Les politiques pro-cycliques imposées aux pays en difficulté de l’union monétaire produisent les effets prévisibles : la Grèce est en faillite, l’Espagne au bord de la faillite, la zone euro sombre et le reste du monde est entrainé dans le sillage européen. Le risque d’une nouvelle récession mondiale est élevé et la probabilité d’un éclatement de la zone euro n’a jamais été aussi forte. Le chaos qui résulterait d’une telle combinaison est incommensurable, tellement effrayant que nul ne peut imaginer s’y résigner. Il y a donc urgence à changer de cap.
Prétendre réduire le niveau d’endettement de pays surendettés à coup de politique d’austérité nuisibles à la croissance est une aberration économique. L’échec de la méthode était prévu, il est maintenant patent, douloureusement illustré par les cas grec et espagnol. La liste des victimes n’a toutefois aucune raison de s’arrêter à ces deux pays et continuera inexorablement à s’allonger si les européens ne rompent pas très rapidement avec l’orientation qui a été la leur depuis le printemps 2010. On ne cessera de le répéter : l’austérité, en ruinant la croissance, a pour effet mécanique d’aggraver la situation financière des Etats et d’enfoncer la région dans une crise dont elle finira par ne pas pouvoir s’extirper.
Que faire ? A cette question, une seule et unique réponse : un virage à 180 degrés de la politique économique jusqu’alors privilégiée.
Ce virage devra simultanément et urgemment : 1- court-circuiter la récession en cours, 2- protéger les gouvernements de la hausse des taux de financement, 3-étaler sur le long terme les programmes de réduction des déficits afin de laisser respirer les économies. Quelles qu’en soient ses modalités, une telle politique s’accompagnera forcément d’une action inédite de la BCE, synonyme d’une monétisation plus ou moins importante de la dette de Etats. Il ne s’agit pas là d’une option mais de l’unique moyen, s’il n’est pas déjà trop tard, pour enrayer la spirale destructrice dans laquelle se sont fourvoyés les pays européens depuis maintenant plus de deux ans et à laquelle l’union monétaire n’a aucune chance de survivre.
Le risque ne serait sans doute pas aussi imminent si la situation conjoncturelle internationale ne s’était pas dégradée comme elle l’a fait ces derniers mois. La tournure des indicateurs avancés de l’activité européenne est en effet particulièrement alarmante depuis le début de l’été, ressemblant à s’y méprendre à celle des premiers temps de la crise de 2008. Les dernières informations disponibles nous signalent une profonde accentuation de la récession en Italie et en Espagne. Tout annonce en effet que la consommation des ménages de ces deux pays, qui avait jusqu’alors plutôt bien résisté à la crise, est sur la voie d’un ajustement particulièrement marqué. En Italie, le climat des affaires dans le commerce de détail a déjà enfoncé le plancher connu en 2008. En Espagne, la chute de la confiance des ménages, sur fond d’une contraction de 4% du pouvoir d’achat au cours des douze derniers mois, préfigure un repli d’ampleur comparable des dépenses réelles de consommation d’ici la fin de l’année. Tandis que la croissance française, au mieux, stationne et que l’Allemagne enregistre le contre coup de la détérioration de ses marchés à l’exportation, la récession qui se profile dans la zone euro semble bien devoir être beaucoup plus marquée que quiconque ne l’avait imaginé jusqu’alors. La résultante en sera, c’est certain, une nouvelle détérioration de la situation financière d’un nombre croissant d’Etats et une incontournable aggravation de la crise souveraine dont on ne voit pas comment elle pourrait ne pas dégénérer en crise mondiale. Force est de constater en effet que ni les Etats-Unis ni la Chine ne parviennent à maintenir le cap d’une croissance suffisamment dynamique pour être en mesure d’absorber un nouveau choc européen.
Le temps est donc compté. Sauf rupture imminente des choix de politique économique, c’est bien au scénario du pire que nous devrons, sous peu, nous préparer.
Véronique Riches-Flores