Grèce, l’injustice

L’Allemagne est-elle sur le point de commettre l’irréparable à l’égard de la Grèce? Tout le laisse penser, à ce stade, comme nous le craignions après leur fin de non-recevoir du plan grec il y a deux semaines.
Il s’agirait d’une erreur majeure aux conséquences très largement imprévisibles à court et moyen-long terme mais surtout d’une très grande injustice si l’on en juge par les efforts effectivement fournis par la Grèce ces dernières années.
Le graphique suivant, réalisé à partir des dernières données d’Eurostat compare l’évolution des dépenses publiques depuis 2009, non pas en pourcentage du PIB mais en niveau absolu.
Depenses publiquesOn y voit que la Grèce est le seul pays de la zone euro a avoir abaissé le niveau de ses dépenses dans des proportions considérables, de plus de 30%. Cette évolution n’a rien à voir avec les efforts consentis par l’Espagne, le Portugal ou même l’Irlande, souvent montrés en exemple de pays « responsables » ayant su faire les efforts nécessaires. Le plan d’ajustement imposé à la Grèce est en effet allé beaucoup plus loin, sans aucun doute trop loin pour être tenable et que la population puisse accepter de poursuivre sur cette voie à brève échéance.
En laissant sortir la Grèce de la zone euro non seulement les Allemands créeraient un précédent susceptible d’ouvrir la porte à un démantèlement à terme de l’union monétaire mais seraient responsable d’une très grande injustice.

La Fed n’est pas prête de relever le niveau de ses taux

Faible inflation, faible croissance des rémunérations, insuffisance de l’investissement immobilier, hausse du dollar, impact négatif de la baisse des prix du pétrole sur l’activité du secteur énergétique et risques financiers internationaux, les facteurs de prudence ne manquent pas dans les minutes du dernier FOMC.
Si ces dernières soulignent l’amélioration de la situation conjoncturelle du second semestre 2014, en particulier sur le marché de l’emploi, elles révèlent surtout de nombreuses incertitudes et un inconfort non dissimulé à l’egard du bas niveau d’inflation. 
La prudence à l’égard des anticipations d’inflation des marchés tranche, à ce titre, avec l’attention généralement portée à ces dernières. En rappelant que les marchés n’avaient pas anticipé la déflation japonaise au début de son processus au Japon, la Fed communique on ne peut plus clairement sur ce que sont ses craintes. 
?Au total, ces minutes confortent notre analyse et ont tout lieu de faire décaler davantage les anticipations d’une remontée de ses taux. Les rendements à long terme devraient refluer une nouvelle fois dans le sillage de ce communiqué, par ailleurs renforcé, par un ensemble de données assurément décevantes ces derniers temps.
Les marchés d’actions pourraient s’en trouver temporairement soutenus mais gare aux publications susceptibles de donner du crédit, même temporaire, aux inquiétudes de la Fed.

Banque d’Angleterre, le dilemme.

L'inflation britannique est tombée à un plus bas historique de 0,3% au mois de janvier et a de grandes chances de continuer à refluer dans les prochains mois pour terminer en territoire légèrement négatif au printemps sous le double effet de la chute des prix de l'énergie et de l'alimentation. 

 
L'évolution contrarie les plans de la BoE qui se préparait à entamer un cycle de remontée de ses taux directeurs cette année. Alors que les indications sur l'activité économique restent bien orientées, la Banque d'Angleterre est face au même dilemme que celui de la Fed: faire fi des données sur l'inflation attribuées à des phénomènes temporaires et ajuster sa politique aux seules données d'activité, ou décaler ses choix, au risque de prendre du retard sur l'inflation future.
Comme dans le cas américain, c'est probablement en fonction des évolutions salariales qu'elle prendra in fine sa décision. Sur ce front néanmoins, la lecture des tendances à l'oeuvre ne signale aucune urgence à modifier l'orientation actuelle de la politique monétaire :
– les coûts salariaux unitaires évoluent très faiblement, sur une tendance à peine positive de 0,2% l'an selon les derniers chiffres du troisième trimestre 2014;
– La croissance annuelle du salaire hebdomadaire est globalement étale, en léger repli dans le secteur manufacturier et stable dans les services, à l'exception du secteur financier seul réel pan de l'économie dans lequel les rémunérations se tendent. 
Il n'y a donc pas d'urgence à ce que la BoE se précipite à actionner une hausse de ses taux directeurs qui risquerait de pousser la Livre Sterling vers des niveaux handicapants pour la croissance future. 
Un statu quo prolongé reste donc l'option la plus vraisemblable, ce que ne semblent pas avoir totalement intégré les marchés, à en juger par la remontée récente des taux à deux ans… 
:End 

Réveil de la consommation allemande

Le bas niveau du taux de chômage n’a guère porté ses fruits en matière de consommation jusqu’à présent en Allemagne : à la fin du troisième trimestre la croissance annuelle des dépenses réelles des ménages allemands n’excédait pas 1.1%, à peine deux dixièmes de plus qu’en France!
Les choses pourraient avoir changé ces derniers temps, à en juger par le rebond des ventes au détail et celui, toutefois plus modéré, des immatriculations automobiles.
Deux phénomènes sont susceptibles d’expliquer ce réveil du consommateur allemand: les effets bénéfiques de la chute des cours du pétrole et ceux de l’introduction d’un salaire minimum à partir du mois de janvier sur le pouvoir d’achat des ménages. Selon nos estimations, la combinaison de ces deux éléments devrait faire de l’année 2015 l’une des meilleures en terme de pouvoir d’achat depuis l’unification, avec une progression de l’ordre de 2% de ce dernier en moyenne cette année, de quoi alimenter une solide hausse des dépenses malgré une remontée vraisemblable du taux d’épargne (cf « Scénario 2015.1- Place aux consommateurs« ).
Le réveil du consommateur allemand est indiscutablement bienvenu, susceptible tout à la fois de stimuler l’activité domestique et de profiter aux partenaires régionaux de l’Allemagne.
Sur le plan boursier, cette embellie devrait prolonger la performance du secteur de la consommation et conforte notre recommandation de surpondérer ce dernier par rapport aux industrielles dont on peut redouter que leur forte exposition aux pays émergents ne pénalise les résultats, dans un contexte, qui plus est, de très forte instabilité des marchés des changes.
 

La Chine n’en finit pas de se refermer

Les données du commerce extérieur chinois du mois de janvier confirment la tendance de plus en plus marquée à la fermeture de l'économie chinoise observée depuis le milieu de l'année 2011. 
Ce mouvement à plusieurs implications majeures sur les développements économiques locaux et mondiaux.
– La faible croissance des exportations prolonge une situation d'excès de capacités que la croissance de la demande domestique ne suffit à absorber, intensifiant de fait les tendances désinflationnistes et la faiblesse de l'investissement industriel. Elle entretient ainsi les pressions sur le gouvernement pour soutenir le rattrapage domestique, au prix de déséquilibres domestiques croissants (dette publique et privée).
– La chute du taux de pénétration de ces dernières années pénalise pour sa part les exportateurs du reste du monde : l'Asie en tout premier lieu mais aussi la plupart des pays émergents, les Européens et Américains. Elle explique une large part du processus de démondialisation en cours qui participe à l'abaissement du potentiel de croissance mondiale et à la montée des tensions internationales.
Dans le contexte présent d'intenses perturbations sur le marché des changes, ces mauvais chiffres augmentent clairement la probabilité d'une accentuation de la baisse du Renminbi orchestrée par le gouvernement et relayée par les sorties de capitaux, un mouvement forcément amplificateur d'instabilité sur les changes.  

Pétrole et euro, c’est parti !

Le rebond des cours du pétrole de ces trois derniers jours et celui de l’euro depuis 24 heures prennent une allure exceptionnelle. Le baril de Brent a repris 8 dollars depuis vendredi dernier, soit une augmentation de 16%. Le cours de l’euro a pour sa part rebondi de 1,13 USD lundi à quasiment 1,15USD mardi soir.
Petrole et euro
Ces mouvements sont-ils durables et jusqu’où peuvent-ils nous conduire?
Nous reprenons et commentons ci-dessous les paragraphes rédigés dans le cadre de la mise à jour de notre scénario 2015 sur ces deux points.
 » Les cours du pétrole pourraient avoir atteint leur point bas ces dernières semaines mais à quel niveau peut-on envisager le prix du baril pour les prochains trimestres ? 

L’amélioration des perspectives de croissance mondiale et l’effet graduel de la chute des prix sur l’offre de pétrole semblent simultanément en mesure de stabiliser les cours dans les prochaines semaines. Nous n’envisageons cependant pas de retour vers les niveaux de 100 $ le baril à horizon prévisible, ceci pour trois raisons principales : 

  • L’environnement de très faible inflation persistante à l’échelle mondiale,
  • L’absence d’amélioration dans les pays émergents les plus influents,
  • La reconsidération des perspectives de long terme de demande mondiale impactées par les moindres performances attendues du monde émergent.

Une stabilisation des cours du Brent dans un canal compris entre 50 et 65 dollars, contre 46 $ dollars aujourd’hui, nous semble, à ce stade, le scénario le plus vraisemblable. Le pétrole retrouverait ainsi des prix comparables à ceux du milieu des années deux mille. « 

Notre analyse n’a pas changé sur ce point. Que le mouvement  de remonté soit brutal dans un premier temps n’est pas surprenant tant la chute avait été violente. Pour autant, il semble bien qu’il faudra une évacuation du risque déflationniste avant de pouvoir envisager des cours supérieurs à notre scénario. Nous n’y sommes pas. A ce stade, le rebond du pétrole ressemble davantage à une correction d’ordre technique qui ne ferme pas la porte à un risque de nouvelle correction baissière au printemps si l’environnement inflationniste tarde à se normaliser. 

Scenario petrole

« L’euro à la croisée des chemins 

Après une chute exceptionnelle déclenchée par la perspective d’un assouplissement quantitatif de la part de la BCE, plusieurs éléments militent en faveur d’une stabilisation de la devise européenne.

Le premier, tient à l’ampleur de la baisse déjà enregistrée, soit 20 % au cours des neuf derniers mois face au dollar américain et 11 % en termes effectifs contre un panier de 38 devises. Un tel mouvement de dépréciation est considérable pour une région dont l’excédent courant dépasse 250 milliards d’euros par an (2,5 % du PIB).

Le deuxième, vient de l’amélioration des perspectives de la zone euro qui, bien que sans effet sur les anticipations de politique monétaire de la BCE dont on connaît dorénavant l’évolution minimum du bilan pour les prochains six prochains trimestres, est susceptible de stimuler quelque peu les entrées de capitaux.

Le troisième, tient à l’instabilité des changes que préfigure l’environnement des pays émergents et dont on peut envisager qu’il s’accompagne à un moment donné d’un report sur la devise européenne. 

Le dernier, enfin, vient de la correction des anticipations sur les politiques monétaires des pays industrialisés, la Fed et la BCE en particulier, dont on voit mal comment elles pourront procéder à l’enclenchement d’un cycle de resserrement monétaire d’ici la fin de l’année, comme les marchés continuent de l’envisager.

L’ensemble plaide plutôt pour une stabilisation de l’euro sur des niveaux légèrement supérieurs à ceux atteints ces derniers jours, dans une fourchette de 1,15 USD à 1,20 USD d’ici au milieu d’année, potentiellement légèrement supérieur au second semestre, le principal risque assorti à ce scénario semblant concentré, à brève échéance, sur la tournure que prendra la gestion du dossier grec. » 

Notre analyse n’a pas changé. 

– Le risque mentionné sur la gestion du dossier grecs s’étant nettement réduit ces dernières 24 heures, la correction sur le front du taux de change de l’euro peut se poursuivre. Une remontée aux environs de 1,18USD semble très rapidement accessible et devrait ouvrir la porte à un retour, plus graduel, vers 1.20USD. 

Scenario euro

Bataille des changes, l’Australie passe à l’acte

L’Australie était sur la liste des possibles sources de surprise cette semaine (voir notre hebdo). C’est chose faite avec la baisse d’un quart de point des taux directeurs à 2,25%. S’il n’y avait pas d’urgence à ce que la RBA passe à l’acte dès ce mois-ci, il ne faisait que peu de doute qu’elle y penserait sérieusement. Les données chinoises de ces derniers jours ont-elles pesé dans la balance ? C’est possible mais les perspectives de fort repli de l’inflation et l’appréciation du taux de change justifient à elles seules cette décision.
Le dollar australien a réagi en conséquence, en repli de 2% dans les minutes qui ont suivi l’annonce, les taux à terme se sont écrasés et le marchés des actions a rebondi, l’indice S&P ASX renouant avec un plus haut depuis le printemps 2008.
A ce jeu là tout le monde ne pourra pas gagner cependant. L’instabilité des marchés des changes internationaux est une source d’incertitude grandissante pour les marchés asiatiques et les entreprises internationales.
A surveiller maintenant, la gestion du yuan par la PBOC. La devise chinoise a touché son plus bas niveau depuis le 1er mai de l’année dernière et pourrait bien franchir une nouvelle marche d’escalier à la baisse dans les prochains jours, un mouvement qui ne manquera pas d’intensifier la fuite en avant des banques centrales dans la région.

UNE année de patience

Sans surprise la Fed réitère le besoin d’être patient en dépit de l’amélioration incontestable de la situation domestique américaine. Comment pourrait-elle faire autrement avec une inflation en chute libre, amenée à basculer sous peu en territoire négatif, sous le seul effet de la chute des cours du pétrole?
De la patience il lui en faudra à en juger par nos estimations d’une inflation annuelle comprise entre -0.3% et -0.5% au deuxième trimestre de cette année, qui plus est, peu à même de revenir au-dessus de zéro pourcent avant le quatrième trimestre.
Des lors, même un taux de chômage inférieur à 5%, comme nous le prévoyons à partir du printemps, risque de ne pas suffire à justifier une quelconque remontée de ses taux d’intérêt. Sauf dérapage, improbable, des salaires, c’est à une année de statu quo qu’il faut donc s’attendre du côté de la Fed… Un effet du contre choc pétrolier que les marchés actions pourraient ne pas apprécier mais qui continuera vraisemblablement à pousser plus bas encore les niveaux des taux longs.