Le protectionnisme n’est pas dissociable de la menace hégémonique qui se profile depuis la réélection de D. Trump et tétanise un monde éminemment dépendant de la puissance américaine, aujourd’hui, principale source de croissance et d’influence à l’échelle mondiale. Après des années de regards rivés sur la Chine, les rouages de l’économie mondiale ont radicalement changé depuis le premier mandat du président américain réélu. Concours de circonstances, aidé par les erreurs de gouvernance d’un empire chinois trop gourmand qui a grillé ses cartouches par ses excès de dettes ; accélérations malencontreuses liées au covid et aux effets ravageurs de la guerre russo-ukrainienne en Europe ; révolution technologique, aux mains américaines et offensive keynésienne de l’administration Biden ces quatre dernières années, forment un tout qui assure, en effet, une domination incontestable de l’économie américaine sur le reste du monde qui cherche à s’en protéger.
Depuis le début du siècle, le déficit courant cumulé des Etats-Unis a dépassé 11 000 milliards de dollars et a alimenté d’autant la croissance mondiale. Sans ces excès, l’évolution du PIB du reste du monde aurait été amputée du quart et son taux de croissance annuel moyen de près d’un sixième, de 5,6 % à 4,7 % en dollars courants, et de quasiment 20 % sur la seule période 2010 à 2023. Il s’agit, a minima, c’est à dire sans les effets de second tour potentiellement plus importants, de ce que confisquerait à terme la stratégie protectionniste de D. Trump si elle parvenait à ses fins. Ces chiffres donnent forcément le vertige aux pays les plus exposés au marché américain, lesquels ont bien peu d’armes économiques en dehors de leur taux de change pour tenter de se protéger contre les augmentations promises des tarifs douaniers.
Les dépréciations des monnaies ne sont, pourtant, pas si faciles à déployer et représentent des risques, souvent, contraires à ceux, par ailleurs, recherchés.
Ainsi, l’Europe ne décrétera pas une guerre des changes, elle n’en a pas les moyens, quand bien même la monnaie européenne pourrait subir un sérieux contrecoup du changement d’environnement en présence. De son côté, une chute du yuan chinois sauverait peut-être la donne industrielle à brève échéance mais aurait pour effet mécanique de réduire d’autant la valeur du PIB de l’Empire du Milieu comparativement à l’américain. Combien d’années faudrait-il, dès lors, pour récupérer les pertes de cette concession faite dans la paniqué ? La réponse est aléatoire mais pourrait retenir les autorités chinoises de s’engouffrer dans la brèche ouverte par D. Trump. La BoJ, enfin, renoncera-t-elle à sa stratégie de stabilisation du yen initiée cet été ?…
Rien n’est simple, décidément, depuis l’élection du 5 novembre et l’hypothèse d’une guerre des changes qui émerge spontanément de l’observation de la situation n’échappe pas à la complexité du moment.