Un communiqué de la Fed des plus « dovish » ce soir

Dans la partie de son communiqué consacrée aux développements économiques depuis sa dernière réunion de septembre, la Fed aura bien du mal à trouver de quoi rosir le tableau d’une économie américaine en proie à un risque de plus en plus grand de récession. Mentionnera-t-elle cet état de fait ? C’est peu probable mais, s’agissant de l’appréciation portée sur l’évolution de la balance des risques assortis aux perspectives américaines, nul doute que celle-ci penche de plus en plus nettement du côté négatif. Revenons sur les principaux traits de la conjoncture qui traditionnellement figurent dans le communiqué du FOMC :

  • L’activité industrielle a continué à se détériorer. Seront mentionnées ici les retombées négatives de la chute de l’activité dans le secteur énergétique et le contrecoup de la hausse du taux de change du dollar sur fond d’un environnement international difficile.
  • L’activité des services a plutôt bien résisté et s’est développée plus solidement depuis le début de l’été mais le momentum de la croissance s’y est tassé ces derniers temps, du fait principalement de deux raisons :
    • Le resserrement des marges des entreprises
    • Une relative frilosité des consommateurs malgré les retombées positives de la baisse des prix de l’énergie.
  • L’ensemble a pesé sur les dépenses d’investissement dont on peut légitimement anticiper une contraction ces derniers mois, en bonne partie liée à l’impact négatif du secteur énergétique sur les dépenses d’équipement et, plus généralement, à la baisse du degré de d’utilisation des capacités productives.

US durables good orders & TUC

  • Enfin, les exportations américaines ont souffert des effets combinés de la hausse du taux de change et d’une demande internationale ralentie, notamment impactée par la situation des pays émergents.

US exports et ISM

Au total, la Fed communiquera vraisemblablement sur un net ralentissement de la croissance au troisième trimestre, période durant laquelle le rythme de hausse du PIB devrait avoir été divisé par deux par rapport au deuxième trimestre.

Son appréciation sur les deux piliers de sa fonction de réaction, le taux de chômage et l’inflation, ne devrait pas aller à contre sens.

  • Nul doute que les déceptions sur le front des créations d’emplois seront soulignées par la Fed pour justifier sa prudence passée, d’autant que bon nombre des indicateurs suivis pour jauger de l’amélioration des conditions du marché du travail se sont également retournées dans le courant de l’été.
  • Quant à l’inflation, les derniers développements renforcent assez clairement sa communication du mois de septembre, à savoir : les risques sont à la baisse. Difficile en effet de trouver dans le détail des données sur l’environnement de prix de quelconques raisons d’inquiétudes, au-delà des loyers qui, pour  l’instant, n’ont aucun effet de diffusion sur le reste de l’économie ou les salaires.

On voit mal dès lors comment la Fed pourrait maintenir ses guidances sur les développements à venir en matière de politique monétaire, notamment sur l’éventualité d’une hausse des taux d’ici la fin de l’année, soit dans six semaines. La question est donc, davantage, sur la manière dont elle évacuera ce scénario malencontreusement martelé depuis le printemps sans se discréditer et sans risquer de créer un nouveau vent de panique sur les marchés financiers.

La BCE ferait bien d’économiser ses cartouches

La BCE annoncera-t-elle un élargissement de son programme d’achat d’actifs demain ? Ce n’est pas impossible si l’on en juge par le bas niveau d’inflation en présence et l’évidence que cette situation risque de durer bien plus longtemps qu’escompté. Pour autant, cet argument est-il suffisant ? Le débat est ouvert, en particulier sur l’opportunité de faire des annonces dès ce mois-ci, ceci pour au moins quatre raisons. Lire la suite…

Un long fleuve… pas tranquille

Télécharger l’hebdo

Les enchaînements que nous avions envisagés à l’issue d’un statu quo de la Fed ont finalement commencé à prendre corps, une fois sa décision justifiée par les mauvais chiffres de l’emploi et l’ISM manufacturier américains. Depuis son point bas du 29 septembre, l’indice MSCI monde s’est adjugé 7,2 %, une performance légèrement supérieure à celle du S&P 500 (6,8 %) ou de l’Euro Stoxx 600 (6,7 %), dopée par la hausse de plus de 9 % de l’indice MSCI émergent. Les minutes du dernier FOMC ayant dorénavant évacué la perspective d’une hausse des taux à horizon prévisible (voir à ce sujet «Out, la hausse des taux de la Fed »), comment envisager la suite ?

Out, la hausse des taux de la Fed

Confirmation de ce que nous avions compris des développements les plus récents, la hausse des taux de la Fed n’est plus rendez-vous. En cause, non seulement la tournure de la conjoncture internationale, à laquelle la Fed consacre relativement peu de ses commentaires, ni les tensions financières, quand bien même ces dernières l’incitent à une plus grande vigilance, mais l’économie américaine elle-même. Deux points des minutes du dernier FOMC justifient sa décision de ne pas relever les taux directeurs :

  • une révision à la baisse du potentiel de croissance structurelle de l’économie américaine, lié à un moindre optimisme à l’égard des gains de productivité, cohérente avec un niveau d’équilibre des taux d’intérêt structurellement plus bas que par le passé ;
  • la persistance de risques à la baisse sur les perspectives de croissance conjoncturelle, conséquence des effets négatifs combinés de la chute de l’activité du secteur pétrolier, de la hausse du dollar et de la dégradation du contexte international.

Ces conditions ont des effets majeurs sur les deux piliers de sa politique monétaire, au sujet desquels la Fed considère que la balance des risques est :

  • à la hausse sur le front du taux de chômage, malgré l’amélioration du marché de l’emploi depuis le début de l’année – il s’agit là d’un changement crucial par rapport aux communiqués précédents-
  • à la baisse sur le front de l’inflation, amenée à s’affaiblir à brève échéance et à ne remonter que graduellement, de sorte qu’elle devrait être «encore inférieure à l’objectif officiel de 2% à la fin de l’année 2018 ».

En somme aucun des critères-clés de son mandat n’est aujourd’hui considéré comme acquis.

Il s’agit d’un changement majeur de perception, renforcé par la communication suivante : «  la persistance de risques à la baisse tant sur la croissance que sur  l’inflation, illustre le fait que ni la politique monétaire ni la politique budgétaire ne sont en position de  protéger l’économie américaine contre des chocs adverses ». Autrement dit, la Fed ne prendra aucun risque, ce qui dans le contexte en présence rend de plus en plus improbable une hausse de ses taux directeurs à horizon prévisible.

 

 

Fed – La bonne décision !

En laissant le niveau de ses taux directeurs inchangés, la Fed a pris la bonne décision, la seule en phase avec la situation économique et financière internationale actuelle. N’en déplaise aux « optimistes » convaincus que la situation est revenue à la normale, le communiqué de la Fed est « bearish ». De ses prévisions économiques on retiendra la révision à la baisse de son scénario de croissance à moyen terme, plutôt que la légère révision à la hausse de sa prévision pour 2015, et la révision à la baisse du scénario d’inflation, en particulier le maintien d’une inflation inférieure à l’objectif officiel de 2% avant 2018.
Janet Yellen rappelle que la Fed considère qu’il lui faut plus de temps avant de relever le niveau de ses taux d’intérêt dans un environnement économique incertain, précisant notamment que la hausse du dollar, les perturbations financières et la chute des cours du pétrole allaient peser sur la croissance américaine dans le futur.
Quite bearish Janet !
En d’autres termes, la Fed n’est pas prête à changer son fusil d’épaule d’ici peu. Son communiqué, tout autant que la prestation de Janet Yellen devant la presse, semblent bel et bien fermer la porte à l’éventualité d’une hausse des taux d’ici la fin de l’année…. J. Yellen allant jusqu’à évoquer la possibilité de reconsidérer de nouveaux moyens de soutenir l’activité en cas de déceptions à venir sur la croissance lors de sa conférence de presse.
Cette décision prend à contre-pied bon nombre d’anticipations, elle devrait en conséquence susciter d’importants changements :
1- sur les marchés des changes – avec une baisse du dollar probablement significative, tout au moins suffisante pour pousser la BCE et la BoJ à réagir. Il s’agit d’un relatif soulagement pour les devises des pays émergents les plus fragilisées (real brésilien  et autres devises des gros exportateurs de pétrole émergents et autres- CAD, AUD). Le repli du dollar risque, à l’inverse, d’exacerber les tensions déflationnistes en Asie; une source de pressions à la baisse et de montée des anticipations de dévaluation supplémentaire du yuan chinois.
2- sur les marchés de taux – avec un mouvement de retrait probablement marqué sur les taux à 2 ans mais également les échéances plus longues du marché américain. Alors que le rendement des T-Bonds est tout juste à 2,20 % au moment ou nous écrivons, la probabilité d’une baisse vers, voire en deçà, de 2% s’accroît. Le mouvement affectera vraisemblablement le marché européen en réaction à la hausse de l’euro et les anticipations d’une extension du QE de la BCE.
3- sur les marchés de matières premières, la prudence de la Fed n’étant guère favorable aux prix du pétrole, tandis que l’éloignement des perspectives de hausse des taux dans un environnement financier très perturbé devrait soutenir le cours des métaux précieux.
4- sur les marchés d’actions, ces derniers risquant d’être tiraillés entre d’une part l’évacuation du risque de hausse des taux et de l’autre, la réalité de la situation économique telle que décrite par Janet Yellen. Le ton « bearish » pourrait l’emporter dans un contexte où la baisse du dollar et les perturbations qu’elle signifie pour le reste du monde risquent de peser sur les marchés européens, nippons et asiatiques.
………
Pour une analyse plus approfondie sur les enchaînements à prévoir après la décision d’aujourd’hui, nous joignons ci-dessous notre publication d’hier matin « Un FOMC, 3 scénarios… Une issue ?« 

Un FOMC, trois scénarios… Une issue ?

Télécharger l’article

Comment les choses pourraient-elles s’articuler après l’annonce de la décision de la Fed jeudi soir ? Trois scénarios sont envisageables dans le contexte en présence.

Scénario 1 : la Fed privilégie le statu quo, gardant le niveau de ses taux directeurs inchangé, entre zéro et un quart de point. C’est le scénario, à notre avis, le plus probable, susceptible d’offrir quelques semaines d’accalmie sur les marchés financiers ; nous estimons sa probabilité entre 60 % et 65 %.

Scénario 2 : la Fed relève le niveau de ses taux directeurs de 25 points de base tout en conservant un discours suffisamment prudent pour convaincre qu’il s’agira de la seule hausse de cette année : le jeu est périlleux pour les marchés financiers internationaux, mais l’hypothèse semble néanmoins assortie d’une probabilité encore significative, de l’ordre de 20 % à 25 %.

Scénario 3 : la Fed relève le niveau de ses taux d’un quart de point et apparaît suffisamment sereine pour poursuivre la hausse en décembre. Les anticipations sont prises de court ; le dollar s’envole ainsi que les taux longs ; le S&P entrevoit la fin du cycle en cours. L’envolée du dollar va à l’encontre d’une extension du QE de la BCE et les marchés mondiaux emboitent le pas à la correction américaine. La probabilité de ce dernier cas de figure est vraisemblablement inférieure à 20 %.

Pékin défile, Draghi se faufile

Télécharger l’article

Avec un marché chinois à l’arrêt, l’effet d’annonce avait plus de chances d’être un succès. En tous les cas il l’a été. Mario Draghi, le Président de la BCE, en a dit suffisamment aujourd’hui pour convaincre que la BCE était prête à passer à une action de plus grande envergure que son programme de quantitative easing initié au mois de mars.

La BCE est donc sur le qui-vive, prête à faire front à de nouvelles perturbations sur les marchés internationaux et à prévenir une réappréciation de l’euro, notamment si la Fed venait à ne pas modifier sa politique monétaire lors de son prochain FOMC mi-septembre.

L’histoire ne dit pas, toutefois, quelle sera la puissance de cet appel d’air.

L’inertie des marchés obligataires, sujet d’inquiétude pour la BCE

Télécharger l’article
L’imperméabilité des marchés obligataires à la chute des indices actions et à celle des cours du pétrole est surprenante ces derniers jours, comment l’interpréter ? Il y a trois explications possibles à cette apparente anomalie :
1- L’anticipation persistante d’un scénario de hausse des taux de la Fed. L’explication, bien que crédible, ne constitue toutefois pas une réponse susceptible d’expliquer la situation européenne, notamment marquée par une tendance à l’accroissement des écarts de taux avec le Bund allemand.
2- Des marchés de taux moins préoccupés par la situation économique fondamentale que ne le sont les marchés d’actions. L’explication est peu convaincante et surtout peu conforme à l’écrasement des anticipations d’inflation, plus bases aujourd’hui que les extrêmes enregistrés en début d’année.
3- Un regain de craintes lié à la situation souveraine dans un scénario, au contraire, plus sombre que celui envisagé par les marchés d’actions. L’explication est assez cohérente avec le regain de tensions observé sur les marchés des dettes les plus fragiles. Elle irait toutefois de pair avec une certaine perte de crédibilité des banques centrales dans leur capacité à juguler de nouvelles tensions souveraines en cas de ralentissement marqué de l’activité. On comprendrait mieux dans un tel cas de figure pourquoi la BCE envisage une possible extension de son programme de quantitative easing.