Les yeux plus grands que le ventre de l’Union européenne

Ces dernières années, l’Union européenne a fini par convaincre jusqu’à ses plus grands détracteurs historiques de l’intérêt de s’allier pour garantir sa souveraineté et son influence, face à un monde de moins en moins amical, constitué de géants émergés des quatre décennies écoulées. Si s’assembler peut rassurer et, s’élargir, paraître le meilleur garant de l’invincibilité, vivre à 27, peut-être 32 d’ici peu, voire 37 (?) est une gageure, devenue plus politique qu’économique ces derniers temps. Est-ce la bonne voie ? L’avenir le dira mais l’on peut déjà avancer qu’il faudra que les mécanismes européens évoluent en profondeur pour échapper au fiasco que préfigure cette perspective dans l’état actuel du fonctionnement et de la gouvernance de l’UE.
A 27, l’Europe est déjà une épreuve de force dont on constate de jour en jour les limites, aux conséquences politiques révélées avec brutalité par les dernières élections, malgré la reconduction de la coalition en présence au Parlement européen. Les explications le plus souvent avancées à cette crise sont multiples : rigidités, pertes de repères et d’indépendance politique, sous-performance économique. Plus fondamentalement, se pose la question de ce que détruit l’Europe pour se construire, de la répartition des fruits de la croissance et du chemin choisi pour la prospérité promise.
Si le projet européen d’offrir aux pays les plus démunis les moyens d’un développement économique accéléré par leur adhésion à l’UE, a pour lui d’être, à la fois, unique au monde et incontestablement louable par sa générosité et ses résultats déjà engrangés, l’Europe a cependant échoué à trouver les moyens de rendre cette ambition soutenable. Déshabiller Paul pour habiller Pierre n’est pas le meilleur moyen pour faciliter la cohésion ni le bien-être collectif, en effet. C’est, pourtant à bien des égards, ce à quoi ressemble le projet européen aujourd’hui. Dès lors, si l’on ne peut que se réjouir de voir de nouveaux membres profiter du vent de poupe que leur offre leur entrée dans l’UE, on ne peut que s’inquiéter de constater les transferts de richesse qui accompagnent ce mouvement et alimentent, à juste titre, les craintes de déclassement, tout particulièrement chez ses pères fondateurs.
Alors que l’exigence d’élévation des niveaux de vie des pays les plus développés est, d’un point de vue fondamental, discutable, elle est un préalable incontournable à une adhésion pleine et entière des populations au projet européen et à sa survie sur le moyen-long terme. L’Europe a pris la voie inverse depuis 2004 et en récolte les épines qui ne sont, sans doute, que les prémices de plus grandes difficultés politiques. Il est grand temps que les politiques nationales et pan-européennes redressent le tir. C’est là sans doute l’un des premiers enjeux du quinquennat qui s’ouvre.

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