Very bad trip – 2

Dans le combat pour ou contre une hausse des taux américains qui a opposé ces derniers jours quelques uns des membres les plus influents de la FED, Lael Brainard a incontestablement eu le nez plus fin que Messieurs Fischer, Rosengren ou Lockhart, à en juger par la panoplie de données publiées aujourd’hui. Quel que soit, en effet, le degré de confiance porté par ces derniers sur les perspectives américaines, les résultats ne sont assurément pas là !

  • Première mauvaise nouvelle, les ventes de détail ont reflué de 0,3 % en août, après un mois de juillet déjà médiocre au cours duquel les données révisées ressortent à 0,1 % seulement. Si les bons chiffres du mois de juin permettent encore de « sauver » le trimestre en variations nominales, avec un acquis de croissance de 0,4 %, pas sûr toutefois que tel puisse être le cas en volume. Quant à la performance annuelle des ventes de détail, elle ressort à 1,9 % ce qui correspondrait, à niveau de prix inchangés entre juillet et août, à une augmentation de moins de 1 % en volume sur un an ; assurément rien de bien palpitant.

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  • Deuxième mauvaise nouvelle, la production industrielle, également en repli de 0,4 % au mois d’août après un rebond de 0,6 % en juillet. Les baisses affectent tous les secteurs dans des proportions variables, l’activité manufacturière affichant en moyenne un repli de 0,4 % également. Après s’être redressé depuis mars, le rythme de croissance annuel de la production décline à nouveau, à -1,1 %, contre -0,6 % en juillet.

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  • Troisième mauvaise nouvelle, les prix à la production stagnent après avoir baissé de 0,4 % au mois de juillet et ressortent inchangés sur douze mois, l’indice des prix hors énergie et produits frais parvenant tout juste à gagner 0,1 % (1,1 % en glissement annuel).

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Après les mauvais résultats des enquêtes ISM et PMI de ces dernières semaines et un Beige book des plus mitigés, ces données confirment que l’économie américaine est, à nouveau, en mauvaise passe, la croissance du troisième trimestre ayant toutes les chances d’être encore une fois très en-deçà des attentes du consensus et de celles de la FED. Difficile d’imaginer dans de telles conditions que la FED s’engage sur un quelconque timing de hausses de ses taux directeurs jeudi prochain, la probabilité d’un éventuel mouvement en décembre ne tenant plus qu’à un fil…

 

La FED, la BoE ou le policy-mix ? Les raisons à l’origine de la chute des marchés ne sont pas des plus limpides.

Alors que les propos du Président de la FED de Boston, Eric Rosengren, semblent avoir mis le feu aux poudres vendredi, faisant en particulier s’envoler les taux d’intérêt mondiaux, la solidité de l’euro et du yen peine à valider l’idée que ces seules déclarations soient à l’origine du mouvement de correction des bourses et marchés obligataires mondiaux. M. Rosengren, membre votant du comité de politique monétaire, avait déjà pris position pour une hausse des taux directeurs. Si l’on peut voir dans ses propos la confirmation d’un scénario largement attendu d’une FED plus « hawkish » en septembre qu’en juillet, nous ne voyons pas dans cette intervention de quoi augmenter significativement la probabilité d’une hausse effective des taux directeurs la semaine prochaine.

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Le mouvement de remontée des taux longs semble résulter d’un changement de perception des marchés beaucoup plus large. Initié au Japon après la décision de la BoJ fin juillet de ne pas modifier sa politique monétaire, le mouvement a été relayé par le statu-quo de la BCE, tandis que la précipitation de la banque d’Angleterre du début d’été est de plus en plus largement perçue comme un faux-pas susceptible, à terme, de donner lieu à correction.

Les agissements des banques centrales autres que la FED semblent avoir semé le trouble sur les marchés obligataires quand, par ailleurs, le rééquilibrage du policy-mix qui se profile à l’échelle mondiale pourrait constituer, à terme, un facteur d’incertitude sur les anticipations d’inflation.

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C’est peut-être l’excès de pessimisme des marchés obligataires né du référendum du 24 juin sur le Brexit que les marchés sont en train de corriger. Si tel est le cas, et sous réserve que la FED ne remonte pas ses taux directeurs la semaine prochaine, la correction en place ne devrait pas outre mesure menacer l’environnement financier, quand bien même, vigilance oblige, notre relative confiance de ces derniers jours mérite incontestablement d’être mise de côté avant d’y voir plus clair. En d’autres termes, les incertitudes en place n’autorisent pas, à ce stade, à recommander d’acheter la baisse des indices.

La BCE aux limites de l’inventivité

Les anticipations sur l’éventualité d’un geste supplémentaire de la BCE étaient vraisemblablement plus élevées que nous ne l’avions envisagé, à en juger par la nervosité des marchés à l’annonce d’un statu quo.

Mais de quoi pouvaient être nourries ces attentes, au juste ?

Certes, Mario Draghi aurait pu annoncer dès aujourd’hui le prolongement de son programme d’achat d’actifs que personne n’envisage pouvoir prendre fin en mars prochain. Cela aurait-il été d’une quelconque efficacité quant aux objectifs recherches ? Naturellement non, surtout si M. Draghi n’a pas encore la réponse à la principale question qui taraude les marchés, à savoir : quel type d’actifs ajouter à la liste pour effectivement être en mesure d’injecter 80 milliards d’euros par mois.

Par ailleurs, alors que le risque n° 1, celui de voir s’envoler l’euro, pourrait se concrétiser sans tarder si la FED déjoue une nouvelle fois les pronostics sur sa capacité à relever le niveau de ses taux à horizon prévisible, mieux vaut que la BCE attende pour les effets d’annonce. L’arme des baisses de taux étant difficilement compatible avec la situation bancaire en présence, l’étroitesse des marges de manœuvres n’autorise guère au gaspi de celle-ci, en effet.

Enfin, si Mario Draghi nourrit l’espoir de parvenir à impulser une relance de l’investissement public -par une « éventuelle extension du plan Juncker »- ou celui d’intégrer les obligations bancaires à sa liste d’achats d’actifs, sans doute lui faut-il plus de temps pour convaincre; un temps que lui offre, tant bien que mal, la situation présente.

La BCE fera forcément davantage et pendant longtemps. Mais, heureusement serait-on tenté de dire, l’inventivité a ses limites et celle-ci requièrent du temps.

La production industrielle décroche en Allemagne

Après de médiocres commandes à l’industrie allemande publiées hier, la production de ce matin est carrément mauvaise. En juillet, l’activité industrielle hors construction s’est repliée de 1,5 % soit encore une baisse de 1,6 % par rapport au mois de juillet 2015, la plus faible performance depuis deux ans.

Production allemande

Le résultat est plus mauvais encore une fois exclu le secteur énergétique, seul à avoir progressé en juillet : hors construction et énergie, la production s’inscrit en baisse de 1,9 %, en effet. Si le rebond du mois de juin permet de relativiser la mauvaise nouvelle de ce matin, le résultat sur deux mois n’en reste pas moins préoccupant, l’économie allemande étant à l’évidence en perte de vitesse, quand le net repli de la production de biens intermédiaires n’augure pas des meilleures tendances pour les mois à venir.

Production allemande secteur

Curiosité déjà observée hier dans les chiffres des commandes, les biens de consommation durables constituent le principal soutien à la croissance. L’automobile est vraisemblablement à l’origine de cette situation, un constat néanmoins insuffisant pour compenser les mauvaises nouvelles en provenance des secteurs-clés de l’industrie allemande que sont également ceux des biens d’investissement et des biens intermédiaires. Les commandes publiées hier donnent un certain nombre d’éléments d’explication à cet essoufflement :

  1. Une détérioration de la demande domestique de plus en plus clairement identifiée depuis le début de l’été.
  2. Une anémie persistante de la demande extra-zone euro dont on ne peut estimer à ce stade quelle est la part de la responsabilité britannique.

Dans l’ensemble, ces données confirment la fragilité de l’économie allemande dans un contexte de stagnation de la demande internationale qui, malgré le soutien représenté par la meilleure tenue de la demande intra-UEM, a du mal à tirer son épingle du jeu en présence.

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150 000 emplois M. Fischer, dont 113 000 seulement pour le privé !

C’était entendu, les chiffres de l’emploi du mois d’août seraient décisifs pour la FED, que certains imaginaient pouvoir relever le niveau de ses taux directeurs dès son prochain FOMC, le 21 septembre. Le verdict est tombé, les données sont mauvaises.
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A 150 000, après respectivement 271 000 et 275 000 en juin et juillet, les créations de postes sont une nouvelle fois en décélération sensible en août. Lot de consolation, la moyenne sur trois mois est encore de 232 000, après un point bas à 118 000 en mai, mais la croissance sur douze mois reste fragile, à 1,7% seulement, son plus bas niveau depuis le début 2014.
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Dans l’ensemble, le rapport du mois d’août est contrariant et peu à même d’encourager la FED dans sa volonté de passer à l’acte à horizon prévisible. Plusieurs éléments de celui-ci devraient, notamment, retenir l’attention des membres du Board.
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  1. Les créations d’emploi du secteur privé sont nettement moins solides en août que celles de l’ensemble de l’économie, en hausse de 113 000 seulement, après 217 000, soit de 1,9% sur un an, leur plus faible progression annuelle depuis le début 2013.
  2. La croissance des salaires, qui s’était légèrement accélérée ces derniers temps, retombe à 0,1% en août, ce qui correspond à une décélération en glissement annuel de 2,7% à 2,4%. Si les coûts salariaux unitaires publiés hier ont décrit une situation tendue, ce n’est donc toujours pas du fait des rémunérations mais bel et bien à cause du déclin des gains de productivité. Dans un contexte où les entreprises ont peu de pricing power pour répercuter les hausses de coûts dans leurs prix de vente, on peut voir dans ce facteur un élément déprimant plutôt qu’inflationniste auquel la FED devrait être sensible. image (2)
  3. Le taux de participation reste inchangé sur le bas niveau de 62,8%. Sur ce point toutefois, le regain de créations de postes des deux derniers mois a commencé à porter ses fruits, faisant en particulier remonter le taux de participation des jeunes de 25 à 34 ans sur un plus haut depuis octobre 2012. L’histoire récente montre toutefois que les choses peuvent, sur ce front, se défaire très vite. Il faudrait assurément plus de résultats pour convaincre d’un marché de l’emploi définitivement plus efficient.
  4. Enfin, la durée hebdomadaire du travail décline à nouveau, les dernières statistiques intégrant une révision des chiffres antérieurs qui indiquaient une légère reprise en juillet. Cette dernière statistique constitue traditionnellement un indicateur avancé très fiable de l’emploi, elle fait également partie des indicateurs privilégiés par les économistes américains en matière de signal récessif.  image (3)
Au total, si ce dernier rapport n’est pas outre mesure inquiétant, il est à même de créer des doutes sur la solidité de l’embellie du marché de l’emploi du début de l’été qui, ajoutés aux médiocres chiffres des ISM et PMI auront de quoi interroger la FED.
Nous continuons à privilégier un statu quo durable…
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Jackson Hole ou quand les banquiers centraux appellent les gouvernements à la rescousse

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Après huit années de politiques monétaires tout aussi inédites qu’infructueuses, les banquiers centraux s’affolent. Si leurs initiatives ont, certes, permis d’échapper à la dépression, c’est au prix d’une reflation extravagante des prix d’actifs qui aujourd’hui retire aux banques centrales toute liberté d’action, détourne les capitaux de l’économie réelle et alimente un creusement des inégalités aux conséquences de plus en plus significatives sur le potentiel de croissance des économies développées. La politique unijambiste de ces dernières années, c’est acquis, est inefficace, risquant, si elle s’enferre dans la logique en présence, de préparer le terrain d’une nouvelle crise financière internationale, à terme.

La meilleure nouvelle de ce matin se lit dans le PMI-services français

L’indice préliminaire manufacturier pour la zone euro n’est, sans surprise, pas bon. En repli de 0,2 points à partir d’un niveau déjà faible, il ressort à 51,8 point en août sous l’effet d’une deuxième baisse consécutive de l’indice allemand, à 53,6 et d’une stagnation sur très bas niveau de l’indice français, à 48,6 (contre 48,5 en juillet). Difficile toutefois d’escompter beaucoup plus dans le contexte présent d’inertie des échanges mondiaux et de l’investissement.
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Les résultats sont plus encourageants sur le front des services où l’estimation de l’indicateur préliminaire pour la zone euro ressort en hausse à 53,1, contre 52,9 en juillet, sous l’effet notamment d’un beau rebond de l’indice français.
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Ce dernier s’est adjugé une hausse de 1,5 pts, en effet, passant de 50,5 pt en juillet à 52 en août, soit encore son plus haut niveau depuis octobre 2015. Il s’agit d’une bonne nouvelle qui vient réconcilier les données de cette enquête avec celle de l’INSEE décrivant une situation domestique en voie d’amélioration, graduelle mais incontestable. Cette validation pourrait être suffisante pour rassurer sur les perspectives de croissance française du troisième trimestre après un sérieux coup de mou au printemps.
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L’indice des services allemand est moins favorablement orienté, inscrivant un nouveau repli, le cinquième depuis le point haut de décembre de cette même enquête ; signe sans doute que la dynamique domestique allemande continue de s’essouffler. Si le niveau présent de l’indicateur (53,3) n’inspire pas de crainte particulière, il ne faudrait pas, toutefois, que ce repli s’accentue dans le contexte présent de faible performance industrielle persistante (la production industrielle allemande ayant reflué de 1% au deuxième trimestre).
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A very bad trip ! La croissance annuelle des États-Unis, inférieure à celle de l’UEM pour la 1ère fois depuis 2010.

C’est peu de dire que l’économie américaine déçoit au deuxième trimestre, avec une croissance de seulement 1,2 % en rythme annualisé, soit un chiffre moitié moins fort que celui attendu et à peine supérieur au taux de croissance révisé du premier trimestre de 0,8 %.

Si les dépenses de consommation des ménages constituent le lot de consolation, avec une progression de 1,9 % sur le trimestre (soit 4,2 % en rythme annualisé) portée par l’ensemble des dépenses, les autres composantes sont, indiscutablement médiocres. Sans surprise, l’investissement des entreprises a continué de baisser pour le troisième trimestre consécutif, de -2,2 % après successivement -3,4 % et -3,3 %. Plus surprenante est, toutefois la chute conséquente de l’investissement résidentiel, en repli de 6,1 % r.a, sa plus forte baisse depuis 2010.

Les exportations progressent légèrement, de 1,4 % r.a., enregistrant ainsi leur meilleur trimestre depuis un an tandis que les importations refluent à nouveau, de -0,4 %, l’ensemble apportant une contribution légèrement positive, de 0,1 point r.a à la croissance du trimestre.

Enfin, les variations de stocks basculent en territoire négatif après avoir reflué cinq trimestres durant, ce qui constitue assurément un signal préoccupant pour la suite.

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À la fin du deuxième trimestre, l’acquis de croissance n’excède pas 1,1 % pour l’année en cours. Sauf à imaginer que l’économie américaine puisse enregistrer 4 % de croissance au cours des deux prochains trimestres, ce résultat forcera à une révision à la baisse des prévisions du consensus, toujours de 1,9 % en juillet.

De fait l’acquis de croissance américain est identique aujourd’hui à celui du PIB français à la fin du deuxième trimestre, un constat en phase avec celui d’une croissance trimestrielle exactement égale à celle de la zone euro, de 0,3 % en rythme non annualisé, par ailleurs, dorénavant inférieure à l’UEM en glissement sur quatre trimestre, ceci pour la première fois depuis 2010. De quoi, sans doute refroidir la FED et justifier une réévaluation du cours de l’euro contre le dollar… 

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