur proche. Sauf issue extrême sur le dossier grec, l’absence de remontée des taux directeurs de la Fed suggère, par ailleurs, une remontée persistante de l’euro, jusqu’à 1,20 USD d’ici décembre.

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Qui n’a pas ses “Birks” ? Ou, la mue du Made in Germany

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Distribution, maroquinerie, chaussures… les marques allemandes fleurissent là où on ne les attendait pas. Derrière le nouveau phénomène des Birkenstocks, ces sandales qui semblent bien parties pour s’imposer comme le fleuron de l’été 2014, se dessine un véritable remodelage du Made in Germany.

Loin des biens de l’industrie lourde, des biens d’équipement industriels ou de l’équipement haut de gamme pour la maison, qui ont jusqu’à présent marqué la tradition allemande, les produits de consommation courante et de relativement basse valeur ajoutée occupent aujourd’hui une place de plus en plus grande sur les étals européens. A l’heure où le discours ambiant ne semble plus n’avoir d’yeux que pour les marchés lointains du monde émergent ce constat ne laisse pas indifférent.

 

Le vieillissement démographique de l’Asie est-il compatible avec ses ambitions financières ?

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L’Asie est-elle sur la voie de devenir le principal centre financier mondial ?

La tentation est naturellement grande de le penser. Avec plus de la moitié de la population mondiale et un potentiel de croissance économique à moyen terme qui, selon le FMI, serait deux fois plus élevé que celui de la moyenne planétaire, une telle évolution n’aurait rien de véritablement surprenant. La région concentre déjà quasiment un cinquième du produit intérieur brut mondial et une proportion d’ailleurs encore plus élevée des transactions financières planétaires ; la capitalisation de ses entreprises cotées est déjà équivalente à celle de l’ensemble de la zone euro ; enfin, avec un taux d’épargne structurellement élevé, l’Asie émergente recèle également la plus grande ressource potentielle de formation d’épargne au monde.

À taux d’épargne inchangé, ce sont trois à quatre trillions de dollars d’épargne supplémentaire que les pays d’Asie émergente pourraient procurer d’ici 2020, soit 45 % à 60 % de l’augmentation du stock d’épargne mondiale envisageable à cette échéance. L’Asie dispose donc, tout au moins sur le papier, d’atouts considérables pour mener à bien le développement de son système financier, de sorte que compte-tenu de sa taille, les estimations sur ce que pourraient représenter les marchés de capitaux asiatiques d’ici vingt ou trente ans sont le plus souvent sidérantes