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Arrêt de l’embellie en Europe, arrêt de la croissance aux États-Unis, constat peu ou prou identique en Chine, les indicateurs du jour sont à peu près unanimes : la croissance semble à l’arrêt dans la plupart des économies les plus influentes de la planète…

Aux États-Unis, l’indice du climat des affaires manufacturier de la Fed de Philadelphie, bien que toujours faible et en léger repli en mai, surprend surtout par ses faibles oscillations depuis le début de l’année. Le PMI manufacturier, dont la pertinence reste à démontrer s’agissant des États-Unis, n’est guère plus engageant, en repli de trois dixièmes par rapport au mois d’avril il n’est pas particulièrement mauvais mais suggère, là encore, une faiblesse persistante de l’activité. Enfin, les ventes de maisons existantes, en repli de 3,3 % en avril après leur rebond de 6,5 % de mars, affichent finalement une stagnation presque parfaite au cours des six derniers mois.

En d’autres termes si la situation ne se détériore pas, elle ne s’améliore pas. Après une croissance quasiment nulle au premier trimestre, le deuxième trimestre risque donc d’être encore laborieux aux États-Unis, malgré la hausse de 0,7 points de l’indicateur avancé du Conference Board quasi-exclusivement tiré par la remontée des permis de construire en avril.
 

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En Zone euro, l’amélioration des indicateurs de conjoncture marque bel et bien le pas. Après le repli du ZEW en Allemagne, la baisse des indices PMI allemands confirme les difficultés persistantes de l’industrie en proie au manque de relai à l’exportation. Moins attendu, le retournement des PMI services pose la question de la solidité de la reprise domestique enregistrée depuis la fin de l’année dernière. À surveiller demain, l’IFO allemand dont tout laisse penser qu’il pourrait refluer significativement, en ligne avec les signaux envoyés par le ZEW tant sur les perspectives que sur la situation courante.

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Le frémissement de deux dixième du PMI chinois, en hausse de 48,9 à 49,1 entre avril et mai, est du même acabit. Éventuel signal d’un arrêt de la détérioration de ces derniers mois, c’est bien le seul réconfort que nous offre, peut-être, cette enquête à ce stade.

La situation reste donc compliquée sur le front de l’activité internationale.

Les déceptions récentes interrogent la FED

Les minutes du dernier FOMC de la FED sont globalement en ligne avec le communiqué publié immédiatement après le conseil de politique monétaire des 28 et 29 avril, en d’autres termes elles ne nous disent rien sur l’évolution à venir des taux directeurs, à la précision près, qu’une hausse est jugée peu probable en juin. Au-delà, les décisions se prendront à chaque comité en fonction des développements observés sur le front de l’activité, du marché du travail, des tendances inflationnistes et des marchés financiers…
Plus intéressante, toutefois, est la section sur les risques assortis aux prévisions de moyen terme sur l’économie américaine après les mauvaises surprises de ces derniers mois. Car si les minutes soulignent la responsabilité d’éléments transitoires à l’origine du ralentissement observé, elles consacrent également une bonne place aux risques que des facteurs plus durables puissent affecter les perspectives. La frilosité des consommateurs est notamment citée comme susceptible de modifier la perception à moyen terme de l’économie américaine. Nous reprenons ici quelques lignes des minutes sur ces sujets:
« A number of participants suggested that the damping effects of the earlier appreciation of the dollar on net exports or of the earlier decline in oil prices on firms’ investment spending might be larger and longer-lasting than previously anticipated. In addition, the expected boost to household spending from lower energy prices had apparently so far not materialized, highlighting the possibility of less underlying momentum in consumer expenditures than participants had previously judged. Some participants expressed particular concern about this prospect, as their expectations of a moderate expansion of economic activity in the medium term, combined with further improvements in labor market conditions, rested largely on a scenario in which consumer spending grows robustly despite softness in other components of aggregate demand. Participants discussed downside risks to economic growth, and a few indicated that, in their assessment, such risks had risen since the March meeting. »
 
La question est également posée sur le niveau du taux d’intérêt réel d’équilibre des Fed Funds, susceptible d’être beaucoup plus bas que par le passé.
« Estimates of such equilibrium real interest rates were highly uncertain, but some participants reported that their estimates were currently unusually low by historical standards, reflecting, for example, factors weighing persistently on aggregate demand. In light of their low estimates, a few of these participants questioned whether the Committee was providing sufficient accommodation at the present time and cautioned against initiating policy firming in the near future.« 
Ces deux paragraphes témoignent d’un regain d’incertitude notable sur les développements et perspectives de l’économie américaine qui devra être levé avant de pouvoir à nouveau envisager un relèvement des taux directeurs. Il faudrait donc un changement radical des tendances conjoncturelles pour convaincre la Fed de la nécessité de relever ses taux dès septembre comme l’anticipaient encore largement les anticipations de marchés ces derniers jours. 
 
La réaction des marchés à ces minutes a été relativement limitée. 
Après une vive remontée, les T-Bonds ont reperdu un peu de terrain en fin de séance, les taux à dix ans refluant finalement de 3 points de base seulement, à 2,26% soit un niveau proche des plus hauts récents. La marge pour une détente supplémentaire existe donc vraisemblablement.
Le Dow Jones et le S&P ont perdu leurs gains antérieurs pour clôturer en léger repli.
Le regain de vigueur de l’euro après la publication des minutes n’a pas duré, la devise européenne semblant de nouveau fragilisée par les errements du dossier grec.
En somme, ces minutes plus accommodantes qu’anticipé, peinent pour l’instant à convaincre. Elles valident toutefois notre diagnostic : la Fed n’est pas prête de passer à l’acte.

Le ZEW et la BCE

L’indice ZEW confirme son retournement en mai avec dorénavant non plus seulement une baisse des perspectives mais un repli du sentiment sur l’évolution des conditions courantes. Les détails sectoriels de l’enquête publiée ce matin confirment par ailleurs un net tassement du sentiment relatif aux activités les plus tournées vers l’exportation : industrie lourde, chimie, électronique mais aussi automobile. Un tel contexte n’est guère porteur pour le marché allemand qui, malgré la correction de ces dernières semaines conserve un potentiel de repli additionnel au vu des déceptions liées à l’inertie des débouchés internationaux sur fond, qui plus est, de ré-appréciation de l’euro.

L’intervention de Benoît Coeuré est donc bienvenue. En annonçant que la BCE s’apprête à ajuster ses achats d’actifs pour faire face au surcroît de besoins ponctuels  de financement, la BCE prend le contre-pied des marchés et vise ainsi non seulement à faire retomber les tensions sur les taux longs mais à freiner la hausse de l’euro.

Aura-t-elle gain de cause ?  C’est vraisemblable pour ce qui concerne le niveau des taux longs, moins sûr pour ce qui concerne la parité de l’euro qui reste dans une large mesure dépendante des anticipations sur la Fed. Sauf débouchage très malheureux du dossier grec, l’euro devrait donc conserver une tendance graduellement haussière.

Difficile dès lors d’imaginer que la prise de parole de B. Coeuré puisse avoir un effet positif durable sur les marchés d’actions européens.

 

La Fed n’a pas d’autre choix que la patience

 
Les créations d’emplois privés moitié moindre qu’il y a six mois
Rassurant, le chiffre du mois d’avril des créations de postes aux Etats-Unis ne l’est qu’à moitié. Si le total des emplois créés en avril (223 000) est nettement plus élevé qu’en mars (85 000), la moyenne sur trois mois reste très largement inférieure à ce qu’elle était en fin d’année dernière: 191 300 postes contre 323 000 au plus haut, en novembre.
De fait, les créations dans le secteur privé continuent à décélérer de manière préoccupante, avec seulement 153 500 créations mensuelles au cours des trois derniers mois, moitié moins que six mois auparavant.

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La croissance des salaires se stabilise, sans plus
La croissance des salaires, un peu mieux orientée depuis le début de l’année est, toutefois, loin de s’emballer. Tout juste la croissance des rémunérations des emplois non-cadre cesse-t-elle de baisser, une tendance plutôt rassurante, en phase avec la meilleure orientation des créations d’emplois peu qualifiés de ces derniers mois, mais certainement pas préoccupante au rythme présent de moins de 1,9%.

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La productivité en berne
Considérer que ces données sont suffisamment robustes pour justifier une remontée des taux directeurs serait probablement une erreur dans le contexte présent d’extrême incertitude sur les tendances de la croissance à venir, notamment après les chiffres de productivité en net repli ces deux derniers trimestres. L’inertie des gains de productivité est le talon d’Achille du cycle en cours qui empêche notamment de renouer avec une reprise de l’investissement suffisante pour assurer la pérennité des créations de postes futures. Elle illustre une fragilité persistante de la situation conjoncturelle que ne peut ignorer la Fed.

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Ces statistiques semblent avoir eu gain de cause sur la montée récente des anticipations de hausse des taux directeurs de la Fed. Après avoir touché un point haut jeudi dernier, il est vraisemblable que les taux longs continueront dans un tel contexte à refluer quelque peu aux Etats-Unis et en Europe.

 

Les créations d’emplois privés décélèrent davantage aux Etats-Unis

En avril, les créations d’emplois du secteur privé ont augmenté de 169 000 aux Etats-Unis, après une hausse de 175 000 en mars. La décélération très régulière observée depuis le mois de novembre, lorsque ces chiffres avaient atteint 284 000, se confirme donc.
Les marchés font généralement peu de cas de ces données par rapport à celles du rapport officiel sur l’emploi. Dommage, car si les écarts entre les deux séries sont souvent observés, les statistiques de l’ADP, nettement moins volatiles que celles des NFP, renseignent généralement beaucoup mieux que ces dernières sur les tendances effectives de l’emploi privé. Publiées avec 48 heures d’avance sur les données officielles, elles offrent en outre des indications préliminaires susceptibles d’être importantes dans les périodes d’intense incertitude des marchés financiers…
En l’occurrence les données du mois d’avril ne sont pas bonnes, ceci d’autant plus que la fin des grèves portuaires de Californie et le retour à la normale des conditions climatiques suggéraient un certain rattrapage. Les créations d’emplois se seraient accélérées dans le commerce, les transports et les utilities (+44K, après + 40K) mais les pertes dans l’industries se seraient amplifiées de 10K en avril, leur plus forte baisse depuis 2010, après une contraction de 3K en mars.
Contrairement aux attentes, la situation du marché de l’emploi américain ne montre donc aucun signe d’amélioration tandis que les pertes de productivité de ces deux dernières trimestres ne sont assurément pas encourageantes.
L’ensemble renforce notre analyse selon laquelle la perte de momentum de la croissance américaine n’est pas que transitoire. 
Difficile dans de telles conditions d’imaginer que la FED puisse relever le niveau de ses taux directeurs sans prendre un risque considérable, même si la croissance des salaires venait à se raffermir. Nous continuons à penser qu’elle n’aura pas l’occasion de procéder à un tel relèvement de ses taux à horizon prévisible et que le cours de l’euro devrait en profiter.

Un FOMC pour rien

Un FOMC pour rien, ainsi serait-on tenté de résumer ce qui ressort du communiqué du FOMC publié ce soir.
Ce dernier prend acte de la détérioration des tendances conjoncturelles et du marché de l’emploi sans donner, toutefois, aucune indication sur l’interprétation qu’elle en fait.
Les autres éléments du communiqué sont rigoureusement identiques à ceux du précédent qu’il s’agisse de l’inflation ou de l’ajustement des taux directeurs dont la hausse interviendra seulement lorsque le Comité de politique monétaire observera une amélioration plus profonde du marché du travail et sera raisonnablement confiant sur le fait que l’inflation reviendra à moyen terme vers l’objectif de 2%.
Seule modification, la Fed a retiré de son commentaires la phrase mentionnant que ces forward guidances ne signifiaient pas qu’elle avait un timing prédéterminé du moment à partir duquel elle remonterait ses taux… Signe, peut-être, que la Fed intègre qu’un passage à l’acte devient de moins en moins probable.

La Fed attendra avant d’évacuer le scénario d’une hausse des taux cette année

Le net ralentissement de la croissance en place aux Etats-Unis ne laisse guère place au doute : les conditions en termes d’activité et d’inflation ne sont pas réunies pour une hausse des taux d’intérêt. Le communiqué post-FOMC de ce soir devrait donc confirmer l’absence de hausse des taux en juin et probablement en juillet. Ira-t-il plus loin, en faveur d’une communication plus radicale qui évacuerait dès aujourd’hui tout enclenchement d’un cycle de hausse des taux cette année, comme le conclut notre scénario ? Trois raisons suggèrent que tel ne sera pas le cas :

  1. L’espoir de voir rebondir l’activité après des éléments perturbateurs temporaires : conditions climatiques, grèves portuaires, impacts transitoires liés à la chute des cours du pétrole et à l’envolée du dollar
  2. La crainte de diffuser un message par trop négatif pour les investisseurs dont la réaction est difficile à prévoir
  3. Celle, enfin, d’alimenter une surenchère des prix d’un certain nombre d’actifs et d’amplifier les dysfonctionnements financiers créés par le bas niveau persistant des taux longs.

Le communiqué de la Fed devrait, donc, rester relativement modéré, prenant acte, d’une part, des incertitudes conjoncturelles comme une bonne raison de décaler le scénario de hausse de ses taux, tout en conservant à ce stade l’idée d’une hausse vraisemblable d’ici la fin de l’année. Sans doute faudra-t-il donc attendre les deux prochaines réunions, peut-être même le mois de septembre, pour qu’elle évacue définitivement cette dernière hypothèse.

Si tel est le cas, ce communiqué devrait avoir un impact relativement limité sur les marchés financiers, qui pourrait se concrétiser par les mouvements suivants :

  • Un reflux supplémentaire des taux longs de potentiellement 10 à 15 points de base s’agissant des T-Bonds à 10 ans, aux environs de 1,80%/1,85%
  • Un repli additionnel du dollar, la marge de fluctuation pouvant sur ce dernier point être significative avec l’évacuation du scénario de Grexit de ce côté-ci de l’Atlantique et selon la qualité des données économiques américaines : l’euro dollar pourrait dans ces conditions se rapprocher des 1,12USD à brève échéance,
  • L’impact sur les marchés d’action est plus aléatoire, dépendant sans doute largement du degré de prudence de la Fed sur les développements conjoncturels en cours et des indicateurs à venir. Nous penchons néanmoins en faveur d’une réaction négative d’une ampleur limitée par la mise à l’écart du risque de hausse des taux et le reflux du dollar.
  • Enfin, les cours du pétrole et de l’or devraient réagir positivement à la nouvelle dans le contexte présent de raffermissement de ces deux marchés respectifs.

L’enquête IFO n’invalide pas les warnings du ZEW

L’indicateur IFO du climat des affaires allemand a continué de progresser en avril grâce notamment à la nette hausse du sentiment sur les conditions courantes. Traditionnellement en retard, cette dernière composante n’est toutefois pas la plus pertinente à ce stade de la reprise. Nous lui préférons la composante sur les anticipations des chefs d’entreprises qui bénéficie d’un temps d’avance sur le déroulement conjoncturel. Or, conformément aux signaux envoyés par le ZEW depuis le mois dernier, celle-ci s’est retournée en avril, sous l’effet notamment du repli marqué des perspectives manufacturières.
Ainsi, malgré le bon accueil des marchés aux résultats de cette enquête nous restons circonspects dans le contexte présent d’absence d’amélioration des débouchés internationaux.