Précipiter l’adhésion à la monnaie unique de pays dont les niveaux de productivité étaient trop éloignés de ceux du noyau dur les a privé de l’accompagnement monétaire dont ils auraient eu besoin durant la période de rattrapage structurel de leurs économies. Cela a bien été l’erreur première et potentiellement fatale de la construction de l’Europe monétaire dont la crise actuelle est le résultat direct.
A l’origine, il y avait un projet, ambitieux : celui d’une Europe unie dont la construction devrait aboutir à un mieux être collectif, celui d’une Europe solidaire offrant aux pays les moins développés l’opportunité d’une convergence accélérée vers le niveau de richesse des plus avancés, celui enfin, d’une Europe en paix parce que forte d’un pouvoir économique commun suffisamment puissant pour assurer une cohésion durable.
Les premiers temps de l’Europe ont largement alimenté l’ambition première. Lorsqu’au milieu des années quatre-vingts l’Espagne adhère à l’UE, c’est avec un niveau de vie de vingt-cinq pourcent inférieur à la moyenne franco allemande. Le boom économique qui suit cette intégration permet d’augmenter le revenu par habitant de la population espagnole de 50 % en moins de quinze ans, comblant ainsi quasiment la moitié de son retard initial. Au cours de cette même période, les flux d’investissements étrangers massifs accompagnent le développement de l’industrie en même temps qu’un quadruplement du volume des exportations, absorbées à hauteur de 75% par les autres pays de UE ; l’emploi passe de 11 à 15 millions tandis que, d’année en année, les transferts structurels de l’UE, dont l’Espagne est longtemps le premier bénéficiaire, assurent la mise à niveau progressive de son taux d’équipement en infrastructures, indispensable à la pérennisation de son développement.