La vigilance de la Fed ne suggère pas de hausse de ses taux avant… longtemps

Malgré l’amélioration des conditions domestiques américaines, les minutes de la Fed traduisent une vigilance extrême à l’égard de trois facteurs de risques : les conditions internationales, les marchés financiers et le faible niveau de l’inflation.

Aucun de ces points ne devrait la précipiter à remonter le niveau de ses taux d’intérêt avant longtemps. Si les minutes excluent toute hausse au cours des deux prochains meetings, soit d’ici avril, elles précisent également que la Fed ne remontera pas ses taux avant que l’inflation sous-jacente soit stabilisée sur les niveaux qui étaient les siens lors du FOMC (aux environs de 1,5%) sous réserve de perspectives crédibles d’une remontée de l’inflation vers son objectif de 2%. Ces précisions éloignent significativement l’horizon d’un passage à l’acte.

Les effets de la chute des prix du pétrole vont, en effet, jouer à plein au premier semestre et, sauf remontée brutale des cours d’ici au printemps, l’inflation annuelle pourrait bien tomber temporairement en territoire négatif au second trimestre : selon nos estimations, elle refluerait de 1,7% au troisième trimestre 2014, à 1% au quatrième, puis 0,3% et -0,3% respectivement aux premiers et deuxième trimestres 2015.

Au-delà des effets pétrole, l’inflation reste très faible, cantonnée à certaines catégories très spécifiques de services -la santé et les loyers principalement- aux effets contenus sur le coût de la vie : à 2,5%, l’inflation dans les services hors énergie est toujours significativement inférieure à ce qu’elle était en moyenne avant la crise de 2008 (3,2 % en moyenne depuis 1995). Les prix des biens durables de consommation se contractent, en revanche, déjà significativement. En repli annuel de 1,7% en novembre, ils devraient accuser les effets de la hausse du dollar, comme de nombreux autres produits importés, au cours des prochains mois et continuer à exercer des pressions désinflationnistes importantes.

Difficile dans de telles conditions d’imaginer que la Fed puisse passer à l’acte que ce soit en avril ou au-delà. Sauf embardée des salaires, ce qui ne peut être totalement exclu dès lors que le taux de chômage cassera le niveau de 5%, probablement aux environs du printemps, il se pourrait bien que l’amorce d’un cycle de hausse de ses taux d’intérêt soit tout simplement impossible avant la fin de l’année. Les taux longs ne sont donc pas sur le point de remonter et pourraient même encore refluer si l’on en juge par la correction que devraient subir les anticipations sur les taux directeurs. Ce mouvement contrariera-t-il le reflux de l’euro? Attendons les annonces de M. Draghi avant d’essayer d’y voir plus clair…

Inflation USUS T-Bonds

Vers une inflation négative en zone euro en 2015

L’inflation de l’UEM, c’était acquis, devait basculer en territoire négatif sans le sillage de la chute des cours du pétrole ; nos dernières estimations aboutissaient à un taux négatif à partir du mois de janvier, susceptible de reculer jusqu’à -0,5% l’an d’ici avril. Les choses vont plus vite que prévu avec une chute à -0,2 % du taux d’inflation annuel dès le mois de décembre selon les données préliminaires publiées ce matin. L’effet de la chute des prix de l’énergie est évidemment très marqué. La composante énergétique de l’indice européen est en repli de 6,3% sur douze mois, ce qui explique 0,7 points de la baisse du taux d’inflation annuel enregistrée depuis un an, de 0,8% à -0,2%.

Le mouvement devrait se poursuivre au cours des mois à venir. D’abord parce que les cours de l’énergie poursuivent leur déclin mais, également, parce que ce mouvement  devrait se diffuser pendant plusieurs mois sur de nombreuses autres composantes de l’inflation. L’inflation sous-jacente, hors énergie et produits frais, stable au cours des trois derniers mois à 0,7%, est donc amenée à décliner en 2015 et pourrait avoisiner zéro pour-cent d’ici à l’été.

Le débat sur la réalité déflationniste en zone euro est donc dépassé. La situation ne suscite plus de doute : l’inflation 2015 sera négative, à hauteur vraisemblablement de -0,5% à -1%, selon la tournure des choses dans les mois à venir.

Le Royaume-Uni dépasse la France, pour combien de temps?

Le PIB britannique serait repassé devant celui de la France en 2014, remontant ainsi au 5ème rang mondial. La nouvelle suscite une grande curiosité côté français, avec cette tentation de rechercher dans la voie britannique un quelconque modèle. On oublie trop souvent, toutefois, de rappeler que l’économie britannique est avant tout une plateforme financière hors norme en Europe : le secteur financier y concentre encore 7,5 % du PIB et à peu près autant de la masse salariale du pays, contre moins de 5 % en France et moins de 4 % en Allemagne. Dans le contexte financier international de ces dernières années, la City a drainé de nombreux capitaux de par le monde, dans le sillage desquels de larges pans de l’activité économique ont été alimentés, de la finance à proprement parler aux multiples services qui y sont rattachés, sans oublier l’immobilier et les transports. L’économie britannique est ainsi probablement la plus grande bénéficiaire des injections de liquidités de la Fed sur les marchés financiers depuis la fin 2012.

L’exposition du pays à des marchés dorénavant moins porteurs, soumis en outre à l’assèchement des flux de capitaux en provenance de Russie ou autres producteurs de pétrole, augure de jours vraisemblablement plus compliqués outre-Manche. Car les progrès effectivement réalisés par le pays en dehors du secteur financier sont ténus : ses performances industrielles ou à l’exportation ne sont guère plus avantageuses que celles de la France, par exemple, quand, par ailleurs, le pays enregistre un déficit courant de plus de 5 % de son PIB et un déficit public de même ampleur.

Dès lors ne rougissons pas trop, le « modèle » britannique est encore très relatif…