La dernière fois où l’économie américaine a franchi le seuil d’un taux de chômage de 6,5 % à la baisse, les États-Unis connaissaient une croissance de l’ordre de 3 %, les dépenses réelles des ménages progressaient à un rythme proche de 4% par an, les créations mensuelles d’emploi frisaient les 300 000 et la croissance annuelle des salaires était légèrement supérieure à 2,5 %. C’était en mars 1994, ou, dans des conditions semblables, en mars 1987, voire en décembre 1977. Dans chacun de ces cas, le degré d’utilisation des ressources en main d’œuvre et en capital était proche de son potentiel et justifiait un durcissement plus ou moins marqué des conditions monétaires, qui chaque fois s’est traduit par un cycle de hausse des taux. L’épisode 2003-04 est assez différent. Non seulement le taux de chômage s’était installé sous la barre des 6,5 % depuis une dizaine d’années mais les signes avant-coureurs d’un risque de surchauffe étaient totalement absents du panorama conjoncturel. C’est ainsi, à la mi-2004 seulement, alors que le taux de chômage oscillait à un niveau moyen de 5,5 % que la Fed entama son cycle de hausse des taux. A posteriori, cet ajustement tardif fut considéré par beaucoup comme une erreur, en partie à l’origine de la formation de la bulle immobilière, dont on connaît aujourd’hui l’issue.
Ainsi, lorsqu’il y a quelques mois, la Fed dut donner des indications sur ce qui guiderait l’orientation future de sa politique monétaire, il ne fait aucun doute que ce niveau de 6.5% du taux de chômage est apparu suffisamment pertinent pour occuper une place de choix dans la gestion du dispositif de sortie de sa politique quantitative.
Les interrogations sur la justesse de ce choix n’en restent pas moins entières, car derrière un même taux de chômage pourrait bien se cacher, aujourd’hui, une situation beaucoup plus fragile que celles habituellement observées dans des circonstances passées, apparemment semblables.