Avant même de s’être mis d’accord sur un improbable projet de coalition, c’est à la dette que s’attellent la Ligue du nord et le mouvement M5S italiens avec la revendication d’un allègement de celle-ci pour 250 mds des titres détenus par la BCE. Si la demande a peu de chances d’aboutir, elle a néanmoins le pouvoir de raviver les vieux démons de la crise souveraine et de nuire aux conditions de financement de l’ensemble des pays du sud de l’Europe. Le risque d’une nouvelle épidémie de tensions souveraines est sérieux.
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Sur les ruines de l’austérité
Que l’on se réjouisse qu’un accord de soutien à la Grèce ait pu être trouvé ou que l’on déplore les conditions dans lesquelles ces négociations se sont déroulées et leur aboutissement aura in fine peu d’importance si la croissance revient en Grèce. Si tel n’est pas le cas, en revanche, nul ne peut dire quelles seront les conséquences économiques, sociales et politiques des décisions des dirigeants européens de ce week-end sur l’avenir de la Grèce et plus généralement sur celui de la zone euro. Imaginer une issue favorable est-il réaliste ou du simple domaine de l’utopie ? Tout dépend de ce qui viendra, non de ce qui a été décidé au petit matin du 13 juillet qui, en l’état, est intenable.
L’Espagne, un modèle pour la Grèce ?
L’Espagne est souvent citée comme référence de bonne gestion de la crise économique et souveraine de ces dernières années, présentée comme le pays ayant su faire les sacrifices nécessaires dont il récolte aujourd’hui les bénéfices. Les révisions à la hausse des prévisions de croissance annoncées par le gouvernement espagnol cette semaine ont ainsi souvent été perçues comme un argument susceptible de faire valoir à la population grecque la voie à suivre à la veille du référendum de ce week-end. Les deux situations n’ont pourtant pas grand-chose de comparable, ceci pour trois raisons principales :
1- En 2010, lorsqu’éclate la crise souveraine, le niveau d’endettement de l’économie espagnole est parmi les plus faibles de la zone euro, les exigences d’ajustement ont donc surtout visé à rééquilibrer une situation budgétaire ponctuellement, bien que gravement, impactée par la crise immobilière et bancaire. Rien de tel en Grèce où l’état des finances publiques était beaucoup plus critique, requérant de facto des ajustements structurels beaucoup plus drastiques qui totalisèrent 17 % du PIB potentiel entre 2010 et 2014, contre 6,5 % dans le cas espagnol.
2- Le coût économique des économies budgétaires est ainsi sans commune mesure entre les deux pays : moins de 4 % pour le PIB espagnol contre 25 % pour le PIB grec, soit un multiplicateur budgétaire de 0,6 dans le premier cas et de 1,5 dans le second, conséquence à la fois de l’ampleur et de la typologie des réformes menées.
3-L’Espagne a mis fin à sa politique d’austérité depuis 2013 et en récolte aujourd’hui les fruits en matière de demande domestique quand les négociations en cours visent à prolonger l’austérité pour plusieurs années dans le cas grec, écartant de facto toute chance de reprise de l’activité pour les deux prochaines années.
Espagne : spirale à la grecque ?
Le mode de gestion de la crise souveraine est une aberration qui finira, et ceci peut-être plus rapidement que nul ne peut aujourd’hui décemment l’imaginer, par tuer l’union monétaire. Dans le contexte d’extrême détérioration des conditions économiques depuis le milieu du printemps, l’accentuation des politiques d’austérité fait courir un risque majeur aux pays en crise.
L’annonce du gouvernement Rajoy d’un nouveau plan d’austérité a dans un premier temps rassuré les bailleurs de fonds du pays : les taux d’intérêt à long terme ont en effet baissé significativement (plus de 20bp, à 6.60%) immédiatement après l’annonce du premier ministre. Les gages donnés par le gouvernement espagnol contre l’assouplissement des objectifs de réduction de ses déficits publics accordés par Bruxelles semblent avoir convaincu les observateurs. Les annonces d’une réforme en profondeur de l’Administration amenée à réduire de 30 % le nombre de conseillers locaux et d’une hausse simultanée de trois points de la TVA, ont, à ce titre, probablement été perçues comme les plus convaincantes. Ce plan d’austérité soulève pourtant bien des inquiétudes quant à l’issue de la crise actuelle. D’un montant de 65 milliards d’euros pour la période 2012 – 2014, ce nouveau paquet, 6.5 % du produit intérieur brut actuel, est particulièrement restrictif, ceci tout particulièrement pour une économie déjà en récession. Le risque que ces efforts se révèlent in fine totalement vains car trop coûteux en terme de croissance est à ce stade très substantiel et celui qui lui est associé, à savoir, que l’Espagne ait déjà entamé une spirale à la grecque est aujourd’hui incontestablement élevé.