Que l’on se réjouisse qu’un accord de soutien à la Grèce ait pu être trouvé ou que l’on déplore les conditions dans lesquelles ces négociations se sont déroulées et leur aboutissement aura in fine peu d’importance si la croissance revient en Grèce. Si tel n’est pas le cas, en revanche, nul ne peut dire quelles seront les conséquences économiques, sociales et politiques des décisions des dirigeants européens de ce week-end sur l’avenir de la Grèce et plus généralement sur celui de la zone euro. Imaginer une issue favorable est-il réaliste ou du simple domaine de l’utopie ? Tout dépend de ce qui viendra, non de ce qui a été décidé au petit matin du 13 juillet qui, en l’état, est intenable.
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L’Espagne, un modèle pour la Grèce ?
L’Espagne est souvent citée comme référence de bonne gestion de la crise économique et souveraine de ces dernières années, présentée comme le pays ayant su faire les sacrifices nécessaires dont il récolte aujourd’hui les bénéfices. Les révisions à la hausse des prévisions de croissance annoncées par le gouvernement espagnol cette semaine ont ainsi souvent été perçues comme un argument susceptible de faire valoir à la population grecque la voie à suivre à la veille du référendum de ce week-end. Les deux situations n’ont pourtant pas grand-chose de comparable, ceci pour trois raisons principales :
1- En 2010, lorsqu’éclate la crise souveraine, le niveau d’endettement de l’économie espagnole est parmi les plus faibles de la zone euro, les exigences d’ajustement ont donc surtout visé à rééquilibrer une situation budgétaire ponctuellement, bien que gravement, impactée par la crise immobilière et bancaire. Rien de tel en Grèce où l’état des finances publiques était beaucoup plus critique, requérant de facto des ajustements structurels beaucoup plus drastiques qui totalisèrent 17 % du PIB potentiel entre 2010 et 2014, contre 6,5 % dans le cas espagnol.
2- Le coût économique des économies budgétaires est ainsi sans commune mesure entre les deux pays : moins de 4 % pour le PIB espagnol contre 25 % pour le PIB grec, soit un multiplicateur budgétaire de 0,6 dans le premier cas et de 1,5 dans le second, conséquence à la fois de l’ampleur et de la typologie des réformes menées.
3-L’Espagne a mis fin à sa politique d’austérité depuis 2013 et en récolte aujourd’hui les fruits en matière de demande domestique quand les négociations en cours visent à prolonger l’austérité pour plusieurs années dans le cas grec, écartant de facto toute chance de reprise de l’activité pour les deux prochaines années.
Les scénarios de l’inconnue grecque
La décision du Premier Ministre grec, Alexis Tsipras, de faire valider par référendum le 5 juillet les propositions communes du FMI, de l’UE et la BCE dans le cadre des négociations sur la dette a chamboulé la situation européenne ce week-end. Acceptée par un vote du Parlement grec samedi, la perspective d’un référendum a conduit l’Euro groupe à l’interruption immédiate des négociations avec le pays. Alors que la Grèce est censée rembourser mardi la tranche de 1,6 milliards d’euros d’avance du FMI, l’incertitude est à son paroxysme. Après un week-end de déclarations de toutes sortes et de prises de décisions visant notamment à prévenir une panique généralisée à l’ouverture des marchés financiers ce lundi, les questions sont assurément plus nombreuses que les certitudes. Où en est-on, quels scénarios envisager ?
La Grèce en 2025
En 2023, quand, en théorie, la Grèce commencera à rembourser le capital de sa dette après avoir d’ici là honoré les seuls intérêts de celle-ci, l’âge médian de la population grecque devrait avoir augmenté de plus de six années par rapport à aujourd’hui pour s’établir à 47 ans ; la proportion de personnes en âge de travailler, de 15 à 65 ans, devrait de son côté avoir décliné de plus de cinq pourcent et avoir renfloué d’autant le nombre des retraités. Amené à se poursuivre jusqu’en 2045-2050, ce processus de vieillissement conduira à terme à un bouleversement des structures démographiques qui s’accompagnera notamment d’une chute de la proportion des personnes d’âge actif aux environs de 50 %.
Si la Grèce ne détient pas l’exclusivité de ces changements, elle fait partie des pays européens les plus exposés au vieillissement programmé de sa population, un mouvement, qui plus est, susceptible d’être amplifié par l’hémorragie des plus jeunes fuyant une économie en crise. Il s’agit d’une situation assez largement inextricable pour le pays européen de loin le plus endetté, que seules des hypothèses hautement irréalistes permettent de laisser penser qu’elle puisse être surmontée.
Vous avez dit « Grexit »?
Qui y croit? Imaginer que quiconque s’aventure sur ce terrain est devenu impensable le soir même des élections. L’Europe devra donc faire avec, c’est à dire faire avec une autre politique économique. Mais au fait que propose Syriza?
Un programme d’environ 12 milliards d’euros selon les estimations de ce même parti, articulé autour de deux grands axes économiques :
Un plan social estimé à 1.8 milliards d’euros, incluant des mesures d’urgence pour les plus démunis : aides alimentaires pour les plus pauvres (756 millions), la gratuité des soins médicaux pour les chômeurs (350 millions), aides aux retraités.
Un plan de relance économique incluant :
- la suppression des taxes foncières pour les petits propriétaires,
- le relèvement du seuil annuel de revenus imposables pour les ménages, de 5 000 euros à 12 000 euros (coût estimé : 1,5 milliard d’euros)
- le rétablissement du salaire minimum à 751 euros mensuels,
- l’annulation des réformes menées depuis quatre ans dans le droit du travail et, notamment, sur la question des conventions collectives,
- la création de 300 000 emplois dans le privé et le public (5 milliards sur 2 ans),
- la création d’une nouvelle banque d’investissement dotée d’un apport de 1 milliard d’euros.
- la lutte contre la fraude fiscale, qui rapporterait 3 milliards
Loin de là les ambitions révolutionnaires que certains ont prêté à Syriza ces dernières années, le programme en l’état est difficilement critiquable, surtout aux lendemains d’un programme de plus de 1000 milliards d’euros d’achat d’actifs par la BCE. Pour autant, pour ce faire, la Grèce doit libérer des moyens, en d’autres termes s’alléger du fardeau que représente la charge d’intérêt de sa dette publique qui absorbe plus d’un cinquième du budget de l’État. Sur ce point, plusieurs options sont envisageables :
- – un moratoire sur les intérêts,
- – une renégociation des taux d’intérêt et un allongement de la maturité
- – une annulation purement et simplement d’une partie de la dette.
Les créanciers de la Grèce devront choisir et ne pourrons à l’évidence refuser chacune de ces propositions. Le scénario d’un ajustement par étape, moratoire le temps de travailler sur un rééchelonnement suivi, à terme -dans un ou deux ans et sous réserve de résultats-, d’une annulation partielle semble, à ce stade, le scénario le plus souhaitable et le plus gérable d’un côté comme de l’autre.
Sauf braquage dogmatique d’un côté ou de l’autre, rien de tout cela n’est en mesure de mettre en péril la zone euro. Si les inquiétudes sur les élections grecques ont participé à la baisse de la devise ces derniers jours, celles-ci devraient être levées et ne plus peser sur la devise.